Selon l’OMS, des piratages par des hommes armés ont accru un manque déjà grave de nourriture, de médicaments et d’autres formes d’aide
Les prix alimentaires ont monté en flèche à Gaza après le pillage de presque 100 camions d’aide sur fond d’une crise alimentaire déjà grave causée par plus d’un an de guerre entre Israël et le Hamas.
À la fin de la semaine, le piratage par des hommes armés de 98 camions appartenant à un convoi de 109 véhicules – la plus grosse attaque de ce genre, à ce jour – a aggravé les pénuries de nourriture, de médicaments et d’autres formes d’aide, selon une porte-parole de l’Organisation mondiale de la Santé, Margaret Harris. “Il est de plus en plus difficile de faire entrer l’aide”, a-t-elle souligné mardi [19 novembre].
La quantité d’aide qui pénètre dans le territoire palestinien assiégé a atteint son minimum sur une durée de 11 mois, indiquent des données israéliennes officielles, bien qu’un ultimatum lancé le mois dernier par les États-Unis ait affirmé que davantage d’approvisionnement humanitaire devait atteindre la population de Gaza, soit 2,3 millions de personnes à bout de forces, qui ont presque toutes été chassées de chez elles.
À cette date du mois de novembre, Israël dit avoir laissé entrer en moyenne 88 camions par jour, une fraction des 600 camions par jour qui seraient nécessaires, selon les agences d’aide humanitaire, pour faire face aux besoins élémentaires. Dans le tiers nord de Gaza, où l’armée israélienne livre depuis des semaines une offensive qui a tué des centaines de personnes et qui en a déplacé des dizaines de milliers, il se peut qu’une situation de famine soit déjà en place, disent des experts.
Les agences d’aide humanitaire actives dans la Bande se sont efforcées de collecter et de distribuer du ravitaillement sur fond d’activités militaires israéliennes, de blocages de la circulation et d’attaques israéliennes qui ont ciblé les employés. Environ un tiers de la totalité de l’aide serait, par ailleurs, volé par des gangs armés qui revendent ces approvisionnements à des prix exorbitants, selon les Nations unies.
Le marché est fluctuant, mais avant la guerre un sac de farine valait 40 shekels (10,40 €) et le lait en poudre valait 30 shekels (7,80 €). Maintenant, dans le centre et le sud de la Bande, où s’est réfugiée la majorité de la population, les prix ont atteint respectivement 375 shekels (97,30 €) et 300 shekels (77,85 €) – si du moins ces produits peuvent être trouvés.
Israël dément toute restriction délibérée de l’aide à Gaza et nie avoir fermé les yeux sur la prolifération de gangs et de bandes organisées survenue depuis l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre. Il accuse le Hamas d’avoir détourné l’aide.
Le groupe armé palestinien dément cette allégation et, quant à lui, affirme qu’Israël a cherché à fomenter un climat d’anarchie en ciblant systématiquement des policiers employés par le Hamas qui assuraient la garde de convois humanitaires.
Mardi, des informations ont émergé selon lesquelles, sur fond de craintes renouvelées de famine, le Hamas – dont les capacités militaires et de gouvernance se sont gravement dégradées au long de 13 mois de combats – avait formé une nouvelle force armée anti-pillage.
“Les comités populaires et révolutionnaires”, constitués au début de ce mois, sont formés de combattants du Hamas, de groupes alliés et de clans locaux, bien équipés, et ont déjà effectué 15 missions lors desquelles les pillards ont été pris en embuscade et tués, selon un cadre du Hamas qui a parlé à Reuters sous condition d’anonymat.
Après le piratage du convoi des Nations unies samedi, le ministère de l’Intérieur dirigé par le Hamas a déclaré lundi soir que 20 personnes avaient été tuées lors d’une opération destinée à récupérer les approvisionnements.
Dans un communiqué, le Hamas a souligné que les vols avaient “gravement affecté la société et entraîné des signes de famine dans le sud de Gaza”, et a averti que cette opération représentait le lancement d’une campagne plus vaste visant à affronter ce problème.
Des dirigeants locaux dans le centre de Gaza ont indiqué que des habitants avaient riposté aux pillards et étaient parvenus à récupérer certains des camions volés qui avaient ensuite été restitués au Programme alimentaire mondial de l’ONU. Des témoins ont décrit un autre affrontement avec armes à feu en fin de semaine, des combattants du Hamas ayant utilisé deux voitures pour poursuivre des hommes soupçonnés de pillages qui conduisaient un autre véhicule, l’issue ayant été la mort des suspects.
Shaban, un ingénieur de Gaza Ville déplacé à Deir al-Balah, a dit à Reuters : “Il y a une campagne contre les voleurs, nous le voyons. Si la campagne continue et que l’aide circule, les prix vont baisser parce que les produits volés se retrouvent sur les marchés à des prix élevés.”
Depuis qu’une trêve a été brisée au bout d’une semaine en novembre dernier, les négociations de cessez-le-feu dans le cadre de la guerre de Gaza ont échoué à plusieurs reprises, le Qatar, médiateur, annonçant au début de ce mois qu’il renonçait à son rôle jusqu’au moment où Israël et le Hamas manifesteraient “de la bonne volonté et du sérieux” au cours des pourparlers.
Pendant ce temps, les espoirs de trêve augmentent dans la guerre en cours depuis deux mois entre Israël et le Hezbollah, puissante milice libanaise
Au cours d’une visite à Beyrouth mardi, Amos Hochstein, envoyé de l’administration Biden, a indiqué qu’un accord était “à [leur] portée” à la suite d’“entretiens très constructifs” avec le président du parlement libanais, Nabih Berri, allié du Hezbollah assurant la médiation au nom du groupe.
La proposition serait centrée sur le retrait des combattants du Hezbollah et des forces israéliennes hors de la zone tampon de l’ONU qui sépare les deux pays, dont la surveillance serait alors assurée par des milliers supplémentaires de forces onusiennes de maintien de la paix et de troupes libanaises. L’exigence d’Israël selon laquelle il devrait pouvoir conserver une “liberté d’action” afin de répondre aux menaces du Hezbollah reste une condition dont l’acceptation par le Liban est peu vraisemblable.
- Photo : Une cohue de personnes qui cherchent à obtenir des aliments préparés par une cuisine de secours à Khan Younis. Photo Hatem Khaled/Reuters