‘Ce n’est pas une guerre normale’ : Les médecins disent que les enfants ont été ciblés par des snipers israéliens à Gaza

Les FDI disent qu’ils ‘rejettent totalement’ l’accusation comme quoi leurs soldats tirent délibérément sur le moindre des milliers de civils tués dans l’offensive israélienne.

La docteure Fozia Alvi faisait sa tournée dans l’unité de soins intensifs lors de sa dernière journée dans l’hôpital public européen en difficulté du sud de Gaza lorsqu’elle s’est arrêtée près de deux jeunes arrivés avec des blessures au visage et des tubes respiratoires dans la trachée.

« J’ai demandé à l’infirmière, que s’est-il passé ? Elle a dit qu’ils avaient été amenés environ deux heures plus tôt. Ils avaient été Atteints au cerveau par des snipers. Ils avaient sept ou huit ans. »

Le cœur de la docteure canadienne s’est serré. Ils n’étaient pas les premiers enfants traités par Alvi dont on lui avait dit qu’ils avaient été ciblés par des soldats israéliens, et elle savait quels dommages une seule balle de gros calibre pouvait provoquer sur un corps jeune et fragile.

« Ils ne pouvaient pas parler, paraplégiques. Ils gisaient littéralement comme des légumes sur ces lits. Ils n’étaient pas les seuls. J’ai même vu de petits enfants avec des frappes de snipers à la tête ainsi qu’à la poitrine. Ils n’étaient pas des combattants, c’était de petits enfants », a dit Alvi.

D’après le ministère palestinien de la Santé, les enfants représentent plus d’un tiers des 32.000 personnes tuées dans l’agression israélienne de plusieurs mois sur Gaza. Des dizaines de milliers d’autres jeunes ont subi de graves blessures, y compris des amputations.

Neuf médecins ont fourni au Guardian des récits de leur travail cette année dans les hôpitaux de Gaza, tous sauf l’un d’entre eux volontaires étrangers. Leur évaluation commune était que la plupart des enfants morts et blessés qu’ils ont traités avaient été frappés par un éclat d’obus ou brûlés pendant les bombardements israéliens intensifs de quartiers résidentiels, exterminant dans certains cas des familles entières. D’autres avaient été tués ou blessés par l’effondrement de bâtiments, beaucoup d’entre eux toujours enfouis sous les décombres.

Mais les médecins ont également fait état de soins apportés à un flux constant d’enfants, de personnes âgées et autres, qui ne faisaient clairement pas partie des combattants, blessés par une seule balle à la tête ou à la poitrine.

Certains médecins ont dit que le genre et la localisation des blessures, ainsi que les récits des Palestiniens qui apportaient les enfants à l’hôpital, les ont amenés à penser que les victimes étaient directement visées par les troupes israéliennes.

D’autres médecins ont dit qu’ils ne connaissaient pas les circonstances des tirs, mais qu‘ils étaient profondément troublés par le nombre d’enfants gravement blessés par un seul tir, parfois par des balles de fort calibre qui provoquent des dégâts considérables sur de jeunes corps.

A la mi-février, un groupe d’experts de l’ONU a accusé l’armée israélienne de cibler les civils palestiniens, de manière évidente non combattants, dont des enfants, alors qu’ils cherchaient un abri.

« Nous sommes choqués par les rapports sur des ciblages délibérés et des assassinats extrajudiciaires de femmes et d’enfants palestiniens dans des lieux où ils ont cherché refuge, ou alors qu’ils sont en train de fuir. On rapporte que certains d’entre eux tenaient un tissu blanc quand ils ont été tués par l’armée israélienne ou ses forces associées », a dit le groupe.

Le Guardian a partagé des descriptions et des images de blessures par balles sur huit enfants avec des experts militaires et des médecins légistes. Ils ont dit qu’il était difficile de déterminer de façon concluante les circonstances des tirs en se fondant seulement sur les descriptions et les photos, même si dans certains cas, ils pouvaient identifier la munition utilisée par l’armée israélienne.

