Le gouvernement israélien continue à bloquer l’aide humanitaire malgré la décision de la CIJ sur le génocide, dit Oxfam

La communauté internationale a recours aux routes maritimes et aux largages aériens plutôt que de défier Israël qui sape de manière systémique l’accès sans entrave à l’aide d’urgence

Les autorités israéliennes ont rejeté de quoi remplir tout un entrepôt d’aide internationale, en particulier de l’oxygène, des couveuses et des équipements d’Oxfam pour l’eau et l’assainissement, maintenant tous accumulés à Al Arish, à seulement 40 km de la frontière les séparant de 2,3 millions de Palestiniens désespérés à Gaza.

L’aide provient de nombreuses organisations humanitaires du monde entier et elle a été rejetée depuis des semaines, voire des mois, en conséquence d’un régime imprévisible et chaotique d’approbation, de scannage et d’inspection, contrôlé à la fin par les autorités israéliennes. Les raisons pour le rejet ne sont pas claires, dit Oxfam.

Dans un nouveau rapport aujourd’hui, Oxfam a dit que l’aide refusée n’était qu’un exemple de plus de ce qu’Israël a rendu si dangereuse et si dysfonctionnelle la réponse humanitaire globale qu’il est impossible pour les agences d’aide humanitaire de travailler à la vitesse et à l’échelle nécessaires pour sauver des vies, malgré leurs plus grands efforts.

Oxfam dit que le gouvernement d’Israël porte fondamentalement la responsabilité de la défaillance de la réponse internationale à la crise de Gaza. Il manque à ses responsabilités légales envers les personnes dont il occupe le pays et il viole une des dispositions clés exigées par la Cour internationale de justice (CIJ) — augmenter l’aide humanitaire devant le risque de génocide à Gaza.

Oxfam pense que les personnes vivant à Gaza souffriront d’une mort massive, soit par maladie, soit par famine, bien au-delà des 31000 actuelles victimes palestiniennes de la guerre, sauf si Israël prend des mesures immédiates pour mettre fin à ses violations.

« L’ordonnance de la CIJ aurait dû pousser les dirigeants israéliens à changer de cap, mais, depuis, les conditions à Gaza se sont effectivement aggravées », a dit la directrice d’Oxfam pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Sally Abi Khalil. « Le fait que d’autres gouvernements n’ont pas contesté Israël assez durement, mais se sont tournés à la place vers des méthodes moins efficaces, comme les largages aériens et les couloirs maritimes, est un immense drapeau rouge, signalant qu’Israël continue à refuser le plein potentiel des meilleurs moyens de livrer plus d’aide. »

« Les autorités israéliennes ne se contentent pas de ne pas faciliter l’effort d’aide internationale, elles l’entravent activement. Nous pensons qu’Israël ne prend pas toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher un génocide », a déclaré Abi Khalil.

Le rapport d’Oxfam « Infliger une souffrance et une destruction sans précédent » identifie sept façons cruciales dont Israël empêche activement la livraison de l’aide internationale à Gaza et punit tous les Palestiniens vivant à Gaza en les privant délibérément de vie et de sécurité.

Le rapport dit que les autorités israéliennes : 

  • n’autorisent l’entrée de l’aide que par deux points de passages – à Rafah et à KarmAbu Salem/Kerem Shalom – bien qu’elles aient un contrôle total leur permettant d’en ouvrir d’autres, ce qui crée des points d’étranglements qui auraient pu être évités, pour l’aide humanitaire et pour le commerce ; 
  • dirigent un système d’inspection dysfonctionnel et sous-dimensionné qui maintient l’aide sous entrave, soumise à des procédures bureaucratiques coûteuses, répétitives et imprévisibles, contribuant à ce que les camions restent bloqués dans des queues gigantesques vingt jours en moyenne ; 
  • rejettent couramment, mais arbitrairement, certains articles de l’aide humanitaire sous prétexte de leur « double usage » (dont un usage militaire), interdisant le carburant et des générateurs vitaux entièrement, ainsi que d’autres articles vitaux pour une réponse humanitaire significative, comme de l’équipement de protection et du matériel de communication. Une grande partie de l’aide rejetée doit passer par un système complexe de « pré-approbation » ou finir dans les limbes de l’entrepôt al Arish en Égypte ;
  • ont réprimé les missions humanitaires, bouclant largement le nord de Gaza, et restreignant l’accès des travailleurs humanitaires internationaux non seulement à Gaza, mais aussi en Israël et en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est.

