La préfecture d’Ille-et-Vilaine estime que rien ne s’oppose à l’expulsion de ce couple de Palestiniens et de leurs trois enfants. A Rennes, leurs soutiens dénoncent « un acharnement délirant ».
Ils vivent dans l’angoisse d’apprendre, à nouveau, la mort d’un proche sous les bombardements. « Nos familles n’ont plus de toit, elles ont fui vers le sud de la Bande de Gaza, où 2,5 millions de personnes s’entassent, sans nourriture, sans eau ni électricité », expliquent Shaden et Ibrahim Awad.
Quand ils arrivent à joindre quelqu’un, ils se disent ce qui compte le plus : « On veut juste savoir s’ils sont en vie Le couple vit dans un stress permanent, en essayant de l’épargner au maximum à leurs enfants de 7, 5 et 3 ans. « Surtout, on éteint la télé quand ils sont là. »
Ils vivaient à Khan Younès, « l’une des sept villes de Gaza », où ils se sont mariés en 2015 et où ils ont eu leur aînée. Ibrahim enseignait alors dans un collège le français, une langue et une culture qu’il aime depuis son enfance à Tizi-Ouzou en Algérie, où son père était professeur. À Gaza, la langue de Molière est proposée dans de nombreux établissements.
En 2016, le jeune prof muni d’un passeport palestinien décide de venir parfaire son bagage linguistique en master à Rennes 2, avec un visa étudiant délivré par l’ambassade de France à Jérusalem. Son épouse professeure d’anglais le rejoint en 2018, elle aussi pour étudier. « Notre projet était de retourner à Gaza. » Mais la mise en danger des populations civiles a ruiné tout espoir de retour près des leurs, en Palestine.
En 2018, Ibrahim a déposé une demande d’asile, refusée malgré plusieurs recours. Fort d’une promesse d’embauche, il a déposé en préfecture en janvier 2022, une demande de titre de séjour. En mai, Shaden a fait la même demande. Aucune réponse, jusqu’à ce que l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) leur soit notifiée en mai 2023.
« Nous pensions tous naïvement que les arrêtés seraient abrogés en raison de la situation en Palestine depuis le 7 octobre 2023 », avouent les bénévoles qui les soutiennent, à Rennes. Mardi 23 janvier, le tribunal administratif devait examiner leur demande d’annulation des OQTF. Mais la veille de l’audience, la préfecture d’Ille-et-Vilaine adressait à leur avocate un mémoire justifiant ses refus.
Renvoyés en Cisjordanie ou en Egypte ?
Après huit années en France, deux masters en linguistique, des expériences professionnelles, trois enfants scolarisés et une promesse d’embauche, la préfecture a considéré que « ces circonstances ne justifient pas à elles seules leur admission au séjour ».
Au sujet des promesses d’embauche, le préfet estime que rien n’empêche les futurs employeurs de s’adresser directement « aux autorités françaises à Jérusalem, pour une demande d’introduction d’un travailleur étranger ».
Concernant le pays de renvoi, la préfecture se défend d’avoir fixé la Palestine. « S’il est exact que la situation sécuritaire dans la bande de Gaza est très dégradée, l’ONU qualifiant la situation qui y prévaut d’insupportable […] il n’en est pas de même pour la Cisjordanie […] où, si des heurts épars sont constatés, la situation est globalement stable ». Pour le préfet, « il paraît concevable que les intéressés peuvent s’y installer ».
Dans le mémoire adressé par la préfecture, « il est précisé qu’il n’est pas prouvé que les enfants puissent poursuivre leur scolarité en Cisjordanie », souligne le collectif de soutien aux sans papiers. Alors même que leur fille aînée bénéficie « d’un suivi psycho médical en France pour un syndrome post-traumatique lié à son enfance à Gaza ».
La préfecture suggère même d’autres terres d’accueil pour la famille. C’est-à-dire, « tous pays dans lequel elle est légalement admissible. Il est en effet relevé que les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza peuvent légalement séjourner en Égypte ». Un pays qui empêche tout afflux de réfugiés sur son territoire…
En attendant la décision du tribunal administratif, la famille sollicite le réexamen de sa demande d’asile.
Un frère de Shaden a obtenu, en janvier, la protection subsidiaire par la CNDA (Cour nationale du droit d’asile). Son jeune frère, âgé de 23 ans n’a pas eu cette chance… Il est mort sous les bombes à Gaza le 24 décembre.