Unanimes, doyennes et doyens des Écoles, directrices et directeurs des centres de recherche et des départements de Sciences Po, membres élus du CA de la FNSP, s’élèvent contre toute forme d’ingérence extérieure, qu’elle soit gouvernementale ou médiatique. « Aux antipodes de ce que veulent suggérer des polémiques récurrentes, largement orchestrées sur les réseaux sociaux et exprimées sur le mode de la diffamation, notre université participe pleinement à la vitalité de la vie démocratique.»
Nous, directrices et directeurs des Écoles, des centres de recherche, des départements de Sciences Po ainsi que les membres élus de la faculté permanente du conseil d’administration (CA) de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), exprimons de manière unie et solidaire notre profonde émotion à la suite de la visite inopinée du Premier ministre lors de la séance du CA du 13 mars 2024.
À la lumière de cet événement, nous tenons à exprimer les éléments suivants :
1- Aucun responsable politique ne saurait s’arroger le droit de dévaloriser les principes fondamentaux d’indépendance et de liberté académiques, tels qu’ils sont consacrés par les lois de la République. Rappelons que la liberté académique garantit le droit d’enseigner et de mener des recherches en toute indépendance, sous le contrôle et la supervision des pairs mais sans ingérence de quelque autorité extérieure que ce soit, y compris l’État.
Tout comme la liberté de la presse pour les journalistes, ce principe garantit la légitimité du travail des universitaires, fondé sur des preuves et des raisonnements réfutables. Les allusions à une éventuelle « reprise en main » de notre établissement lors du CA du 13 mars, contreviennent ostensiblement à ce principe cardinal. Or, dans une démocratie libérale, la défense de la liberté universitaire doit être une priorité absolue, en particulier pour recentrer le débat public autour des faits et du savoir.
2- Nous dénonçons sans équivoque toutes les formes d’exclusion, de discrimination, d’antisémitisme, de racisme, d’islamophobie et de violence. Nous avons également à cœur que soient assurés la protection et la sérénité de nos étudiantes et de nos étudiants, et le respect de leurs sensibilités souvent directement éprouvées aujourd’hui.
3- Nous tenons à rappeler que Sciences Po est régi par des règles précises concernant l’organisation de la vie étudiante. Conformément au Code de l’éducation, tout non-respect de ces règles déclenche une enquête interne dont les éléments sont, le cas échéant, transmis à une section disciplinaire. Cette procédure, qui ne se substitue pas à l’enquête judiciaire, a été suivie dès le lendemain de l’occupation de l’amphithéâtre Boutmy le 12 mars 2024. A l’heure où cet événement fait l’objet de désinformations et de récupérations politiques, il est indispensable de laisser les instances compétentes mener à bien cette mission sans ingérence extérieure, qu’elle soit gouvernementale ou médiatique.
4- Aux antipodes de ce que veulent suggérer des polémiques récurrentes, largement orchestrées sur les réseaux sociaux et exprimées sur le mode de la diffamation, notre université participe pleinement à la vitalité de la vie démocratique. Notre projet académique, fondé sur la pluridisciplinarité et l’ouverture à l’international, offre aux étudiantes et étudiants venus de toute la France et du monde entier, l’excellence de la recherche actuelle pour nourrir leurs réflexions, les former et les responsabiliser face aux immenses défis auxquels leur génération est confrontée.
5- Nous affirmons notre attachement au respect des valeurs humanistes qui fondent notre université, soit la transmission des savoirs, la formation au débat argumenté, l’ouverture sur le monde et un engagement renouvelé en faveur de la liberté de la connaissance. Notre liberté académique repose sur une tradition philosophique ancienne des universités françaises et européennes, une éthique professionnelle et une responsabilité que nous exerçons pleinement en promouvant la rigueur scientifique et l’expression du pluralisme dans le respect de l’échange contradictoire. Devant la gravité absolue de la guerre au Proche-Orient ainsi que dans d’autres zones de conflits à travers le monde, il est impératif de laisser les universités rétablir le chemin du débat d’idées et du dialogue.
Ce sont ces principes fondamentaux que nous porterons auprès de l’administration provisoire de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, en travaillant aux côtés de la présidente de la FNSP et de la présidente du conseil de l’Institut.
Signataires :
Directions des départements
Philippe Coulangeon (sociologie)
Sabine Dullin (histoire)
Emeric Henry (économie)
Réjane Sénac (science politique)
Guillaume Tusseau (droit)
Directions des centres de recherche
Kevin Arceneaux (CEVIPOF)
Stéphanie Balme (CERI et référente liberté académique)
Sophie Dubuisson-Quellier (CSO)
Séverine Dusollier (Centre de Recherche de l’Ecole de Droit)
Florence Faucher (CEE)
Olivier Godechot (AxPo)
Emiliano Grossman (CDSP)
Sylvain Parasie (Medialab)
Hélène Périvier (PRESAGE)
Xavier Ragot (OFCE)
Anne Revillard (LIEPP)
Paul-André Rosental (CHSP)
Mirna Safi (CRIS)
Direction des Écoles
Anne-Célia Feutrie (Ecole d’Affaires publiques)
Pierre François (Ecole de la recherche)
Arancha Gonzalez (Ecole d’Affaires internationales)
Jeanne Lazarus (Collège universitaire)
Marie Mawad (Ecole de journalisme)
Sébastien Pimont (Ecole de droit)
Natacha Valla (Ecole du Management et de l’Impact)
Tommaso Vitale (Ecole urbaine)
Membres élus de la faculté permanente du Conseil d’Administration
Carlo Barone
Charlotte Halpern
Horatia Muir Watt
Direction de la formation et de la recherche/
Sergeï Guriev