Israël a autorisé 15 413 camions à pénétrer dans Gaza pendant les derniers 157 jours de guerre. Oxfam dit que la population de Gaza a besoin de cinq fois plus, rien que pour satisfaire leurs besoins minimaux. En février, Israël a autorisé 2874 camions à entrer – une réduction de 44% par rapport au mois précédent.

Les actions d’Israël sapent aussi l’aide internationale par ses attaques militaires continuelles à l’intérieur de Gaza, sans équivalent en termes d’intensité, de brutalité et d’étendue — et ce que les dirigeants israéliens eux-mêmes ont appelé un « siège total » — comme le souligne Oxfam :

  • L’attaque d’Israël a placé les travailleurs d’aide humanitaire à Gaza eux-mêmes et les partenaires des agences internationales dans un environnement « pratiquement inhabitable », fait de déplacement de masse et de privation, où 75% des déchets solides sont maintenant déversés dans des sites aléatoires, où 97% de l’eau souterraine est devenue impropre à l’utilisation humaine et où l’État israélien utilise la famine comme arme de guerre ;
  • Israël a fait en sorte qu’aucun endroit de Gaza ne soit sûr, par des déplacements forcés et souvent multiples de presque toute la population, ce qui rend impossible une distribution raisonnée de l’aide, et empêche les agences d’aider à réparer des services publics vitaux à grande échelle ; 
  • Ses attaques sont disproportionnées et indiscriminées contre des ressources civiles et humanitaires — et des personnes — comme les centrales solaires et électriques, les usines de traitements des eaux, les stations d’épuration, les locaux des Nations Unies, les hôpitaux, les routes, et les convois et entrepôts d’aide humanitaires, même lorsque ces ressources étaient supposées « hors conflit », leurs coordonnées ayant été communiquées pour leur protection.

«  L’État d’Israël a créé l’ouragan parfait pour que l’aide humanitaire s’écroule et seul l’État d’Israël peut réparer », a déclaré Abi Khalil.  

Celine Maayeh, responsable de recherche et de plaidoyer pour une des organisations partenaires d’Oxfam à Gaza, Juzoor for Health and Social Development, a dit :  

« Juzoor a été submergé par le soutien venu du monde entier, mais nous sommes tellement frustrés dans notre impuissance et notre incapacité à faire parvenir effectivement assez d’aide à Gaza. Pendant les toutes premières semaines, nous avons réussi à nous procurer tout ce qui nous tombait sous la main sur les marchés locaux. Maintenant, il n’y a presque rien — pas de ressources, pas de provisions. Au Nord, la situation est au-delà de catastrophique. Il y a eu une augmentation alarmante des cas de malnutrition parmi les enfants le mois dernier, et pourtant la seule nourriture que l’équipe peut trouver pour nourrir les personnes vivant dans 45 abris, c’est quelques légumes. Il y a une privation incontestable d’aide, une privation intentionnelle, provoquée par l’homme, qui continue à saigner à blanc toutes les opérations humanitaires, y compris les nôtres. »

Oxfam appelle à un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel pour mettre fin à la mort et à la souffrance, parce que les mesures destinées à protéger les civils ou à leur apporter de l’aide ne marchent pas. Les groupes palestiniens armés doivent relâcher sans condition tous les otages qu’ils détiennent. Les personnes déplacées devraient être autorisées à retourner chez elles en toute sécurité.

Les autres États sont contraints à prendre toutes les actions diplomatiques, économiques et politiques nécessaires pour empêcher le génocide de Gaza, pour faciliter une augmentation de l’aide humanitaire et pour empêcher que des Palestiniens puissent être déplacés de force hors de Gaza. Les États devraient cesser leurs ventes d’armes et les autres formes d’assistance en matière de sécurité qui pourraient faciliter le risque de génocide et les crimes de guerre ou contre l’humanité d’Israël à Gaza.

 Oxfam dit que le blocus illégal de 16 ans par Israël avait déjà laissé Gaza dans un état affaibli. « La communauté internationale a failli tant vis-à-vis du peuple palestinien que vis-à-vis du peuple israélien en ignorant les causes profondes de ce conflit de plusieurs décennies », a déclaré Abi Khalil. « Il est tout à fait clair que la force militaire ne peut résoudre cela, mais seulement intensifier les cycles de violence. »

« Israël doit lever son blocus total de Gaza et son occupation agressive du territoire palestinien et nous appelons toutes les parties — enfin— à oeuvrer pour une paix équitable, juste et durable entre Israéliens et Palestiniens, une paix fondée sur le droit international », a-t-elle dit.

Notes