Des soldats des FDI ont partagé quantité de vidéos de leur comportement à Gaza. Le soldat américano-israélien dit que ses vidéos ont été ‘prises hors contexte’.
Un Américano-Israélien déployé à Gaza avec une unité combattante du génie des forces armées israéliennes a posté des vidéos en ligne qui montrent des tirs aveugles sur un bâtiment détruit et l’explosion de maisons et d’une mosquée.
Une vidéo postée par cet homme, Bram Settenbrino, et filmée du point de vue du tireur, montre des dizaines de séries de tirs sur les ruines d’un bâtiment. Une autre vidéo montre ce qui semble être le système de contrôle de tir d’un véhicule blindé qui s’entraîne sur une mosquée avant qu’elle soit rasée. D’autres montrent l’explosion de plusieurs maisons tandis que les soldats se réjouissent.
Settenbrino a-t-il personnellement filmé les vidéos ou était-il impliqué dans les actions qui y sont décrites, ce n’est pas clair, mais les Forces de Défense Israéliennes (FDI) et Settenbrino n’ont pas discuté l’authenticité des vidéos. Les vidéos sont récemment devenues virales sur X, suscitant des accusations comme quoi elles montraient des « crimes de guerre ». Settenbrino a écrit un message au Guardian disant que les vidéos avaient été « tirées de leur contexte » mais a refusé de s’étendre sur le sujet. « Je n’ai commis aucun crime de guerre quel qu’il soit », a-t-il ajouté.
Après que le Guardian ait pris contact avec Settenbrino et sa famille, son père a publié une réponse attribuée à son fils via Arutz Sheva, site d’information associé à la droite coloniale. « La vidéo en question sur le tir de mitraillette était un tir répressif dans une zone où il n’y avait plus de civils après que mon équipe ait été attaquée depuis cette zone par des terroristes du Hamas. La mosquée qu’on a fait exploser servait d’abri à des terroristes armés et à des stocks d’armes et était utilisée comme une base d’attaque contre les soldats des FDI. »
Le père du soldat a dit que son fils avait « envoyé une vidéo de félicitations dédiant une explosion en l’honneur du mariage d’un ami », et que l’entreprise de la famille avait reçu des menaces depuis que la vidéo avait commencé à circuler.
Les soldats israéliens ont partagé quantité de vidéos au cours des 10 mois de guerre où on les voit se moquant des Palestiniens à Gaza et détruisant les biens des Palestiniens. Certaines ont même été utilisées comme preuve dans l’affaire du génocide portée contre Israël à la cour internationale de justice (CIJ). Les forces israéliennes ont tué plus de 39.000 Palestiniens depuis le début de la guerre, déplacé la plupart des 2,3 millions de résidents et détruit plus de la moitié des structures de la bande.
Avec les milliers d’Américains qui servent dans les FDI, une potentielle mauvaise conduite documentée par les soldats eux-mêmes soulève des questions désagréables pour les responsables américains sur leur volonté de renforcer la loi fédérale contre des citoyens qui agissent dans une guerre à l’étranger financée et soutenue par le gouvernement américain.
La destruction massive de biens, quand elle n’est « pas justifiée par une nécessité militaire et qu’elle est menée illégalement et sans motif » est une violation du droit international régissant les conflits et un crime de guerre selon le droit américain.
Les États-Unis ont l’obligation d’assurer le respect des conventions de Genève, série de traités internationaux qui règlent les conflits armés, a dit Brian Finucane, ancien conseiller juridique du Département d’État américain. « Si des citoyens américains violent les conventions de Genève ou commettent des crimes de guerre en Israël et en Palestine, ceci implique les obligations des États-Unis », a-t-il dit, ajoutant que, en vertu de la Loi fédérale sur les Crimes de Guerre, les États-Unis sont habilités à engager des poursuites contre les auteurs de crimes de guerre quand, soit la victime soit l’auteur sont des citoyens américains, ou quand les auteurs, de quelque nationalité qu’ils soient, sont sur le sol américain.
