Guerre à Gaza: l’armée israélienne force une famille à abandonner une grand-mère de 94 ans

Guerre à Gaza: l’armée israélienne force une famille à abandonner une grand-mère de 94 ans. Le sort de la Palestinienne Naifa Rizq al-Sawada est actuellement inconnu. Sa fille dit qu’elle ne « peut ni se déplacer, ni manger ni boire seule ».

Le sort d’une Palestinienne de Gaza de 94 ans reste inconnu après l’irruption de l’armée israélienne dans sa maison et l’ordre à sa famille d’évacuer, en la laissant derrière elle.

Naifa Rizq al-Sawada, qui souffre de la maladie d’Alzheimer et est incapable de marcher ou de parler, se trouvait dans sa maison près du Complexe médical al-Shifa à l’ouest de la ville de Gaza le 21 mars quand l’armée israélienne a envahi la zone après minuit et a expulsé par la force ses résidents à la pointe des armes.

Sa famille craint qu’elle ait pu être laissée dans le bâtiment avant qu’il ne soit bombardé ou utilisée comme bouclier humain par l’armée israélienne à l’intérieur de l’hôpital Shifa.

Sa fille, Maha al-Nawati, a raconté à Middle East Eye les événements qui ont eu lieu jeudi.

« Nous vivons tous dans un immeuble avec plusieurs appartements et ma mère avait son propre appartement. Mais pendant la guerre, mon frère, sa femme et leurs enfants ont déménagé pour rester dans son appartement avec elle », a dit Nawati, 69 ans.

« Ils l’emmenaient avec eux à chaque fois qu’ils devaient évacuer. Quand les forces israéliennes envahissaient la zone d’al-Shifa, mon frère et sa famille la prenaient pour aller dans la maison de ma soeur dans le quartier de Tuffah [à l’est de Gaza]; et quand ils envahissaient le quartier de Tuffah, ils partaient tous avec ma soeur pour la zone d’al-Shifah.

Mais cette invasion s’est produite à deux heures du matin, ils ne pouvaient évacuer ou aller nulle part. »

Nawati, qui avait évacué Gaza pendant la guerre actuelle contre la Bande et est actuellement en  Égypte, dit que son frère et l’épouse de celui-ci lui ont dit qu’ils ont été forcés de laisser leur mère derrière eux lorsqu’ils ont été évacués vers les parties sud et est de la Bande de Gaza.

« Le bâtiment était plein de personnes déplacées. L’armée a fait irruption et a séparé les hommes des femmes. Ils ont pris les hommes et les ont gardés hors du bâtiment, ensuite ils ont dit aux femmes d’évacuer vers le sud. »

Après avoir fouillé les hommes de la famille, l’armée leur a ordonné d’évacuer vers les zones à l’est de la ville de Gaza.

« La femme de mon frère a dit à un officier israélien : ‘C’est ma mère, je veux la prendre avec moi’. Il lui a dit : ‘Non, partez maintenant et nous nous en occuperons’, a-t-elle poursuivi.

« Tous sont partis et ma mère est restée là. Nous ne savons pas ce qui s’est passé ensuite ».

Depuis le début de la nouvelle attaque militaire contre le Complexe médical de Shifa jeudi, l’armée israélienne a fait des raids dans les quartiers et les immeubles résidentiels autour de la zone de l’hôpital et a forcé les résidents à évacuer vers le sud de la Bande de Gaza, avant de bombarder ou  de mettre le feu à la majorité de leurs maisons dans la zone.

Selon un article  d’Haaretz, les officiers israéliens opérant dans la Bande de Gaza ont ordonné à leurs troupes d’incendier les maisons palestiniennes sans autorisation légale. 

Des résidents et des témoins ont dit à MEE que les tanks et les véhicules militaires israéliens encerclent la zone et assiègent les résidents qui ne sont pas autorisés à quitter leurs maisons sans la permission de l’armée, tandis que des drones ouvrent le feu sur « quiconque regarde par les fenêtres ».

