Les civils qui cherchaient de la nourriture dans les centres de distribution d’aide de la Fondation humanitaire de Gaza ont essuyé des tirs de chars, de drones et d’hélicoptères. Un officier des Forces de défense israéliennes (FDI) a déclaré à Haaretz que des commandants de haut rang avaient discuté de la gestion des foules par des tirs réels : « L’armée a traité les civils comme des suspects entrant dans une zone de combat ».

Des témoignages de civils gazaouis, des séquences vidéo et des incohérences dans les déclarations officielles des FDI renforcent les affirmations selon lesquelles la fusillade, qui a fait des dizaines de morts près du centre de distribution d’aide de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF) la semaine dernière, a été perpétrée par des soldats israéliens et non par des militants palestiniens, comme l’avaient initialement prétendu les autorités israéliennes.
Selon les témoignages, les tirs ont eu lieu à environ un kilomètre du centre de distribution d’aide de Rafah, et des drones et des véhicules blindés israéliens étaient présents dans la zone à ce moment-là. Ces récits sont corroborés par les témoignages d’équipes médicales palestiniennes et étrangères dans les hôpitaux du sud de la bande de Gaza, qui ont reçu des dizaines de victimes de tirs, mortes et blessées.
Mercredi, l’armée israélienne a construit des monticules de terre autour des centres de distribution d’aide afin d’éviter de nouvelles frictions entre les troupes et les Palestiniens. Cette décision fait suite aux accusations des autorités de Gaza selon lesquelles des soldats auraient tiré sur des civils s’approchant des centres d’aide. Bien que l’armée ait démenti la plupart de ces allégations, elle a décidé d’ériger ces monticules en raison de l’attention mondiale que ces événements ont suscitée et des dommages qu’ils pourraient causer à la légitimité de l’effort de guerre d’Israël.
Lorsque la première fusillade a eu lieu dimanche, faisant des dizaines de morts, l’armée a publiquement nié toute implication. Toutefois, lors de conversations à huis clos, des responsables militaires ont reconnu que des coups de feu avaient été tirés dans la zone. Mardi, l’écart entre les récits israéliens et palestiniens s’est réduit, les FDI admettant que les soldats avaient tiré des « coups de semonce » pour éloigner les gens. Selon le ministère de la santé de Gaza, ces tirs ont tué 27 personnes.
L’utilisation de tirs de semonce correspond au témoignage donné à Haaretz par un officier des FDI ayant une connaissance directe des opérations menées près des centres de distribution. L’officier a révélé que plusieurs commandants de haut rang avaient envisagé de gérer les foules en recourant à des tirs réels. « L’intention était de diriger la population à l’aide de tirs d’armes à feu », a déclaré l’officier. « L’armée a traité cette situation comme une situation de combat standard impliquant des suspects entrant dans une zone de guerre. Mais vous ne pouvez pas diriger des foules de cette taille avec des tirs réels si vous voulez qu’elles se sentent suffisamment en sécurité pour accéder aux zones que vous avez ouvertes ».
Ces déclarations sont reprises dans les rapports de Médecins sans frontières. « Les gens se battaient pour cinq palettes de nourriture. Ils nous ont dit de venir chercher de la nourriture, puis ils ont commencé à tirer de toutes les directions. J’ai couru 200 mètres avant de me rendre compte qu’on m’avait tiré dessus. Ce n’est pas de l’aide, c’est un mensonge. Est-ce qu’on est censés mourir parce qu’on est allés chercher de la nourriture pour nos enfants ? », a témoigné Mansour Sami Abdi.
A., un habitant de Rafah qui a été déplacé à Muwasi à Khan Yunis, se trouvait au centre de distribution lors du premier incident. Il a fermement rejeté l’affirmation des FDI selon laquelle des combatants locaux avaient tiré les premiers. « C’est une invention sans fondement », a-t-il déclaré à Haaretz. « Il n’y avait pas de combatants. Il y avait des avions, de l’artillerie et des véhicules sans pilote. Les gens qui se trouvaient là étaient des civils innocents qui venaient recevoir de l’aide. »
Selon A., « ce que j’ai vu est insupportable : des coups de feu pendant plusieurs longues minutes provenant de toutes les directions. Il y avait une mitrailleuse montée sur une grue, et je l’ai vue tirer automatiquement, comme un robot. Et cela s’ajoutait aux drones. Les tirs venaient de toutes les directions, comme si les gens qui étaient venus là étaient en train de lancer une invasion, et non de venir, désespérés, à la recherche de nourriture ».