Les FDI n’ont pas répondu aux questions sur les raisons pour lesquelles la mosquée et les maisons vues sur les vidéos de Settenbrino étaient ciblées, mais ont régulièrement prétendu que les bâtiments qu’ils détruisaient servaient aux combattants du Hamas. Le corps du génie de l’armée dépose généralement des explosifs dans les bâtiments qu’il identifie comme cible et les fait exploser à distance, démolition mieux contrôlée que par un bombardement depuis les airs ou depuis un tank.
La vidéo qui montre la destruction de la mosquée est datée du 10 décembre, à peu près quand l’unité de Settenbrino était déployée au nord de la bande. Les forces israéliennes ont détruit, partiellement ou entièrement, plus de 500 mosquées dans la bande depuis le 7 octobre, ont dit en mars des responsables palestiniens.
Les associations de défense des droits ont appelé l’administration Biden à enquêter sur les crimes commis à Gaza en tant que violations potentielles de la loi américaine. En amont du voyage la semaine dernière aux États-Unis du premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, le Centre pour les Droits Constitutionnels a exhorté le Département américain de la Justice à mener une enquête sur lui et d’autres responsables de graves crimes commis à Gaza, « dont éventuellement des citoyens états-uniens ou à la double nationalité ».
Brad Parker, directeur adjoint de la politique au CCR, a dit : « Les lois pénales fédérales interdisent et criminalisent le génocide, les crimes de guerre et la torture, entre autres graves crimes internationaux.
« Les responsables états-uniens, les employés du gouvernement qui approuvent ou facilitent le transfert d’armes en Israël et les citoyens états-uniens qui jouent actuellement un rôle actif dans l’armée israélienne devraient absolument se préoccuper de leur propre responsabilité pénale individuelle. »
Depuis le début de la guerre à Gaza, les efforts des États-Unis pour réprimer la violence à l’encontre des Palestiniens se sont concentrés sur la Cisjordanie, où les responsables ont sanctionné une poignée de colons, gelant les avoirs qu’ils peuvent détenir aux États-Unis et empêchant les individus et les institutions américaines de faire des affaires avec eux. Alors que dans les sanctions, il y a une interdiction d’aller aux États-Unis, ceci ne s’étendrait pas aux Américains. « Mais le gouvernement américain détient d’autres outils », a dit Finucane, faisant remarquer que les citoyens qui commettent des crimes à l’étranger pourraient être poursuivis devant les tribunaux américains.
On estime à 60.000 les citoyens américains qui vivent dans les colonies de Cisjordanie. Nombre d’entre eux sont profondément idéologiques, inspirés par des personnages extrémistes tels que Baruch Goldstein né à Brooklyn, qui a massacré 29 Palestiniens à Hébron en 1994, et le Rabbin Meir Kahane, dont le parti a été traité d’association terroriste, à la fois aux États-Unis et en Israël. Le département de la justice n’a pas répondu aux questions de savoir s’il envisageait une quelconque action contre les colons qui sont citoyens américains.
Américains dans les FDI
Le Washington Post estime à 23.380 les citoyens américains qui servent dans les forces armées d’Israël – chiffre que les FDI n’ont pas confirmé mais qui comprend probablement à la fois les Américains qui vont en Israël dans l’intention de servir et les soldats élevés en Israël et qui ont la double citoyenneté.
Un porte-parole du département d’État américain n’a pas répondu aux questions concernant Settenbrino et s’en est remis aux questions concernant les obligations américaines et a renvoyé les questions concernant les actions de ses citoyens à Gaza au ministère de la justice. « Nous continuons absolument à souligner que les FDI doivent se soumettre au droit humanitaire international » a écrit le porte-parole. Le ministère de la Justice n’a pas répondu aux demandes répétées de commentaires.
