Nidal, tu es en train de mourir dans une prison israélienne et je ne sais pas comment te sauver

Tu es en train de mourir de faim et de colite dans la prison Meggido, où tu es détenu sans accusations ni procès. Que tes ravisseurs-affameurs soient maudits.

Mon frère Nidal,

Le 24 mars nous avons appris avec horreur la mort de Waleed Ahmad, de Silwad, dans une cellule de la prison Megiddo, où tu es aussi retenu prisonnier sans accusations, ni procès. Contrairement à toi, il était jeune et en bonne santé, un athlète. Il avait 17 ans quand il est mort. Toi, d’un autre côté, tu as déjà passé 55 ans et même avant d’être emmené, tu n’aurais pas pu être décrit comme au mieux de ta santé.

Contrairement à beaucoup d’autres avant lui, Waleed n’a pas été battu, ni torturé à mort. Il est mort de faim. Oui, seulement cela. Il a été affamé par ses geôliers jusqu’à ce qu’il cesse de vivre. Les prisonniers récemment libérés disent qu’ils recevaient deux cuillerées de lentilles comme repas principal de la journée et donc Waleed est mort de la famine délibérée, planifiée que le service des prisons et l’armée imposent sur les prisons. Il est aussi mort d’une épidémie de colite infectieuse qui sévit à Megiddo, où aucun traitement n’est donné à ceux qui en souffrent.

Nidal, tu es totalement coupé du monde extérieur et tu ne sais pas cela, mais Waleed a été l’un des 79 prisonniers au moins qui ont été tués au cours des derniers dix-huit mois dans les cachots qu’Israël appelle prisons. C’est-à-dire qu’il y en a 79 dont nous sommes sûrs. Il est douteux que nous connaissions jamais le nombre réel de tous ceux qui y sont morts.

Nidal, mon frère, mon inquiétude — que je partage avec tous tes parents, tes amis et tes connaissances —a augmenté de manière incommensurable depuis ce moment. Par hasard, je connais le médecin qui a participé à l’autopsie de Waleed. Il est secoué. Je n’ai jamais entendu un tel choc dans sa voix, car il n’avait jamais été témoin d’un tel cas de famine sévère endommageant l’organisme comme celui qu’il a observé sur le cadavre de Waleed. Jamais — excepté dans la littérature médicale décrivant la condition des survivants des camps de concentration.

Nidal, mon frère, Riham t’a rendu visite hier après que nous avons reçu, d’une manière ou d’une autre, la nouvelle que tu avais la gale. Mais de manière horrible, la gale n’est pas ce qui dévore ton corps ; c’est plutôt la même colite qui a tué Waleed. Nidal, pardonne-moi mon frère, mais je ne sais pas ce que nous pouvons faire pour te sauver la vie.

Quand elle est sortie de Megiddo, Riham m’a appelé en larmes pour me transmettre ce qu’elle avait vu. Je n’ai pas pleuré, parce que j’étais de l’autre côté de la ligne, parce que je n’avais pas vu moi-même ta forme mourante, en train de s’estomper. Et pourtant, je pleure maintenant amèrement à travers ces mots, dans une lettre qu’il n’y aucun moyen de te faire parvenir.

Nidal, mon frère, Riham dit que tu n’es pas toi-même. Devant elle, s’est tenu un squelette humain dont la peau pend sur les os comme un sac, dont les yeux regardent avec difficulté depuis les cavités qui étaient autrefois ses orbites. Tu as dit que tu pèses cinquante kilos. Tu as dit que tu souffres de terribles douleurs d’estomac qui ne s’arrêtent pas et t’empêchent de dormir, que tu vomis et que tu as de la diarrhée et que tu t’es évanoui deux fois.

Pire peut-être, tu as dit que tu ne reçois aucun traitement et que pas un, ni deux, mais la moitié de tes compagnons de cellule ont une colite et que la peau de quelques-uns pourrit aussi sous les croûtes de la gale. Nidal, mon frère, que tes ravisseurs-affameurs soient maudits et que maudits nous soyons tous, parce que je ne sais pas comment nous pouvons te sauver.