Ziad, 14 ans, a voyagé tout seul de Gaza en Égypte après avoir subi de graves blessures quand un quadcopter l’a ciblé à balles réelles. (Photo : DCIP)
Ramallah, le 19 novembre 2024 – Les enfants palestiniens, atteints de graves blessures et évacués de Gaza pour recevoir un traitement en Égypte, sont maintenant face à un avenir inconnu.
Défense des Enfants International – Palestine a visité les hôpitaux du Caire où de jeunes patients palestiniens reçoivent un traitement pour de graves blessures dues aux frappes aériennes, bombardements, et attaques à balles réelles par Israël sur Gaza. Plusieurs enfants, dont Ziad 14 ans et Alia* âgée de deux ans, ont fait le voyage vers l’Égypte sans leurs parents ni aucun membre de leurs familles. Les Palestiniens n’ont eu aucune possibilité d’aller en Égypte depuis qu’Israël a fermé en mai le passage méridional de Rafah.
« Les enfants palestiniens obligés d’évacuer Gaza pour un traitement médical sans aucun membre de leur famille sont vulnérables à l’exploitation et doivent être protégés », a dit Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation à DCIP. « En vertu de la législation internationale des droits de l’Homme, l’Égypte a une obligation juridique de protéger ces enfants vulnérables et de soutenir les efforts faits pour les réunir à leurs familles. »
Ziad, 14 ans, a été frappé six fois à balles réelles tirées par un quadcopter , le 16 novembre 2023 vers 7 H. du matin, dans le quartier d’Al-Rimal de la ville de Gaza, d’après les renseignements récoltés par DCIP. Ziad allait vérifier l’épicerie de sa famille avec son père quand le quadcopter l’a ciblé, le frappant au ventre, au dos, à la main au pied et au poignet.
« J’ai ressenti une décharge électrique à la main et au ventre à la suite de ces blessures », a dit Ziad à DCIP. « J’ai regardé mon ventre et j’ai vu un sang épais en sortir et j’ai eu comme l’impression que mes intestins étaient sortis. Mon père est venu vérifier et a vu ce qui m’était arrivé. Il a vu la blessure à mon ventre et comment mes intestins étaient entièrement sortis et il m’a immédiatement porté dans ses bras, mais le quadcopter a tiré trois autres balles qui ont atteint mon père à la main, nous jetant tous les deux par terre. Nous avons essayé de ramper, mais le quadcopter nous a à nouveau visés, me frappant de deux balles au pied gauche, d’une dans le dos et d’une autre au poignet gauche. Si nous étions restés ainsi, nous serions morts.Mon père et moi n’avons eu d’autre choix que de courir aussi vite que possible, et nous avons couru dans des directions différentes, à droite et à gauche, afin de ne pas être [à nouveau] frappés. J’ai couru sur 300 mètres jusqu’à ce que j’atteigne l’Hôpital Baptiste Al-Ahli. Une fois dans l’hôpital, une explosion a secoué la zone à l’extérieur et j’ai appris qu’un obus de char était tombé exactement devant l’entrée de l’hôpital. »
Après que les médecins aient fourni les premiers soins à Ziad et à son père, tout le monde a été obligé d’évacuer l’hôpital à cause des attaques israéliennes. Ils sont d’abord allés trouver un médecin à l’école Al-Zahraa, puis un ami les a conduits à l’Hôpital Indonésien, où Ziad a été opéré pour fermer son abdomen. Il est resté trois jours à l’Hôpital Indonésien avant que lui et son père aillent chez un ami à Jabaliya.
La mère de Ziad est arrivée le lendemain, et ils ont réalisé que des selles sortaient de sa blessure dans le dos. Ils sont d’abord allés à l’Hôpital Baptiste Al-Ahli, mais les médecins les ont envoyés à l’Hôpital Européen au sud de Gaza, étant donné que les forces israéliennes intensifiaient leurs attaques au nord de Gaza. Ziad et son père ont roulé en ambulance jusqu’à l’Hôpital Européen où ils sont arrivés après que les forces israéliennes les aient détenus plusieurs heures dans le Corridor de Netzarim au centre de Gaza.
Ziad a subi plusieurs autres opérations pour nettoyer ses intestins et fermer l’abdomen, et il est resté à l’Hôpital Européen du 23 novembre au 23 janvier, période pendant laquelle sa famille a fait des demandes pour une recommandation médicale pour que Ziad puisse être soigné en Égypte.
Pour que des patients palestiniens puissent sortir de Gaza, ils doivent naviguer dans un réseau complexe de permis et de références. Les médecins et les organisations humanitaires recommandent les patients au Ministère palestinien de la Santé, qui envoie la référence à l’Organisation Mondiale de la Santé, qui l’envoie au COGAT (Coordinateur des activités du Gouvernement dans les Territoires) pour un accord final.
Le COGAT est une branche de l’armée israélienne qui rejette fréquemment les permis sur des motifs arbitraires, mettant régulièrement en avant des ‘craintes pour la sécurité’. Le COGAT n’approuve actuellement le contrôle de sécurité que pour moins d’un pour cent des patients qui lui sont soumis, ce qui veut dire qu’ils ne peuvent voyager, a dit l’OMS le 1er novembre à Drop Site News [Actualités du Site de Dépôt].