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« Les forts prennent tout et les faibles n’ont rien. C’est ainsi qu’un vieil homme palestinien a décrit la distribution de l’aide sur un site de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF). Des images circulant aujourd’hui montrent la méthode de distribution de la GHF : placer la nourriture dans un espace ouvert et laisser les…
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Les habitants de Gaza rejettent le nouveau plan américano-israélien, dénonçant l’humiliation et l’indignité. « Ce qui se passe est tout simplement inacceptable. C’est de l’injustice et cela cause notre mort. Les forts prennent tout et les faibles n’ont plus rien ». « Je courais juste pour un peu de farine. Mais il n’y a pas de farine, pas de…
Fatma, une habitante de Khan Yunis, a raconté ce qu’elle a entendu d’amis de son voisin, Fuad Abu al-Qir, 34 ans, qui a été tué mardi au centre de distribution. Il vivait avec sa mère et son frère dans une tente qu’ils avaient installée sur les ruines de leur ancienne maison.
« Sa mère dit qu’il n’avait pas mangé depuis trois jours et qu’il ne buvait que de l’eau. Ses neveux pleuraient de faim. C’est ce qui l’a poussé à prendre le risque d’aller à Rafah », a-t-elle déclaré à Haaretz. « Ses amis ont dit qu’ils étaient arrivés vers cinq heures du matin et que des milliers de personnes étaient déjà rassemblées près du site. Ils ont vu des chars dans la zone. Un haut-parleur a annoncé qu’il n’y aurait pas de distribution d’aide ce jour-là et a demandé aux gens de faire demi-tour.
« Mais il y avait tellement de gens qu’il était impossible de faire demi-tour, alors ils ont continué à avancer. L’armée a tiré en l’air pour faire reculer les gens, mais ils avaient faim – ils avaient fait tout ce chemin pour obtenir de l’aide et ne voulaient pas faire demi-tour. Certains se sont laissé tomber au sol et ont essayé en rampant sur le ventre. Fuad a reçu une balle dans la poitrine. Son ami Iyad l’a soulevé sur ses épaules, mais il a été touché à son tour et s’est vidé de son sang. La femme de Fuad était enceinte de cinq mois. Tous deux sont morts. Sans farine, sans un seul morceau de nourriture. »
« La plupart des blessures – à la tête et à la poitrine »
Selon la Fondation humanitaire de Gaza, depuis le début de ses opérations le lundi précédent, elle a distribué 107 520 boîtes de nourriture, soit, selon elle, plus de sept millions de repas. La plupart du temps, la distribution de l’aide était limitée à un seul site à Tel al-Sultan, dans le sud de Rafah, près de la frontière égyptienne. Mercredi dernier, un deuxième centre fonctionnait sur la route de Morag, dans le sud de Gaza, et jeudi, selon la Fondation, trois sites étaient actifs : à Tel al-Sultan, sur la route de Morag, et dans la zone du camp de réfugiés d’al-Bureij, près du corridor de Netzarim.
Pendant trois jours consécutifs cette semaine, la Croix-Rouge a signalé avoir reçu de nombreux blessés à son hôpital de campagne de Rafah. Selon l’organisation, tous les blessés ont déclaré avoir été blessés alors qu’ils tentaient d’atteindre les centres de distribution de l’aide. Dimanche, 179 personnes ont été amenées à l’hôpital, dont 21 ont été déclarées mortes. Lundi, 50 blessés ont été amenés, dont deux morts confirmés. Mardi, 184 personnes ont été transportées, dont 19 ont été déclarées mortes à leur arrivée et huit autres sont décédées plus tard.
Une enquête de CNN, basée sur des vidéos filmées par des habitants de Gaza en route pour recevoir de l’aide humanitaire à Rafah dimanche, a conclu que des dizaines de civils abattus ont été touchés par des tirs des Forces de défense israéliennes. Les experts qui ont analysé le son des tirs et les lieux filmés ont déterminé que les tirs provenaient très probablement de mitrailleuses montées sur des chars positionnés dans des zones entièrement contrôlées par l’armée israélienne.