Les récits de témoins visuels et des enregistrements vidéo de blessures par balles viennent étayer les assertions disant que les soldats israéliens ont tiré sur des civils, dont des enfants, hors des combats avec le Hamas ou autres groupes armés. Dans certains cas, des témoins décrivent leur arrivée sous les tirs alors qu’ils agitaient des drapeaux blancs. Haaretz a rapporté samedi qu’Israël tire régulièrement sur des civils dans des zones zones déclarées par son armée « zone de combat ».

Les Forces de Défense Israéliennes (FDI) déploient des snipers – ou tireurs de précision, comme l’armée les appelle – souvent membres d’unités d’élite, pendant les opérations de combat. Ils sont entraînés à « cibler et éliminer des menaces terroristes particulièrement difficiles », selon la propre définition de l’armée.

Des associations israéliennes et étrangères des droits de l’homme ont documenté une longue histoire de snipers tirant sur des Palestiniens non armés, dont des enfants, à Gaza et en Cisjordanie.

Les Palestiniens de Gaza font eux aussi état d’un nouveau développement terrifiant dans la dernière guerre à Gaza – des drones armés capables de survoler les rues et de sélectionner des individus. Appelés quadricoptères, certains de ces drones sont utilisés en tant que snipers télécommandés dont les Palestiniens disent qu’ils ont été utilisés pour abattre des civils.

Les FDI ont dit qu’elles « rejettent absolument » les allégations disant que ses snipers tiraient délibérément sur des civils. Elles ont dit qu’elles ne pouvaient s’occuper des fusillades individuelles « sans les coordonnées des incidents ».

« Les FDI ne visent que des terroristes et des cibles militaires. En contraste absolu avec les attaques délibérées du Hamas sur les civils israéliens, dont des hommes, des femmes et des enfants, les FDI appliquent le droit international et prennent toute précaution possible pour atténuer les dommages sur les civils », ont-elles dit.

Les médecins disent autre chose.

Dr. Vanita Gupta, docteure en soins intensifs à l’hôpital de la Ville de New York, s’est portée volontaire en janvier à l’hôpital Européen de Gaza. Un matin, trois enfants gravement blessés sont arrivés les uns après les autres. Leurs familles ont dit à Gupta que les enfants étaient ensemble dans la rue quand ils se sont retrouvés sous les tirs, et qu’il n’y avait eu aucun autre tir dans la zone. Elle a dit qu’aucun adulte n’a été amené à l’hôpital au même moment et du même endroit.

« Une enfant, j’ai pu voir qu’elle avait été frappée par balle à la tête. Ils ont pratiqué les soins d’urgence sur cette petite fille de cinq ou six ans, qui évidemment est morte », a dit Gupta.

« Il y avait une autre petite fille à peu près du même âge. J’ai vu sur sa tête la blessure d’entrée d’une balle. Son père était là, en pleurs et me demandant : ‘Pouvez-vous la sauver ? Elle est mon seul enfant. »

Gupta a dit qu’un troisième jeune enfant était également blessé par balle à la tête et avait été transféré pour faire un scanner.

Le neurochirurgien l’a examiné et a dit : ‘Il n’y a aucun espoir.’ Vous pouviez voir que la balle avait traversé la tête. Je ne sais pas quel âge il avait, mais il était jeune », a-t-elle dit.

Les membres de la famille ont dit à Gupta que l’armée israélienne s’était retirée de la zone qui se trouvait à environ quatre kilomètres de l’hôpital.

« Ils ont dit que les gens ont commencé à rentrer chez eux puisque l’armée était partie. Mais les snipers étaient restés. Les familles ont dit qu’ils avaient ouvert le feu sur les enfants », a-t-elle dit.

Les médecins qui ont travaillé à l’hôpital Nasser au sud de Gaza ont dit que ce qui semblait être des tirs israéliens ciblés ont tué plus de deux douzaines de personnes, dont des enfants, alors qu’ils entraient ou sortaient de l’hôpital lors des premières semaines de cette guerre.

