La Dr Alaa al-Najjar était de service à l’hôpital Nasser, à Khan Younis, quand elle a reçu les corps de ses enfants
Un bombardement israélien sur Gaza a atteint la maison d’une médecin, tuant neuf de ses 10 enfants pendant qu’elle était de service à son hôpital.
La Dr Alaa al-Najjar, pédiatre à l’hôpital al-Tahrir appartenant au complexe médical Nasser, traitait les victimes d’attaques israéliennes dans tout le territoire palestinien, vendredi [23 mai], quand elle a reçu les corps de neuf de ses 10 enfants tués par un bombardement à Khan Younis. Le plus âgé des enfants avait 12 ans.
L’hôpital Nasser a indiqué qu’un des enfants de Najjar, ainsi que son mari, étaient blessés mais vivants.
Graeme Groom, chirurgien britannique qui travaille à l’hôpital, a dit à la BBC qu’il avait opéré le garçon de 11 ans toujours vivant.
Groom précise qu’on lui a dit que le père, également médecin, n’avait de « connexions ni politiques ni militaires et ne semblait pas très présent sur les réseaux sociaux”.
Une vidéo partagée par le directeur du ministère de la Santé, dépendant du Hamas – et vérifiée par la BBC – montre des corps d’enfants extraits des décombres du bâtiment près d’une station d’essence à Khan Younis.
L’information a été confirmée par l’hôpital de Khan Younis où travaille Najjar, selon la BBC. Son mari venait de rentrer chez eux après l’avoir accompagnée à son travail quand le bâtiment a été atteint par des frappes aériennes israéliennes.
“Ça suffit ! Ayez pitié de nous ! Nous implorons tous les pays, la communauté internationale, les gens, le Hamas, toutes les factions, d’avoir pitié de nous’’, a dit Youssef al-Najjar, membre de la même famille, à l’Agence France-Presse. “Nous sommes épuisés par les déplacements et la faim, ça suffit !”
Mohammed Saqer, chef des soins infirmiers à l’hôpital Nasser à Khan Younis, a dit au Guardian : “La Dr Alaa al-Najjar a regardé de ses propres yeux les corps de sept de ses enfants être extraits des décombres – alors que deux enfants manquaient – pendant qu’elle était de service au complexe médical Nasser.
“Des détails atroces rapportés par Ali al-Najjar décrivent une tragédie qui fend le cœur, subie par une pédiatre qui a consacré sa vie à sauver des enfants, et qui s’est vue privée de sa qualité de mère en un instant d’embrasement et de silence assourdissant.”
On a su plus tard que neuf enfants étaient morts.
Groom, qui travaille comme bénévole à l’hôpital Nasser, a soigné l’enfant survivant des al-Najjar, Adam. “Le dernier patient de ma liste aujourd’hui était un garçon de 11ans qui paraissait beaucoup plus jeune quand nous l’avons soulevé pour le mettre sur la table d’opération”, a dit Groom au Guardian.
“Ses blessures étaient assez graves mais le contexte était pire, à mon avis. Son père était très grièvement blessé mais neuf de ses frères et sœurs avaient été tués.”
“C’est inimaginable”, a dit Groom. “Le père [le mari d’Alaa al-Najjar] est médecin ici à l’hôpital Nasser. Nous nous sommes renseignés à son sujet et il n’a de connexions ni politiques ni militaires… c’est un jour particulièrement triste.” La Dr Victoria Rose, bénévole comme Groom, a reçu une vidéo des suites de l’attaque.
“On voit sur la vidéo tous les enfants qu’on sort de l’incendie et qui sont complètement carbonisés, grillés. C’est vraiment épouvantable”, a-t-elle dit.
Samedi [24 mai], les Forces de défense d’Israël (FDI) ont dit au Guardian : “Hier, un avion des FDI a frappé un certain nombre de suspects qui avaient été identifiés alors qu’ils agissaient dans une construction jouxtant des troupes des FDI dans le secteur de Khan Younis.
“Le secteur de Khan Younis est une zone de guerre dangereuse. Avant d’engager des opérations sur place, les FDI ont évacué les civils présents dans le secteur pour leur propre sécurité. L’affirmation selon laquelle des civils non impliqués auraient subi des dommages fait l’objet d’une enquête.”
Les FDI disent avoir pris pour cibles plus de 100 sites dans toute la Bande de Gaza pendant cette journée, comme elles intensifient leur offensive militaire, alors que des agences d’aide humanitaire lancent l’alarme sur la situation de la population palestinienne qui sombre dans la malnutrition et la famine.
Au moins 79 personnes ont été tuées dans des frappes israéliennes dans toute la Bande de Gaza au cours d’une période de 24 heures, jusqu’à samedi soir, a indiqué le ministre de la Santé du territoire, ajoutant que le décompte des morts serait sans doute plus élevé en raison des attaques qui se poursuivaient.
Vendredi, 30 personnes et des membres de la famille Dardouna ont été tués dans des frappes, y compris de très jeunes enfants. Sur une des photos – partagée par le journaliste Mosab Abu Toha, qui vient de remporter le prix Pulitzer– on voit le corps d’une fillette de moins d’un an qu’on sort des gravats, encore vêtue de son pyjama.
Le Hamas a décrit le bombardement de la maison des Najjar comme “un massacre horrifiant”, ajoutant : “Ce crime odieux exprime clairement la nature sadique de l’occupation, et le degré atteint par l’esprit de vengeance profondément enraciné qui anime Netanyahu et sa clique d’assassins et de monstres humains.”
Selon Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, l’attaque a représenté un “schéma sadique caractéristique de la nouvelle phase du génocide”.
Israël pourrait commencer à autoriser des organismes humanitaires actifs à Gaza à prendre en charge une assistance non alimentaire tandis que la pression monte pour que davantage d’aide entre dans le territoire broyé, selon une lettre obtenue par l’agence Associated Press.
Selon cette lettre, la distribution de nourriture serait confiée à un organisme nouvellement créé, la Fondation humanitaire de Gaza, qui reçoit l’appui des États-Unis et d’Israël mais n’est pas encore entré en action. Israël accuse le Hamas de détourner l’aide, mais les Nations Unies et les organismes d’aide humanitaire démentent l’existence de détournements importants.
Depuis presque trois mois, Israël empêche la nourriture, le carburant, les médicaments et tous les autres produits ou matériels d’entrer dans Gaza, aggravant la crise humanitaire qui atteint 2,3 millions de Palestiniens. Des experts ont alerté sur le risque élevé de famine, et les critiques et l’indignation internationales suscitées par l’offensive d’Israël ont augmenté.