Les journalistes de CNN ont interrogé plus de 12 témoins oculaires et examiné les balles récupérées sur les blessés et les morts dans les hôpitaux locaux. Leur analyse a montré que les munitions correspondaient à celles utilisées par l’armée israélienne. Si les FDI ont d’abord nié que des soldats avaient tiré sur des civils, elles ont ensuite admis que les troupes avaient « tiré des coups de semonce sur des suspects » à environ un kilomètre du centre de distribution d’aide. Selon CNN, les FDI ont refusé de commenter leurs conclusions.
Mohammad, un secouriste qui accompagne les équipes médicales, était présent lors des incidents de dimanche et de mardi. Selon lui, les tirs visaient des civils qui suivaient les instructions, mais qui s’étaient peut-être écartés de l’itinéraire prévu en raison de l’affluence. « L’armée a dit à tout le monde de rester sur la route goudronnée, et tout le monde l’a fait », a-t-il déclaré. « À un moment donné, des balles réelles ont été tirées sur la foule. La plupart des blessés l’ont été par des tirs directs à la tête et à la poitrine. Les tirs provenaient de bateaux, de drones et de chars. L’armée n’était pas préparée à un tel nombre de personnes et la zone ne pouvait pas les accueillir. La plupart des victimes étaient des femmes et des enfants ».
Sami T., 32 ans, est originaire de Rafah mais vit maintenant dans une tente de fortune à Khan Yunis avec sa femme, sa mère, son jeune frère et 10 autres membres de sa famille. Au cours de ce qu’il craignait être sa dernière nuit sur terre, Sami a quitté sa tente vers 3 heures du matin mardi pour tenter une nouvelle fois de collecter de la nourriture au centre de distribution de la GHF.
« Je suis passé devant ce qui était avant un restaurant de poissons à Khan Yunis et j’ai immédiatement entendu des coups de feu ininterrompus. »
Terrifié et ne sachant pas s’il devait avancer ou reculer, il a continué à avancer jusqu’à ce qu’il atteigne une mosquée à Muwasi, près de Rafah. « J’étais trop effrayé pour regarder de côté », raconte-t-il. « Les gens étaient déjà rassemblés là, et nous avons essayé d’avancer, espérant être parmi les premiers dans la file d’attente. »
Alors qu’ils avançaient, les tirs se sont intensifiés et il était clair qu’ils les visaient directement.
« Je me suis jeté à terre. Les gens autour de moi criaient des noms – frères, amis, tous ceux qui étaient venus avec eux. Un homme à côté de moi a crié : « Je ne sens plus mes jambes ». Ses amis lui ont répété qu’il allait bien et ont essayé de l’aider à se relever, mais il ne tenait pas debout. Lorsqu’ils ont soulevé sa chemise, ils ont vu qu’il avait reçu une balle dans la colonne vertébrale.
Sami fait une pause : « Je ne peux pas oublier comment il les a suppliés : « Ne me laissez pas. Mourrez avec moi, mais ne me laissez pas seul ». Ils ne l’ont pas laissé. Ils l’ont porté jusqu’à la Croix-Rouge. »
Alors que les tirs se poursuivaient, Sami a continué d’avancer. Il a fini par atteindre les ruines du High-Class Café, situé en bord de mer.
« Il y avait un trou dans le mur et j’ai sauté dedans pour me cacher. Ce que j’ai vu m’a fait avoir tous les cheveux gris. J’ai marché sur quelqu’un par accident et je me suis excusé, mais le gars à côté de lui m’a regardé et m’a dit : « À qui tu parles ? Il est mort » ».
Sami regarde autour de lui. « Il y avait des corps partout – certains morts, d’autres blessés, et quelques personnes qui essayaient d’aider. Un homme est arrivé avec un chariot, demandant aux gens de charger les blessés pour qu’il puisse les emmener à la Croix-Rouge. »
Sous un palmier, Sami et d’autres personnes se sont allongées face contre terre, alors que l’air était imprégné de l’odeur du sang. « Nous avons attendu là pendant ce qui nous a semblé être une éternité. Vers 4h45, les choses se sont un peu calmées et nous avons recommencé à avancer. Mais les tirs ont repris. Cette fois, les tirs provenaient des hélicoptères Apache qui se trouvaient au-dessus de nous.
