ISRAEL-PALESTINE: Enseignants et étudiants face à des campagnes d’arrestations qui s’intensifient

Tandis que le conflit centré sur Gaza se poursuit, des enseignants et des étudiants de Cisjordanie occupée qui font face à une série d’arrestations en augmentation, ont fait appel à l’aide la communauté internationale, pour que les universités du territoire soient protégées du plein effet de la guerre.

Jaser Mohammad Khalil, le directeur du département de la planification et du contrôle de qualité de l’Université ouverte Al-Qods, a dit : « Ce ne sont pas seulement les universités de Gaza qui souffrent des attaques militaires israéliennes mais aussi les universités situées en Cisjordanie ».

Selon la Société des Prisonniers Palestiniens , à la date du 21 novembre, 3 000 Palestiniens avaient été arrêtés en Cisjordanie depuis le 7 octobre. Nombre d’entre eux sont des universitaires et des étudiants suspectés d’être impliqués dans des activités politiques.

D’après Khalil, les universités de Cisjordanie sont soumises à une campagne israélienne qui s’intensifie et qui consiste à arrêter des cadres universitaires et des militants étudiants. Il a dit que le nombre d’étudiants arrêtés au cours des deux premières semaines de la guerre était estimé à pas moins de 300.

« Cette campagne s’est accrue dans la période récente…. Certains jours, le nombre moyen d’arrestations atteint 30 à 60… la plupart sont des étudiants d’universités… Les checkpoints militaires fouillent les téléphones portables des jeunes hommes et arrêtent ou maltraitent quiconque a sur lui un signe de soutien à la résistance » a dit Khalil.

Un certain nombre d’universités de Cisjordanie ont annoncé la mort d’étudiants et d’enseignants tués par les attaques israéliennes. Parmi elles on compte l’Université de Bethléem l’Université Birzeit  et l’Université Technique de Palestine – Kadoorie (PTUK) .

Des troupes israéliennes envoyées dans des universités

Deux établissements d’enseignement de Cisjordanie ont été envahis par les forces israéliennes. Dans une déclaration du 16 novembre PTUK a dit : “Les forces d’occupation israéliennes ont dévasté les laboratoires et ateliers d’ingénierie automobile (anciennement bâtiment de l’énergie) au siège principal de PTUK et ont ravagé son espace.

« Cela fait partie d’une série de violences répétées qui sont perpétrées pas l’occupation contre l’Université Technique Palestinienne Kadoorie sur son siège principal de Tulkarem et sur sa branche d’Al-Arroub ».

Le 8 novembre, l’Université de Birzeit a aussi été envahie par les forces armées israéliennes, d’après une déclaration qui précise que l’université a été vandalisée et que des drapeaux et objets personnels ont été confisqués dans les résidences étudiantes.

Le 13 novembre, des étudiants en droit de l’Université de Birzeit en Cisjordanie ont publié la déclaration  suivante : « Les forces d’occupation israéliennes ont intensifié leur oppression contre les Palestiniens… avec des persécutions, des punitions collectives, des meurtres arbitraires, des arrestations de masse et la violence des colons appuyée par l’État.

Arrestations d’enseignants et d’étudiants

La déclaration a été suivie d’une annonce de l’Université de Birzeit, le 20 novembre  concernant l’arrestation du Dr Hudhaifa Nabil Jabari pendant une attaque de sa maison à Hebron. Jabari faisait partie du Département de comptabilité de la Faculté du commerce et de l’économie de l’université.

La veille, l’université avait annoncé l’arrestation de Muhammad Zuhair Al-Zuhairi, un étudiant de la Faculté de droit et d’administration publique et de son frère, Ibrahim Al-Zuhairi qui est diplômé du Département des Médias de Birzeit.

La déclaration indique que les troupes israéliennes qui sont entrées dans la ville de Birzeit ont fait sauter la porte d’entrée de la maison de Muhammad et d’Ibrahim, dévasté brutalement la maison, détruit ce qu’elle contenait et frappé Muhammad et Ibrahim avant de les arrêter ».

Le 16 novembre, l’Université de Birzeit a annoncé l’arrestation de Ferouz Salameh, une étudiante de troisième cycle du programme d’études israéliennes, dans son logement de Birzeit.

