‘Une minute pour dire au revoir’ à un père, un fils, un mari : Hussein Abu Jamei

Hussein n’avait que 32 ans quand il a été tué par un raid aérien israélien en octobre à Khan Younis. Son corps a été retrouvé par son propre frère.

Khan Younis, Bande de Gaza – Il était 1 H. du matin quand le groupe des premiers intervenants de Khan Younis ont reçu l’appel – il y avait eu un raid aérien israélien tout près.

Avec ses collègues, Sayyed Mohammed Abu Jamei s’est précipité sur place et a commencé à creuser dans les décombres pour trouver des survivants éventuels. Alors qu’il grattait frénétiquement dans les débris, Sayyed s’est retrouvé à regarder le corps de son propre frère, Hussein.

Aux premières heures du 24 octobre, choqué et accablé de chagrin, il écoutait un gémissement qui s’amplifiait près de lui – avant de réaliser que cela sortait de lui.

La mère de Hussein, sa femme Hadil Abu Abed et leurs enfants se sont tous précipités à l’hôpital. Ils ne sont arrivés que quelques instants avant qu’on l’enterre, ne pouvant avoir qu’un bref dernier adieu précipité dans une morgue dangereusement surpeuplée.

« Ils n’avaient qu’une minute pour dire au revoir », a dit Sayyed, 46 ans. « Les enfants ont pu l’embrasser. Mais sa femme et ma mère n’ont pu que le regarder pour la dernière fois. »

« Ma mère souhaitait pouvoir l’embrasser, mais ne l’a pas pu à cause de la foule. »

Parlant à Al Jazeera dans le hall d’attente de l’hôpital, les yeux de Sayyed erraient alors qu’il essayait de résumer qui était son frère : « Il était honnête, il était pondéré, il était poli », répétait-il, encore et encore.

Hussein n’avait que 32 ans quand il est mort – tué par un missile israélien qui a frappé un quartier résidentiel au sud de Khan Younis où il s’était réfugié avec des amis et des membres de sa nombreuse famille.

Il rêvait de rembourser certains emprunts qu’il avait faits pour construire un petit appartement au dessus de la maison de ses parents et pour acheter une voiture. Enfin, il voulait épargner suffisamment pour acheter un bout de terrain pour y construire une plus grande maison pour sa femme, ses trois enfants et le bébé à venir.

Il avait souvent dit à son frère combien il voulait que ses enfants aient un endroit où ils pourraient se faire de beaux souvenirs. Pour réaliser son rêve, Hussein travaillait de longues heures en tant que chauffeur, faisant de petits boulots du crépuscule à l’aube dans la Bande de Gaza assiégée.

« Mon frère était l’une de ces personnes que vous auriez aimée dès la première rencontre », a dit Sayyed. « Il dégageait une simplicité et un calme qui attiraient les gens vers lui. »

Vingt jours avant sa mort, Hussein avait emmené sa femme enceinte et leurs trois enfants, Abdallah 10 ans, Ahmed 7 ans, et Hoda 3 ans, pour qu’ils s’installent dans la maison de ses beaux-parents à Bani Souhaila, plus au sud de la Bande.

Il avait aussi quitté l’appartement familial à l’est de Khan Younis et déménagé au sud de la ville.

Une famille déchirée

Lorsqu’ils sont tombés amoureux, Hadil et Hussein avaient déjà été voisins depuis un certain temps.

Ils ont eu un mariage entièrement dans la tradition palestinienne, avec un zaffeh (cortège nuptial), et ils ont célébré tous les ans leur anniversaire de mariage.

« Hadil était tout pour lui », a dit Sayyed. « Il la chérissait et la respectait, et il essayait de lui procurer tout ce dont elle avait besoin. »

« A la naissance de chacun de ses enfants, Hussein était fou de joie et il a distribué des friandises au voisinage pour partager sa joie », a jouté Sayyed.

« Hussein avait un lien spécial avec ses gosses. Il avait une âme d’enfant et adorait ses enfants malgré les difficultés de sa vie. »

« Il s’assurait de trouver le temps dans ses journées surchargées pour jouer avec eux et faire des choses qu’ils aimaient faire. Il avait même l’habitude de jouer avec eux dans la rue. »

Ses enfants manquaient terriblement à Hussein pendant la période où ils ont été séparés, a dit Sayyed. Il essayait de les voir aussi souvent que possible – la dernière fois, c’était la veille de sa mort. Malgré le danger, il allait aussi s’assurer tous les deux ou trois jours que ses parents allaient bien, dans le district d’al-Zana à l’est de Khan Younis, à 5 km (3,1 miles) de là.

« Hussein entretenait une relation très chaleureuse et aimante avec mes parents et notre fratrie. Il était très attaché à ses gosses et à sa femme. Dieu leur vienne en aide. Il voulait s’assurer de pouvoir aider ses enfants dans leur travail à la maison, il voulait qu’ils excellent. Il les appelait ‘Dr. Abdallah’, ‘Dr. Hoda’, a dit Sayyed, la voix tremblante.

Alors qu’on lui demandait comment s’en sortait la femme de Hussein, il répondit de façon désespérée « Nous avons 10.000 martyrs à Gaza. Elle a réagi comme tous ceux qui ont perdu des êtres chers. »

Sombre et épuisé, Sayyed réfléchissait à ce que son frère aurait voulu s’il avait vécu.

« Ce n’était pas un homme avec de grandes ambitions. Il voulait ce que la moyenne des hommes jeunes de son âge voulaient : être satisfait, avoir une vie digne, et vivre en paix. »

Cet article a été produit avec Eqab.