C’est la deuxième invasion du complexe médical depuis le début de l’attaque militaire à large échelle d’Israël contre la Bande de Gaza. La première a commencé le 14 novembre et a duré environ 10 jours.

À l’intérieur de l’hôpital, l’armée israélienne a tué, blessé et arrêté des centaines de Palestiniens, y compris des professionnels de santé, des patients et des personnes déplacées qui avaient trouvé refuge dans les bâtiments et dans la cour de l’hôpital.

Des témoins ont rapporté que les officiers israéliens ont utilisé des civils palestiniens comme boucliers humains lorsqu’ils ont fait irruption et qu’ils ont fouillé les bâtiments de l’hôpital.

Une des petites filles de Sawada a dit à MEE que l’armée avait informé la famille qu’ils emmèneraient sa grand-mère à l’hôpital al-Shifa, mais « il n’y a pas de preuve qu’elle ait été emmenée là, puisqu’elle était encore à la maison quand la famille est partie ».

« Quelques personnes nous ont dit qu’ils avaient vu l’armée l’emmener hors du bâtiment vers l’hôpital al-Shifa, mais nous ne sommes pas sûrs que cela soit vrai. Des gens nous ont aussi dit que l’armée bombardait l’immeuble [après l’expulsion de la famille] », a dit Nawati.

« Nous sommes impuissants, nous ne pouvons rien faire pour elle. Cette douleur pèse lourd sur nos coeurs. Nous voulons juste savoir si l’armée l’a vraiment emmenée, ou si on l’a laissée seule à la maison. Nous voulons savoir quelque chose sur elle. »

« Elle ne peut rien faire »

La famille de Sawada dit qu’à cause de son âge et de multiples maladies, sa santé physique et mentale s’est détériorée au cours des dernières années. Elle ne « peut rien faire toute seule » maintenant. 

«  Ma maman ne peut pas se déplacer, manger ou boire seule. Quand elle dort, nous la tournons sur le côté gauche, puis sur le côté droit, pour qu’elle n’ait pas d’escarres. Elle ne peut pas aller à la salle de bains toute seule, nous l’aidions. Elle ne peut même pas parler maintenant ; s’ils lui demandent son nom, elle ne sera pas capable de répondre », a expliqué Nawati. 

« Pendant cette guerre, à cause du manque de nourriture, mon frère et sa famille avaient l’habitude de lui procurer de la nourriture avant tout autre personne.

Mon frère s’assurait qu’ils avaient assez de nourriture pour elle, avant même ses enfants, parce qu’elle n’est pas consciente de la situation et donc n’aurait pas compris qu’il n’y a pas assez de nourriture disponible. »

Après l’ordre d’Israël d’évacuer par force les résidents de la ville de Gaza et du nord de la Bande de Gaza le 13 octobre, l’armée israélienne a imposé un siège strict sur la zone, restreignant sévèrement l’entrée de l’aide internationale, et ciblant les résidents qui essaient de retourner dans leurs maisons depuis les régions du sud.

Des personnes âgées de l’enclave côtière ont supporté la plus grande part des souffrances, beaucoup d’entre eux étant exécutés sur le terrain.

En novembre, l’armée israélienne a publié l’image d’un de ses soldats aidant un Palestinien âgé,  Bashir Hajji, 79 ans, avec une canne, prétendument pour mettre en lumière leur « couloir de sécurité » pour les civils échappant au nord de Gaza. Cependant, ce résident du quartier Zaytoun de Gaza aurait été tué peu de temps après par les soldats israéliens. 

« Je ne sais pas ce que l’armée veut faire avec elle. C’est une femme âgée qui ne peut rien faire dans la vie, pourquoi l’emmèneraient-ils ? Pourquoi ne l’ont-ils pas laissé partir avec son fils et sa belle-fille pour être évacuée vers le sud ? » a demandé Nawati.

Environ  7 % des près de 33000  Palestiniens tués dans la Bande de Gaza depuis le 7 octobre sont des personnes âgées.