Certains de ceux et celles arrêtés ont été relâchés. Le 15 novembre la Société des prisonniers palestiniens a publié un communiqué de presse  indiquant que les forces d’occupation avaient relâché 17 étudiantes à Hebron, qui avaient été arrêtées chez elles et rassemblées ensuite au centre de détention (d’Etzion).

Des dirigeants étudiants ont été des cibles d’arrestations. Le 9 novembre, une déclaration de l’université nationale An-Najah de Naplouse a dénoncé ce qu’elle a appelé une campagne d’arrestations lancée par l’occupation en Cisjordanie qui, a-t-elle dit, a affecté « un grand nombre de collègues du corps enseignant et de nombreux étudiants ». Parmi les étudiants arrêtés figure Omar Sari, qui est à la tête du Conseil du syndicat étudiant.

Le 24 octobre, le doyen des affaires étudiantes de l’Université de Bethléem a aussi annoncé l’arrestation du chef du Conseil du syndicat étudiant, Moatasim Omar Issa. « Nous faisons appel à toutes les institutions de défense des droits humains internationales et régionales … pour qu’elles agissent rapidement et fassent pression sur le gouvernement de l’occupation pour qu’il cesse ses pratiques arbitraires et ses attaques sur les corps représentatifs palestiniens élus et qu’il cesse de persécuter et d’arrêter les étudiants des universités palestiniennes » dit la déclaration.

Restrictions du mouvement

Yousef-Awwad Daraghmi, le directeur du bureau des relations extérieures et professeur associé du département de l’ingénierie des systèmes informatiques de l’Université Technique de Palestine- Kadoorie, a dit à University World News que la restriction du mouvement était un défi-clef pour les institutions d’enseignement supérieur.

Selon Daraghmi, les villes sont fermées la plupart du temps ou bien ouvertes seulement pour de courtes durées. « Aussi les étudiants perdent le droit d’étudier sur le campus et plusieurs étudiants ont perdu l’occasion de participer à des événements locaux (conférences, concours, ateliers) à cause de la fermeture des villes ». 

Plusieurs étudiants ont perdu l’occasion de participer à des événements internationaux tels que des conférences, des ateliers et des programmes d’échange d’étudiants » a-t-il dit.

Certains étudiants sont privés de pouvoir voyager dans d’autres pays, tandis que d’autres craignent d’être piégés à l’étranger si Israël ferme la frontière avec la Jordanie.

« Beaucoup d’étudiants ont besoin de formation pratique à différents niveaux de leurs études ; c’est le cas des étudiants en formation d’ingénieurs et de médecine. Cette formation peut être localisée dans différentes villes où il est difficile de se rendre des temps-ci » a dit Daraghmi.

Le personnel enseignant et administratif ne peut pas se rendre sur les campus la plupart du temps et s’ils y arrivent, ils peuvent ne pas arriver à temps à cause des fermetures » a-t-il dit. 

L’Université Dar al-Kalima de Bethléem a déclaré  que la communauté universitaire subissait « un siège écrasant »

“Alors que les bombardements sont intenses à Gaza, nous en Cisjordanie, y compris les habitants de Jérusalem, souffrons d’un siège écrasant qui accroît l’isolement de nos sociétés arabes les unes des autres et les répartit en places militaires fermées par des barrières de ciment, des portes de fer et des checkpoints militaires, qui empêche les étudiants de se rendre dans leurs universités et écoles et les expose aussi – comme tous les Palestiniens – au danger qui résulte des actes violents, criminels commis contre eux par des colons armés et des soldats d’occupation, dans des proportions qui ont augmenté depuis le 7 octobre à hauteur de pas moins de huit incidents par jour, selon le bureau de coordination des affaires humanitaires » dit la déclaration.



Des universités menacées

Le conflit actuel a exacerbé des défis existant de longue date pour les universités de Cisjordanie, notamment en ce qui concerne leur pérennité financière.

Arab News a rapporté en mars 2023 qu’environ 10 000 étudiants palestiniens vivant en Israël et étudiant dans des universités palestiniennes de Cisjordanie étaient confrontés à des défis dus à l’escalade d’incursions de l’armée israélienne dans les villes palestiniennes, aux arrestations et aux assassinats.

