Suspension des échanges culturels entre le Théâtre Le Rio de Tunis et l’Institut Goethe : solidarité avec les Palestinien·ne·s et critique de l’implication allemande

Dans le cadre de l'appel à la grève "STRIKE GERMANY" lancé à l'attention des travailleurs et travailleuses culturel.le.s internationaux pour protester contre la participation des institutions culturelles allemandes dans la persécution des Palestinien.ne.s en Allemagne, le Théâtre Le Rio de Tunis a décidé de suspendre sa collaboration avec l'Institut Goethe de Tunis. Cette décision fait suite à une première lettre adressée deux mois auparavant par dix responsables d'opérateurs culturels en Tunisie à la directrice de l'Institut Goethe de Tunis.

Madame Andrea Jacob,
Directrice de l’Institut Goethe à Tunis

Madame Andrea Jacob,

Je vous écris pour vous informer que j’ai bien reçu la demande de l’Institut Goethe à Tunis concernant la location du Théâtre Le Rio pour la projection du film « Perfect Days » de Wim Wenders.

Le 11 décembre dernier, j’ai eu l’occasion de vous écrire en tant que représentant, aux côtés de neuf autres responsables d’opérateurs culturels en Tunisie, afin d’exprimer notre profonde préoccupation quant à l’implication du gouvernement allemand dans les attaques brutales perpétrées par Israël à l’encontre de civils et d’infrastructures civiles à Gaza. Cela inclut les attaques contre les collègues de Gaza dans le domaine des arts, leurs familles et leurs moyens de subsistance. 

Nous avons également manifesté notre consternation face à la répression croissante exercée par les autorités allemandes et/ou les institutions culturelles allemandes à l’encontre des Palestinien·ne·s et des individus soutenant publiquement leurs droits humains ou critiquant l’impunité et la brutalité d’Israël et de ses forces de sécurité.

Dans cette lettre, nous avons posé sept questions afin de clarifier la position générale de l’Institut Goethe, et plus spécifiquement de son antenne à Tunis. Malheureusement, votre réponse du 18 décembre n’a pas apporté la clarification attendue sur la position de l’Institut Goethe concernant la guerre à Gaza. Bien que vous ayez exprimé votre choc face au nombre croissant de victimes civiles et reconnu la situation humanitaire catastrophique, aucune condamnation d’Israël, responsable de ces atrocités avec le soutien de votre gouvernement, n’a été formulée.

Par ailleurs, les déclarations de principe telles que « nous rejetons toutes les formes de violence, de racisme (y compris, bien sûr, le racisme anti-palestinien) et de discrimination de toutes sortes », ainsi que l’initiative « GG 5.3 Weltoffenheit » de 2020, sont louables. Cependant, plusieurs exemples récents, comme la désinvitation du journaliste palestinien Mohammed El-Kurd en juin 2022 par l’Institut Goethe d’Allemagne, démontrent qu’elles n’ont malheureusement pas été suivies d’effet. De même, en novembre 2022, l’Institut Goethe de Tel-Aviv a annulé un débat sur le thème « Comprendre la souffrance des autres. L’Holocauste, la Nakba et la mémoire culturelle allemande » sous les pressions du ministère des affaires étrangères d’Israël et de diverses organisations pro-israéliennes.

Ces politiques maccarthystes visant à réprimer la liberté d’expression, notamment les manifestations de solidarité avec la Palestine, suscitent de plus en plus d’indignation à l’échelle internationale. Un exemple frappant en est l’appel à la grève des travailleurs culturels internationaux au sein des institutions culturelles allemandes, nommé STRIKE GERMANY. Celui-ci dénonce la répression à l’encontre de la population palestinienne ainsi que de ceux qui s’opposent aux crimes de guerre d’Israël. Il exige que les institutions culturelles allemandes s’engagent à annuler la résolution anti-BDS et à lutter contre toutes les formes de racisme et de sectarisme de manière égale.

Le théâtre Rio soutient pleinement cet appel.

Par ailleurs, la décision récente du gouvernement allemand de suspendre immédiatement le financement de l’Agence des Nations Unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA) est plus qu’alarmante, elle est profondément choquante et inquiétante. L’Institut Lemkin pour la prévention du génocide a condamné cette décision, la qualifiant de participation accrue au génocide en cours des Palestiniens à Gaza, et de violation du jugement récent de la CIJ ainsi que des responsabilités des nations participantes en vertu de la Convention pour la Prévention et la Punition du Crime de Génocide.

C’est donc avec un profond regret que je vous informe que le Théâtre Le Rio et son personnel ne peuvent continuer à collaborer en toute conscience avec l’Institut Goethe à Tunis, ni avec aucune autre institution allemande qui criminalise la solidarité avec les Palestiniens.

Cordialement,

Habib Belhedi

Directeur du Théâtre Le Rio à Tunis