Un porte-parole des FDI a refusé de faire des commentaires sur Settenbrino en particulier, invoquant le respect de la vie privée, mais a fait une déclaration disant que « les FDI examinent les événements de ce genre ainsi que les rapports des vidéos téléchargées sur les réseaux sociaux et les traitent avec des mesures disciplinaires et de commandement ». Le porte-parole a refusé de dire si les FDI réglementent l’utilisation des réseaux sociaux par les soldats, mais ont dit qu’elles déféraient les cas suspicion de criminalité à la police militaire pour enquête.
Le porte-parole du département d’État n’a pas pu confirmer le nombre d’Américains qui servent dans les FDI, car les citoyens ne sont pas tenus d’enregistrer leur service auprès du gouvernement américain.
Settenbrino a été déployé à Gaza depuis le début de la guerre avec le Handasah Kravit, corps du génie des FDI. Eagle scout élevé dans le New Jersey, il est parti en Israël à l’adolescence, devenant l’un des environ 600.000 citoyens américains qui y vivent. Il a d’abord rejoint l’unité canine d’Israël, association de civils qui entraîne et déploie des chiens de recherche et de sauvetage, et s’est ensuite enrôlé dans les FDI.
L’année dernière, il a reçu de sa division le prix du « Soldat Exceptionnel de l’Année », d’après son père, Randy Settenbrino, qui a écrit au sujet de son fils dans des articles pour des publications israéliennes et juives.
‘Détruire des maisons est une activité quotidienne’
Les vidéos de Settenbrino ont d’abord été diffusées en juillet par un important compte X sous le nom de Younis Tirawi qui met régulièrement en ligne des vidéos postées par des soldats. Les soldats israéliens ont également partagé des vidéos d’eux mêmes jouant avec des jouets d’enfants et des dessous de femmes, de l’incendie de fournitures alimentaires palestiniennes et de rafles de civils et de pose de bandeaux sur leurs yeux. Une autre vidéo récemment partagée par Tirawi et originellement postée par un membre de l’unité de Settenbrino montrait la destruction délibérée d’une installation de distribution d’eau à Rafah.
Une vidéo d’un soldat des FDI, montrant une énorme explosion dans la ville de Gaza tandis qu’un soldat dit « Le quartier de Shuja’iyya n’est plus … paix à Shuja’iyya » a été projetée devant la CIJ dans le cadre de l’affaire de génocide portée par l’Afrique du Sud contre Israël et d’autres ont été évoquées au cours des débats.
« Il existe actuellement une tendance parmi les soldats à se filmer en train de commettre des atrocités contre les civils à Gaza, sous forme de ‘snuff’ vidéo [vidéo gore], a dit au tribunal l’avocat sud-africain Tembeka Ngcukaitobi. Il a cité des exemples de soldats s’enregistrant en train de détruire des maisons et déclarant leur intention de « raser Gaza » ou de « détruire Khan Younis » – preuve potentielle d’intention génocidaire.
Ces sortes de vidéos ont rarement abouti à des conséquences. Le porte-parole des FDI a dit que, lorsque les enquêtes de l’armée déterminent que « l’expression ou la conduite des soldats dans l’enregistrement est inappropriée […], elle est traitée en conséquence », mais il n’a pas proposé d’exemples.
« Le très grand nombre de ce genre de vidéos en ligne prouve que la direction de l’armée n’essaie même pas de discipliner la base et les soldats », a dit Joel Carmel, membre des vétérans israéliens de l’association Breaking the Silence [Briser le silence].
Il a ajouté : « Plus important, la question concerne moins les vidéos elles-mêmes et davantage ce que cela dit de la façon dont nous combattons à Gaza – c’est l’opposé des frappes ‘chirurgicales’ sur des cibles soigneusement choisies dont nous parlent les FDI. »
Savoir si les États-Unis poursuivraient jamais des citoyens américains qui combattent pour Israël est une question aussi politique que juridique.
« Le gouvernement américain pourrait poursuivre ces citoyens américains s’ils participent à des crimes de guerre », a dit au Guardian Oona Hathaway, directrice du Centre pour les Défis Juridiques Mondiaux (Center for Global Legal Challenges) à la Faculté de Droit. « Politiquement cependant, c’est peu probable, pour toutes sortes de raisons évidentes. »