Une famille palestinienne s’appuie sur les décombres d’un bâtiment à l’ouest de la ville de Gaza, le 25 novembre 2024 (Photo : Omar Al-Qattaa/AFP)
Ramallah, 26 novembre 2024—Les forces armées israéliennesont forcé des enfants palestiniens à servir de boucliers humains pendant le siège du camp de réfugiés de Jabalia au nord de Gaza, les mettant directement en danger au milieu des tirs à balles réelles et des bombardements des tanks.
Lors d’une série d’opérations militaires dans le camp de réfugiés de Jabalia, l’armée israélienne a forcé des enfants palestiniens et leurs familles à se tenir devant les tanks et les véhicules militaires alors que des soldats faisaient feu sur des zones civiles au cours de multiples incidents pendant le mois d’octobre, selon la documentation collectée par l’association Defense for Children International – Palestine [Défense des enfants internationale – Palestine, DCIP]. Le 15 octobre, les tanks israéliens ont entouré le camp, faisant feu de manière indiscriminée et blessant sévèrement plusieurs civils palestiniens. Dans de multiples cas documentés, dont les 15, 17 et 20 octobre, des soldats israéliens ont arrêté des enfants palestiniens dont certains n’avaient pas plus de six ans, les ont utilisés ainsi que d’autres civils palestiniens pour protéger l’avance des forces militaires. Ces tactiques non seulement mettent en danger la vie des enfants, elles constituent une violation flagrante du droit humanitaire international.
« L’utilisation par les forces israéliennes d’enfants palestiniens comme des boucliers humains est une action délibérée et illégale, une action qui met les vies des enfants dans un danger extrême et cause un traumatisme inimaginable », a dit Ayed Abu Eqtaish, le directeur du programme de reddition de comptes à DCIP. « Cette pratique est un crime de guerre clair, démontrant un mépris flagrant pour le droit international et soulignant un schéma d’impunité qui coûte aux enfants palestiniens leur sécurité, leur dignité et dans de nombreux cas leurs vies. »
Le 15 octobre, les forces israéliennes ont lancé une attaque sur le camp de réfugiés de Jabalia, où Mohammad Al-Za’anin, sa femme et leurs trois enfants, âgés de six ans, quatre ans et deux ans, s’abritaient dans la maison d’un parent. À 9h environ, les tanks israéliens entourant le quartier Tal Al-Zaatar ont commencé à tirer des obus de manière indiscriminée, blessant grièvement la femme de Mohammad. Mohammad a essayé de fuir avec ses enfants, en agitant un drapeau blanc et en se déplaçant vers la ville de Gaza. Mais les soldats israéliens ont intercepté la famille, les arrêtant avec plusieurs autres et les plaçant devant un tank qui continuait à tirer au-dessus de leurs têtes. Mohammad et ses enfants ont été retenus dans cette situation pendant plus de cinq heures, les soldats ignorant leurs suppliques pour protéger les enfants terrifiés. Après des heures de peur intense, les forces israéliennes ont ordonné à la famille d’abandonner toutes ses affaires et de marcher vers le sud.
Le 17 octobre, les tanks israéliens ont encore une fois encerclé la zone de Tal Al-Zaatar du camp de réfugiés de Jabalia, où vivaient Islam Fayyad, sa femme et leurs trois enfants, âgés de six ans, quatre ans et huit mois. Alors que les forces israéliennes se rapprochaient, la femme d’Islam a levé un drapeau blanc et a essayé de fuir avec les enfants. Alors qu’ils s’approchaient d’un checkpoint, les soldats israéliens leur ont ordonné par haut-parleurs de jeter leurs affaires dans une fosse et de s’approcher des tanks. Les forces israéliennes ont ensuite séparé les hommes des femmes et des enfants, retenant la femme et les enfants d’Islam devant les véhicules militaires pendant deux heures, tandis que des obus et des balles volaient au-dessus de leurs têtes. La fille de Fayyad, Marwa, âgée de six ans, a supplié sa mère : « Maman, nous allons mourir », pendant que les soldats continuaient à tirer, sans être découragés par la terreur visible des enfants.
Un troisième incident s’est produit le 20 octobre, quand les forces israéliennes ont bombardé les maisons près de la résidence de Mahmoud Nasser et de sa famille à Jabalia. Mahmoud, sa femme, et leurs trois enfants, y compris un nouveau-né, ont agité un drapeau blanc et ont essayé de s’échapper avec des dizaines d’autres familles. Les soldats les ont arrêtés, ordonnant aux hommes, aux femmes, aux enfants et aux civils âgés, de marcher devant des véhicules militaires en mouvement, qui bombardaient des bâtiments à proximité. La famille Nasser, ainsi que d’autres familles déplacées, a été forcé de marcher devant un bulldozer et un tank qui dirigeait ses tirs contre l’hôpital indonésien. Cela a duré pendant plus d’une demi-heure avant que les familles ne soient emmenées à un endroit élevé surplombant le camp de Jabalia, où ils ont été retenus comme boucliers humains pour une heure et demie supplémentaire avant d’être relâchés.
Le siège récent au nord de Gaza fait partie d’un schéma plus vase d’augmentation de la violence et de punition collective ciblant des civils. Dans les derniers mois, des opérations militaires sans relâche dans le nord de la Bande de Gaea, y compris de lourds bombardements, ont provoqué une destruction étendue, des déplacements et des victimes civiles. Le siège a exacerbé la famine et a transformé des abris surpeuplés en zones rongées par la maladie où les familles sont forcées de vivre sans accès à une nourriture adéquate, à de l’eau potable ou des soins médicaux.
Depuis 2000, DCIP a documenté des dizaines de cas d’enfants palestiniens utilisés comme des boucliers humains par l’armée israélienne, à la fois en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. Depuis que l’armée israélienne a commencé son attaque génocidaire contre Gaza le 7 octobre 2023, les forces israéliennes ont utilisé beaucoup d’enfants palestiniens comme boucliers humains pendant leurs opérations sur le terrain ; toute l’étendue de ces actes reste inconnue étant donné la capacité limitée des organisations de défense des droits humains de documenter les cas en toute sécurité.
L’utilisation d’enfants comme boucliers humains est une violation flagrante de la Quatrième Convention de Genève, Protocole supplémentaire 1 des Conventions de Genève, et un crime de guerre selon le droit pénal international qui interdit de mettre des civils en danger dans des conflits armés, particulièrement dans des situations où ils pourraient souffrir de blessures physiques ou de terreur psychologique. Placer délibérément des enfants devant des véhicules armés pour dissuader la résistance ou pour protéger les forces militaires est une violation effroyable du droit humanitaire international, du droit pénal et de la législation des droits humains.
Malgré les claires interdictions internationales, les forces israéliennes ont à de nombreuses reprises utilisé les enfants palestiniens comme boucliers humains dans des opérations militaires dans tout le territoire palestinien occupé, perpétuant un cycle de traumatisme et de violence dans lequel les forces israéliennes agissent en toute impunité, sachant qu’ils n’auront probablement pas à faire face à des répercussions ou des conséquences pour leur maltraitance systématique des enfants palestiniens.