Parmi les victimes, il y avait Ruwa Qdeih âgée de 14 ans. Les médecins ont dit qu’elle avait été abattue par balle à l’extérieur de l’hôpital de Khan Younis alors qu’elle allait chercher de l’eau. Ils ont dit qu’il n’y avait pas de combat dans cette zone à ce moment là et qu’elle a été tuée par un seul tir et que les hommes qui sont venus récupérer son corps se sont eux aussi fait tirer dessus.

A Gaza ville, le petit Emad Abu al-Qura de trois ans a été abattu par balle devant chez lui alors qu’il allait acheter des fruits avec son cousin, Hadeel, étudiant en médecine de 20 ans, qui a également été tué. La famille a dit qu’ils ont été visés par un sniper israélien.

Une vidéo des deux gisant ensemble dans la rue montre Emad encore en vie après la frappe de la première balle et qui essaie de relever la tête. D’autres tirs frappent le sol à côté, dont un qui frappe une planche à côté d’Emad. La mère du garçon a dit qu’il a alors été à nouveau atteint et cette fois il est mort.

Le père d’Hadeel, Haroon, a vu les tirs.

« Le ciblage de civils est absolument clair. Il s’agit d’un ciblage direct destiné à tuer des civils sans raison, sans qu’il y ait aucun événement, sans qu’il y ait aucune résistance. Ils ont tué délibérément Hadeel et Emad », a-t-il dit à Al Jazeera.

Parmi d’autres jeunes victimes, il y a Nahedh Barbakh, 14 ans, qui a été atteint par un tir de sniper à côté de son frère de 20 ans, Ramez, alors qu’ils obéissaient en janvier dernier aux ordres de l’armée israélienne d’évacuer une zone à l’ouest de Khan Younis, d’après l’Observatoire Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme.

D’après un témoin interviewé par l’Observatoire Euro-Med, Nahedh portait un drapeau blanc pour ouvrir la route à sa famille mais, après seulement quelques pas hors de chez lui, il la été frappé par balle à la jambe. Alors que l’adolescent essayait de retourner chez lui, il a été frappé par balles dans le dos et à la tête, a dit le témoin.

Une balle a transpercé le cœur de Ramez quand il a essayé de secourir son frère.

La famille a décidé qu’il était trop dangereux de récupérer les corps et a finalement fui la zone, laissant les frères gisant dans la rue. Une dernière photographie montre Ramez étalé en travers du corps de Nahedh, le drapeau blanc emmêlé entre eux.

Des témoins ont dit que les tirs venaient du toit d’un bâtiment voisin occupé par des soldats israéliens.

Une nouvelle menace

En décembre, la Société du Croissant Rouge de Palestine a dit qu’Amir Odeh, 13 ans, a été tué par un drone israélien à son quartier général dans l’hôpital Al-Amal de Khan Younis. La famille a dit à l’Observatoire Euro-Med que la balle l’a atteint à travers une fenêtre alors qu’il jouait avec ses cousins au huitième étage d’un immeuble où ils avaient cherché refuge contre les combats. Cet assassinat a été spécialement remarqué parce que ce simple tir à la poitrine venait d’un type de drone qu’on n’avait pas vu auparavant dans les combats à Gaza – un quadcoptère, équipé d’un fusil, d’une caméra et d’un haut-parleur. A la différence de certains autres drones, les quadcoptères sont capables de survoler leurs cibles.

Dr. Thaer Ahmad, médecin de Chicago qui s’est porté volontaire dans la salle d’urgence de l’hôpital Nasser, a dit que les quadcoptères arrivaient parfois en essaims, donnant l’ordre aux Palestiniens de libérer la zone.

« Nous avons entendu un nombre incroyable d’histoires de gens qui se remettaient de blessures causées par les balles tirées de puis le ciel par ces quadcoptères », a-t-il dit.

Ahmad a dit qu’une fois, un drone avait atteint par balle la tête de l’un des médecins de l’hôpital, qui avait cependant survécu.

