Des organisations palestiniennes réclament une enquête sur le manquement inexcusable du Bureau de l’ONU de Prévention du Génocide à aborder le génocide israélien en cours à Gaza

Des organisations palestiniennes de défense des droits de l’Homme, dont le Centre Bisan pour la Recherche et le Développement, ont rédigé une lettre adressée au Secrétaire Général des Nations Unies (ONU), M. Antonio Guterres, pour exprimer leur profonde déception et demander une enquête sur le manquement de la Conseillère Spéciale sur la Prévention du Génocide, Mme. Alice Wairimu Nderitu, à remplir son mandat en s’occupant des atrocités perpétrées actuellement par Israël contre les Palestiniens de Gaza. Ce manquement comprend le fait de ne pas éveiller l’attention sur les quatre mois de génocide israélien en cours contre les Palestiniens de Gaza ou, à tout le moins, alerter sur le risque de génocide ; ne pas reconnaître le verdict de la Cour Internationale de Justice (CIJ) qu’Israël est plausiblement en train de commettre un génocide contre les Palestiniens à Gaza, ainsi que les mesures conservatoires adressées à Israël ; et refuser de s’engager de manière significative, de rencontrer ou de répondre aux requêtes des organisations palestiniennes des droits de l’Homme.

Un tel manquement soulève de graves inquiétudes sur l’impartialité de Mme. Nderitu dans l’accomplissement de son rôle en tant que Conseillère Spéciale, ainsi que sur sa capacité à résister à des pressions politiques extérieures, des préjugés, ou de possibles sentiments anti-palestiniens. Le principe de prévention du génocide doit être universellement appliqué, sans aucune tolérance ni exception pour quiconque, y compris Israël.

L’absence de toute action ou reconnaissance de la part de la Conseillère Spéciale et du Bureau de l’ONU pour la Prévention du Génocide à propos du génocide en cours à Gaza est profondément troublante. Cette situation contraste fortement avec les mises en garde émises par d’autres mécanismes et agences de l’ONU. Des appels et alarmes urgentes sur la prévention du génocide ont été formulées, dès le 19 octobre 2023, par des dizaines d’experts indépendants de l’ONU, soulignant le risque imminent de génocide auquel faisaient face les Palestiniens de Gaza. Le Comité sur l’Élimination de la Discrimination Raciale (CERD) a lui aussi exprimé de graves inquiétudes à propos d’actions génocidaires et d’une incitation par des responsables israéliens à cibler les Palestiniens.

Au cours des quatre derniers mois, la Conseillère Spéciale sur la Prévention du Génocide a émis de nombreuses déclarations de mise en garde au sujet de différentes situations. Cependant, sont notoirement absentes des déclarations au sujet des atrocités en cours auxquelles font face à Gaza 2.3 millions de Palestiniens, dont la moitié sont des enfants. Pendant les 51 jours d’agression militaire israélienne contre Gaza en 2014, les Conseillers Spéciaux d’alors sur la Prévention du Génocide, M. Adama Dieng, et sur la Responsabilité de Protéger, Mme. Jennifer Welsh, ont émis une mise en garde publique 18 jours après le début de l’agression qui s’est conclue avec l’assassinat par Israël de 2.219 Palestiniens, dont 566 enfants et 299 femmes. Au cours du génocide actuel, en une seule semaine entre le 7 et le 14 octobre 2023, Israël a tué un nombre comparable de Palestiniens : 2.215, dont 724 enfants et 458 femmes.

Le 26 janvier 2024, la CIJ a trouvé plausible qu’Israël commette un génocide contre les Palestiniens de Gaza et d’autres actes prohibés selon la Convention sur le Génocide, reconnaissant le risque réel et imminent de torts irréparables envers eux. Il faut remarquer que, 12 jours plus tard, même la décision de la Cour n’a suscité aucune réaction de la part de la Conseillère Spéciale ou du Bureau sur la Prévention du Génocide. En revanche, 36 experts indépendants de l’ONU et le Haut Commissaire aux Droits de l’Homme ont appelé Israël à mettre en place la totalité de l’ordre de la CIJ.

Il faut remarquer que, lorsque la CIJ a émis des ordres conservatoires dans le cas de l’Ukraine contre la Fédération de Russie au sujet d’allégations de génocide, la Conseillère Spéciale a promptement émis une déclaration reconnaissant l’ordre de la CIJ en l’espace de deux jours. Ce contraste frappant souligne l’apparent deux poids deux mesures et l’incohérence dans la façon dont la Conseillère Spéciale traite différentes situations génocidaires.

Nos efforts répétés au cours de ces quatre derniers mois pour établir un contact et planifier une rencontre avec la Conseillère Spéciale ou le Bureau de Prévention du Génocide sont restés vains. Le 2 décembre 2023, les organisations palestiniennes ont rédigé une lettre à la Conseillère Spéciale, exprimant leurs préoccupations et demandant des explications sur divers sujets, lettre à laquelle elles n’ont reçu aucune réponse. Depuis lors, nous nous sommes efforcés d’organiser une réunion en personne avec le Bureau sur La Prévention du Génocide ; mais elle a été malheureusement annulée au dernier moment. Et depuis, toutes nos correspondances écrites sont restées sans réponse.

La gravité de la situation sur le terrain à Gaza et l’urgence qu’elle exige intensifient nos inquiétudes sur le fait que la Conseillère Spéciale manque aux devoirs et aux responsabilités qu’exige son mandat. Le manquement à traiter le génocide israélien en cours à Gaza a eu des conséquences dévastatrices pour le peuple palestinien. Au cours des quatre derniers mois, au moins 100.000 Palestiniens ont été tués, blessés, ou sont manquants, ce qui constitue 4 % de la population totale de Gaza. La situation humanitaire à Gaza continue de se détériorer rapidement, des millions de Palestiniens affrontant les déplacements, la famine et l’effondrement des services essentiels.

A la vue des ces développements alarmants, la lettre jointe appelait en urgence le Secrétaire Général de l’ONU à mener une enquête approfondie sur le manquement de la Conseillère Spéciale et du Bureau sur la Prévention du Génocide à remplir leurs mandats. Les résultats de cette enquête doivent être révélés publiquement et une action rapide entreprise pour s’assurer que le Bureau sur la Prévention du Génocide soit doté de professionnels compétents capables d’exécuter leurs mandats de façon impartiale et efficace.

L’ONU a historiquement porté une responsabilité spécifique envers le peuple palestinien, responsabilité qui n’a jamais été à la hauteur, alors que notre peuple continue de se voir nier son droit inaliénable à l’autodétermination, y compris son droit au retour.

L’ONU ne peut se permettre de rester silencieuse face à un génocide. La communauté internationale doit agir résolument pour empêcher d’autres atrocités et assurer la responsabilité des auteurs des crimes en cours contre les Palestiniens de Gaza.