Les manifestations concernant Gaza s’intensifient dans les musées d’art américains

Une manifestation au Yerba Buena Center for the Arts de San Francisco a conduit à la démission de sa directrice et à la fermeture de ses galeries pendant un mois.

L’événement organisé au Yerba Buena Center for the Arts en février était intitulé « Lette d’amouor à SoMa », du nom du quartier de San Francisco où se trouve le musée d’art contemporain.

Mais huit des artistes impliqués dans ce projet ont organisé une intervention intitulée « Lettre d’amour à Gaza », modifiant leurs propres œuvres, notamment en peignant à la bombe « Viva Palestine » sur l’une d’entre elles, et en déployant une bannière sur laquelle était écrit « No More Blood Money – Ceasefire Now » (Plus d’argent du sang – Cessez-le-feu maintenant). Les artistes ont notamment demandé au musée de boycotter les institutions israéliennes et de « retirer tous les membres du conseil d’administration et les bailleurs de fonds sionistes ».

Dans la foulée, le musée a fermé ses galeries pendant un mois et sa directrice par intérim, Sara Fenske Bahat, a démissionné.

« Pour moi en tant que personne, les dernières semaines ont été atroces », écrit-elle dans sa lettre de démission. « Non seulement en tant que dirigeante, mais aussi en tant que dirigeante juive. » Elle écrit qu’il lui était devenu intolérable de rester du fait des « réactions au vitriol et antisémites dirigées contre moi à titre personnel. Je ne me sens plus en sécurité dans notre propre espace, notamment en raison des actions de certains de nos propres employés », a‑t‑elle écrit.

En février, les responsables de la sécurité ont temporairement fermé le Musée d’art moderne de New York après que des centaines de manifestants ont occupé l’atrium et distribué des tracts accusant les administrateurs ayant des liens financiers avec des entreprises israéliennes de complicité dans la guerre.

Le mois dernier, des centaines de manifestants se sont rassemblés sur les marches du Metropolitan Museum of Art et ont déployé un patchwork créé par des artistes rendant hommage aux Palestiniens. Tandis que les manifestants chantaient et jouaient de la musique, d’autres activistes distribuaient des tracts à l’intérieur du musée, qualifiant un administrateur de « sioniste » et un autre de « profiteur de guerre ». Le groupe a également fait l’éloge d’une lettre signée au début du mois par plus de 150 membres du personnel, demandant aux dirigeants du musée de « prendre position pour la défense des Palestiniens et de l’héritage culturel de la Palestine ».

Des dizaines d’orateurs et d’artistes se sont retirés du festival South by Southwest à Austin, au Texas, le mois dernier, pour protester contre le parrainage de l’événement par l’armée américaine et les entreprises de défense américaines, du fait de leur enchevêtrement avec l’armée israélienne, ainsi que les militants qualifient leurs relations.

En Europe, l’auteure Annie Ernaux, lauréate du prix Nobel, a préconisé un boycott des institutions allemandes financées par l’État en raison du soutien du gouvernement allemand à Israël. Les manifestants ont cherché à empêcher les représentants israéliens d’assister à des événements internationaux tels que la Biennale de Venise et l’Eurovision 2024.

Les partisans du boycott des institutions israéliennes y voient un moyen non violent d’obtenir des changements, sur le modèle de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Mais de nombreux responsables du monde de l’art considèrent les boycotts comme incompatibles avec l’esprit de liberté artistique et d’échange.

« Dans le domaine culturel, le boycott va à l’encontre de la compréhension, de l’engagement et d’une voie plus prometteuse », a déclaré dans une interview James S. Snyder, directeur du Musée juif de New York, où ont également eu lieu des manifestations.

Les dirigeants d’organisations à but non lucratif ont déclaré que le fait de commenter la guerre – ou même de publier une déclaration générale déplorant les souffrances des Israéliens et des Palestiniens – peut susciter de vives critiques et réduire les recettes.

À New York, un décret de 2016 signé par Andrew Cuomo, l’ancien gouverneur, permet à l’État de retirer son financement aux institutions qui déclarent participer au boycott d’Israël. (Il existe des mesures ou des lois similaires dans 37 autres États, selon Palestine Legal, une organisation qui suit la question).

À San Francisco, les artistes qui ont organisé l’intervention ont demandé au Yerba Buena Center for the Arts de s’engager dans la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël, qui décrit les institutions universitaires et culturelles israéliennes comme « complices du système d’oppression israélien qui a privé les Palestiniens de leurs droits fondamentaux, garantis par le droit international ».

Bahat, la directrice sortante, a déclaré que l’appel au boycott, signé par certains employés, « nous demande d’interdire des artistes sur la base de leur origine nationale ».

« Ce n’est pas seulement illégal et en violation de notre contrat de bail (sans parler de notre mission), c’est immoral pour une organisation qui croit que les arts sont un moyen d’améliorer et de relier les individus et la société », a-t-elle écrit.

Les galeries du musée ont rouvert au public à la mi-mars, avec les œuvres d’art modifiées et les références à la libération palestinienne intactes. L’exposition comporte toutefois un certain nombre de mises en garde, dont un avertissement sur le contenu et un message en caractères gras : « Les opinions exprimées par chaque artiste sont les leurs et ne sont pas celles de l’YBCA ».

Renuka Kher, présidente du musée, a déclaré dans un communiqué que le musée s’était efforcé de rouvrir ses galeries « le plus rapidement et le plus judicieusement possible ». Elle a ajouté que le conseil d’administration cherchait un nouveau directeur par intérim et poursuivait sa recherche d’un nouveau directeur permanent, qui avait débuté auparavant déjà.