Le Dr. Ahmed Moghrabi a décrit sur Instagram « des centaines » de quadcoptères descendant sur l’hôpital Nasser dans la troisième semaine de février et ordonnant aux gens d’évacuer le complexe avant de tuer quantité d’entre eux. A une autre occasion, il a filmé des quadcoptères qui donnaient des instructions aux Palestiniens pour qu’ils quittent la zone.

Même si l’armée israélienne a déployé auparavant des quadcoptères pour collecter des renseignements, il semble que ce soit la première fois que des versions du drone capables de tirer des balles aient été utilisées contre les Palestiniens.

Le Professeur Ghassan Abu-Sittah, chirurgien britanico-palestinien et récemment élu recteur de l’Université de Glasgow, a dit à Mondoweiss, site d’informations de gauche sur Israël-Palestine, que travaillant à l’hôpital Al-Ahli dans la ville de Gaza « nous voyions arriver quantité de personnes frappées par balles par ces quadcoptères, ces drones équipés de fusils de précision ».

Abu-Sittah, qui a opéré des Palestiniens blessés par des tireurs de précision israéliens au cours de visites antérieures à Gaza, a décrit les quadcoptères comme pratiquant des tirs « uniques à haute vélocité ».

« Nous avons traité plus de 20 blessures par balles à la poitrine et au cou, balles tirées par des drones quadcoptères israéliens. Il s’agit d’un drone sniper volant à basse altitude », a-t-il écrit sur X.

Parmi les assassinats par quadcoptères rapportés par l’Observatoire Euro-Méditerranéen, il y a deux enfants tués par balles le 21 janvier quand des drones ont ouvert le feu sur l’université al-Aqsa près de Khan Younis, où des milliers de Palestiniens déplacés s’abritaient. Le mois suivant, un drone a abattu Elyas Abu Jama, garçon de 17 ans dont la famille a dit qu’il avait des incapacités mentales et physiques, devant sa tente dans un camp pour personnes déplacées à Rafah. L’Observatoire Euro-Méditerranéen a dit que, le même jour, un quadcoptère a tué Mahmoud al-Assar âgé de 16 ans et sa sœur Asmaa âgée de 21 ans.

Thaer Ahmad a passé trois semaines en janvier à l’hôpital Nasser en tant que volontaire avec l’organisation médicale caritative MedGlobal. Il travaille normalement dans un centre de traumatologie du sud de Chicago, où il s’occupe régulièrement de blessures par balles.

« J’ai réalisé plus d’interventions de traumatologie sur des patients pédiatriques pendant les trois semaines que j’ai passées à Nasser que je n’en ai fait pendant les 10 ans où j’ai travaillé aux Etat-Unis », a-t-il dit.

Le médecin a dit qu’il avait soigné cinq enfants dont il pensait qu’ils avaient été visés par des snipers parce que l’impact des balles suggérait qu’ils n’avaient pas été frappés au hasard, mais ciblés.

« Ils avaient principalement été atteints au thorax, la région de la poitrine, quelques uns à l’abdomen. Un garçon avait été atteint au visage. Résultat, il avait la mâchoire brisée. Il y avait deux enfants qui avaient été atteints à la poitrine, jeunes, moins de 10 ans, qui n’ont pas survécu. Deux autres, dont l’un atteint à l’abdomen, ont survécu. Ils étaient encore en convalescence quand je suis parti », a-t-il dit.

Ahmad a remarqué que les enfants étaient souvent frappé par « une seule balle de grand calibre » qui pouvait provoquer des blessures dévastatrices.

En janvier, le Dr. Irfan Galaria, chirurgien de Virginie, a dormi, en tant que volontaire entre les périodes de travail, sur le sol de la salle d’opération de l’hôpital Européen. Lui aussi a vu des enfants grièvement blessés par des balles de haut calibre.

Galaria a dit qu’un enfant de 14 ans est arrivé à l’hôpital atteint d’une balle dans le dos. Quand les chirurgiens l’ont opéré, ils ont trouvé une balle dans l’estomac du garçon.