« Il n’y avait nulle part où se cacher. Le mieux que l’on pouvait faire était de s’allonger et de laisser les gens tomber sur soi. Je ne pouvais plus dire qui était blessé et qui était mort. »
Après un quart d’heure, le feu s’est à nouveau arrêté. Sami et les autres ont avancé prudemment et ils ont atteint une intersection à l’ouest de Rafah, connue autrefois sous le nom de Sea Junction ou « Flag Area », d’après le drapeau palestinien qui y flottait.
« De là, nous nous sommes dirigés vers l’hôpital qui était en construction avant la guerre. C’est maintenant une base militaire israélienne. Les troupes américaines qui distribuent l’aide sont stationnées à proximité. Je les ai vus asperger de gaz lacrymogène les personnes qui s’approchaient trop près.
« Dès que nous avons atteint la zone des drapeaux, nous avons eu l’impression que des pierres enflammées volaient vers nous. Les chars israéliens tiraient directement sur la foule. Nous avons crié et couru. Je me souviens avoir prié : « Dieu, je ne veux pas de nourriture, je ne veux pas d’aide, mais je ne veux pas mourir et laisser ma mère pleurer ma mort ». »
Sami a finalement réussi à s’enfuir. « Lorsque j’ai finalement atteint le site de distribution, dit-il, tout avait disparu. Il ne restait plus rien. Mais j’ai remercié Dieu d’être encore en vie. »
Sur le chemin du retour, il a croisé un homme qu’il connaissait et qui avait réussi à s’emparer d’un sac de nourriture et a demandé à Sami de l’aider à le porter. « Quand je l’ai soulevé, il a crié : « Attends, tu es couvert de sang ! » J’ai baissé les yeux. Mes vêtements étaient trempés. Mais ce n’était pas mon sang. »
Ce que j’ai vécu ressemblait à une scène de « Squid Game », mais en pire », dit-il en secouant la tête. « Je me suis juré de ne jamais y retourner. Quelle que soit la faim que l’on ressent. »
C’était la troisième fois que Sami tentait d’obtenir de l’aide de la GHF. Il y était allé deux fois auparavant et était revenu les mains vides. Il se souvient que l’une de ces fois, des coups de feu avaient été tirés, mais rien de comparable à ce qui s’est passé ce matin-là. « C’est la pire chose que j’aie jamais vécue », dit-il.
Les vidéos des sites de distribution publiées ces derniers jours renforcent les affirmations des Palestiniens selon lesquelles la distribution d’aide a sombré dans le chaos. Il ne s’agit pas d’une distribution ordonnée de nourriture, mais d’une ruée humiliante qui dresse des personnes désespérées les unes contre les autres parce qu’elles cherchent à nourrir leurs enfants.
D’après les témoignages et les images, la plus grande partie de la nourriture est prise par les personnes les plus fortes – celles qui peuvent courir et porter de lourdes charges – tandis que les femmes, les enfants et les personnes âgées se retrouvent avec des restes ou reviennent les mains vides. Dans une vidéo, on voit des personnes ouvrir des boîtes au centre de distribution et ne prendre que les articles les plus précieux.
A., le résident de Rafah qui s’est réfugié à Muwasi, a déclaré qu’il s’était rendu au site de distribution à 21h30. Selon lui, les tirs se sont poursuivis jusqu’à près de 5 heures du matin.
Mustafa Asfour, un habitant de Gaza vivant à l’extérieur de la ville et critique virulent du Hamas, a publié une vidéo de la scène. Dans cette vidéo, un jeune Gazaoui nommé Amin Khalifa se filme allongé sur le sol avec d’autres jeunes à proximité, tandis que des coups de feu retentissent en arrière-plan.
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Asfour a légendé le clip : « Amin Khalifa, quelques minutes avant d’être tué ». Dans la vidéo, Khalifa déclare : « Comme vous pouvez le voir, nous sommes encerclés et nous ne pouvons pas bouger. Nous essayons d’obtenir de la nourriture, mais elle est trempée dans le sang. Nous sommes en train de mourir pour obtenir de la nourriture ».
Les FDI ont choisi de ne pas répondre à ce rapport.
- Photo : Des habitants de Gaza avec des paquets de nourriture reçus du centre de distribution de la Fondation humanitaire de Gaza la semaine dernière.