« On a interdit à mon père de m’accompagner, et ma mère et mes frères et sœurs étaient dans la ville de Gaza, et personne n’était là pour m’accompagner excepté une tante », a dit Ziad à DCIP. « J’avais une tante qui vivait à Al-Bureij et une autre qui vivait à Al-Nuseirat. Ma tante d’Al-Bureij est partie chez ma tante à Al-Nuseirat, mais les forces israéliennes ont bombardé la maison et les ont tuées toutes les deux, ainsi que leurs enfants et leurs maris. Je n’avais plus personne pour m’accompagner à l’étranger, et je suis donc parti seul pour l’Égypte. »
Ziad a traversé le passage de Rafah vers Al-Arish, ville égyptienne de la péninsule du Sinaï. Il a appris que l’Italie l’accepterait pour qu’il y soit traité, mais les médecins ont insisté pour dire qu’il ne supporterait pas un voyage en avion ou en bateau depuis l’Égypte jusqu’en Italie étant donné son état critique. Ziad a alors été transféré à l’hôpital italien du quartier Al-Abbassia du Caire.
Ziad a subi une opération en vue de restaurer son flanc et les médecins ont soigné ses blessures au pied, aux doigts de la main gauche, et à la main droite. Plusieurs jours plus tard, les médecins ont finalement terminé l’opération en vue de réparer son abdomen et ses intestins.
« J’espère que tout le monde me soutiendra », a dit Ziad. « N’est-ce pas suffisant que je sois seul en Égypte ? Mon père et ma mère ne sont pas avec moi. Je ne les ai pas vus ni mes frères et sœurs depuis de nombreux mois à cause de la guerre sur Gaza. »
La chirurgie abdominale de Ziad a été terminée le 20 juillet et il s’est bien remis de ses blessures. Le père de Ziad n’a toujours pas pu quitter Gaza à cause de la fermeture du passage de Rafah, ce qui veut dire que Ziad est toujours seul en Égypte. Pour l’instant, Ziad reste à l’hôpital italien.
Un autre enfant palestinien non accompagné qui a reçu un traitement en Égypte, c’est Alia âgée de deux ans, reçue au Caire par une famille palestinienne ayant la citoyenneté égyptienne.
« J’ai reçu un appel de l’un de mes amis en Égypte qui m’a dit qu’il y avait, à l’ambassade palestinienne au Caire, une petite fille de pas plus de deux ans et sans accompagnement. Elle était seule », a dit Nabil, père de quatre enfants, à DCIP. « La maison de cette petite fille a été bombardée et elle est restée des heures sous les décombres avant qu’on la retrouve. »
La mère d’Alia a subi de très graves blessures aux jambes et a dû partir, avec son mari, pour se faire soigner en Tunisie. Alia est restée à Gaza avec des Palestiniens déplacés à vivre plusieurs mois sous une tente à Rafah avant que la Société du Croissant Rouge palestinien et l’UNICEF n’organisent son voyage en Égypte.
Quand Alia a eu fait le voyage par le passage de Rafah sans escorte, elle a été confiée à l’ambassade de Palestine au Caire, qui a contacté Nabil pour lui demander si sa famille pouvait héberger Alia jusqu’à ce que des arrangements pour qu’elle puisse aller en Tunisie soient résolus.
« Sans hésitation et après avoir obtenu l’accord de ma femme, nous avons accepté d’accueillir l’enfant », a dit Nabil. « Quand je suis allé à l’ambassade pour la recevoir, j’ai été surpris de voir à quel point elle était faible, rien qu’un squelette, et elle avait des signes de malnutrition. »
Nabil a emmené Alia chez un docteur, qui a dit qu’elle avait besoin d’être nourrie et que son estomac était gonflé à cause de la présence de toxines et de gaz dus à la malnutrition. Les médecins et la famille de Nabil ont bien pris soin d’Alia et son état s’est considérablement amélioré.
La famille de Nabil a pris soin d’Alia pendant environ deux mois avant que l’ambassade de Tunisie ait pu organiser le voyage d’Alia en Tunisie afin qu’elle retrouve ses parents.
Il n’existe pas d’estimation du nombre total d’enfants palestiniens non accompagnés en Égypte. Sur les plusieurs centaines d’enfants palestiniens qui ont quitté Gaza pour être soignés en Égypte, « très peu » ont voyagé seuls, a dit en février au Washington Post l’ambassadeur palestinien en Égypte, Diab Allouh. Nous n’avons pas de liste détaillée », a-t-il dit.
Les enfants non accompagnés, privés de l’attention et de la protection de leur famille, risquent sérieusement de subir trafic, exploitation et abus, surtout s’il restent dans un flou juridique en Égypte. Les forces israéliennes n’ont montré aucun signe de volonté de mettre fin prochainement au génocide à Gaza, augmentant ainsi les risques pour les enfants non accompagnés.
Des milliers d’enfants palestiniens ont été séparés de leur famille à cause de la campagne israélienne de génocide à Gaza. Selon la Convention sur les Droits de l’Enfant (CDE), Israël a une obligation de protéger le droit des enfants à la vie et au développement. Israël avait également l’obligation selon le droit international de protéger les civils, dont les enfants, ce qu’il na absolument jamais fait.
L’Égypte, en tant que pays hôte de ces enfants et État partie à la CDE, a l’obligation d’aider et de protéger les enfants déplacés de Gaza qui résident en Égypte, de s’assurer qu’ils bénéficient d’une protection et d’une assistance humanitaire appropriées pour faire respecter leurs droits conformément aux lois internationales et nationales.
L’État de Palestine, également État partie à la CDE, a lui aussi l’obligation de travailler à la réunification des familles.
*Alia est un pseudonyme utilisé pour protéger la vie privée de l’enfant. Son nom est connu de DCIP.