Le journal rapporte qu’au moins 250 d’entre eux ont quitté des universités de Cisjordanie et sont retournés dans leurs lieux d’habitation en Israël.

Khalil a dit que les universités de Cisjordanie étaient affectées financièrement par la perte des frais d’inscription de ces étudiants.

Il a dit que les restrictions mises par Israël sur les échanges universitaires entre établissements palestiniens d’enseignement supérieur et d’autres établissements régionaux et internationaux d’enseignement, avaient aussi présenté des difficultés pour l’accueil d’universitaires étrangers.

“Certaines universités ont été obligées de mettre fin aux contrats les liant à certains chargés de cours de nationalités étrangères à cause du refus des autorités de l’occupation de renouveler leurs permis de résidence » a dit Khalil à University World News.

Il a dit que l’activité économique et le déplacement des travailleurs de part et d’autre de la ligne verte (qui sépare Israël de la Cisjordanie) s’étaient aussi taris au cours du récent conflit, ce qui a affecté la capacité des familles à payer les droits universitaires.

Perturbations des services internet

Khalil a dit que passer à l’enseignement en ligne avait aidé à atténuer quelques-unes des répercussions négatives de l’occupation, même avant le dernier conflit, mais que la stratégie israélienne consistant à fermer les services internet dans les territoires occupés au cours du dernier conflit avait entraîné des perturbations dans les activités universitaires.

Un rapport de Access Now, intitulé ““La Palestine débranchée: comment Israël perturbe internet à Gaza” et publié le 10 novembre, expose comment Israël contrôle internet et l’accès aux télécommunications pour les Palestiniens, pratiquant des coupures d’internet comme « armes de guerre pour supprimer les voix palestiniennes de même que la couverture des crimes de guerre et des atrocités sur le terrain ».

Le rapport a dit qu’à la date du 31 octobre, 15 des 19 fournisseurs d’accès ont été confrontés à une coupure totale de leurs services de téléphones portables et du haut débit, ce qui a directement affecté une population estimée à 411 000 personnes desservies par ces fournisseurs à Gaza et à 34 000 personnes en Cisjordanie, les quatre autres subissant chacun des niveaux significatifs mais variables de perturbation.

« Ces éléments ont un impact partiel pour les étudiants et les enseignants, ceux-ci étant affectés par l’interruption de… réunions en ligne ou par l’impossibilité de se présenter à des examens et à des tests » a dit Khalil.

Dans une telle situation, nous traitons les cas d’urgence en enregistrant les réunions et en les téléchargeant sur un portail électronique a dit Khalil.

Des appels à l’aide

Daraghmi a fait appel à des organisations d’enseignement au niveau mondial pour renforcer leur coopération avec les universités palestiniennes via la recherche et d’autres projets, afin d’assurer le maintien des universités palestiniennes et de les protéger de l’impact de la guerre.

Parmi ces organisations, se trouvent l’UNESCO, l’Organisation Internationale des Étudiants, des universités du Réseau Mondial et le Réseau International des Universités Indépendantes, entre autres.

« Les organisations d’enseignement dans le monde devraient aussi travailler dur à aider les universités palestiniennes à maintenir leur infrastructure institutionnelle. De nos jours, les universités de Gaza sont attaquées . Nous craignons que les universités de Cisjordanie soient confrontées à cette situation dans un futur proche » a dit Daraghmi.

« Le monde doit forcer Israël à ne pas couper l’électricité ou internet parce que cela perturbe l’enseignement, la recherche et le travail administratif des universités » a-t-il ajouté.

Se référant au fait que viser les institutions d’enseignement si elles ne sont pas mises au service d’objectifs militaires est une violation du droit international humanitaire, Khalil a dit qu’il était important de faire plus d’efforts pour poursuivre ceux qui perpétuent des crimes humanitaires et de renforcer les campagnes de boycott des institutions qui soutiennent l’occupation et la politique de colonisation.

« Il est nécessaire de constituer un fonds international pour la reconstruction des institutions qui ont été endommagées, d’optimiser la mise en réseau et la coopération avec les institutions palestiniennes et d’exercer une pression sur l’occupation pour la levée des restrictions imposées aux institutions d’enseignement supérieur et au mouvement d’échange avec tous les partenaires internationaux » a dit Khalil.