« Il a eu beaucoup de chance parce qu’elle a manqué un tas d’organes vitaux et elle était simplement restée dans son abdomen », a-t-il dit.

Le chirurgien a pris une photo de la balle, que d’anciens soldats des FDI qui ont parlé avec le Guardian ont identifiée comme une puissante balle de calibre .50 typiquement tirée depuis une mitrailleuse installée sur un véhicule blindé, bien qu’elle ait été également utilisée sur des fusils de snipers. Ils ont dit que les fusils installés sur des véhicules sont souvent des systèmes avancés de repérage qui leur permettent de cibler les tirs, mais qu’un grand nombre de balles .50 pouvaient être tirées sans ciblage précis, rendant difficile la décision de savoir si l’enfant a été ciblé.

Parmi d’autres balles récupérées sur d’autres jeunes Palestiniens, il y a des balles de 5.56 mm, qui font partie de l’équipement standard de tous les fusils de l’infanterie des FDI, mais sont également utilisés par les tireurs d’élite attachés à toutes les unités d’infanterie.

Gupta a fourni au Guardian les scanners d’enfants blessés à la tête, parmi lesquels celui d’une petite fille de huit ans qu’un médecin a décrit comme montrant une « blessure à droite de la tête avec une balle dans le cerveau (lobe temporal médian droit) ».

Bien que les médecins aient été choqués devant le nombre d’enfants victimes, ils ont dit qu’ils pensaient que les tirs faisaient partie d’un schéma plus large de ciblage des civils palestiniens, y compris les personnes âgées.

« La très grande majorité des gens que nous avons vus n’étaient pas des combattants », a dit Ahmad. « Il y a eu une vieille femme qui était à l’arrière d’une charrette tirée par un âne quand elle a été frappée par une balle. La balle s’est logée dans sa colonne vertébrale et elle était paralysée à partir de la taille et son poumon s’est également effondré. Elle avait quelque chose comme 60 ou 70 ans. »

Les blessures par sniper étaient courantes’

Le Dr. Osaid Alser a participé à l’organisation d’un groupe de médecins hors de Gaza pour guider à distance le seul chirurgien général palestinien restant à l’hôpital Nasser, qui n’avait qu’une expérience limitée.

« Les blessures par sniper étaient courantes, et les tirs de quadcoptères aussi », a dit Alser, qui a grandi à Gaza ville et vit maintenant au Texas.

Les médecins ont dit aussi que les tirs apparents de snipers entrent également en compte dans de nombreuses amputations et des handicaps de longue durée, de façon encore plus grave chez les enfants parce qu’une balle provoque souvent plus de dégâts sur de petits corps.

Alser a soutenu qu’il était souvent possible de distinguer les tirs de snipers.

« Quand il s’agit d’un sniper, c’est souvent une plus grosse balle, qui fait beaucoup plus de dégâts et provoque une onde de choc plus énergique si on la compare à un plus petit fusil ou à un pistolet. S’il s’agit d’un sniper, cela peut conduire à l’amputation d’un membre parce que cela provoquera des dégâts dans le système vasculaire – les nerfs, l’os, les tissus mous, tout », a-t-il dit.

« Un autre schéma, c’est une atteinte de la moelle épinière quand les gens sont atteints au milieu du ventre ou au milieu du dos. Une blessure à la moelle épinière n’est pas nécessairement fatale, sauf si c’est au cou, mais elle peut être invalidante. »

Alser a dit que l’un de ses parents âgés, pionnier de la médecine dentaire, faisait partie des victimes apparentes d’un sniper.

Le docteur Mohammed Al Madhoun a disparu après être allé cherché en décembre un traitement médical pour une maladie chronique dans un hôpital caritatif à l’ouest de la ville de Gaza. Le corps de cet homme de 73 ans a été retrouvé une semaine plus tard près de l’hôpital à côté de celui de son petit-neveu. Ils avaient été abattus tous les deux.

« Le type des blessures, et l’ampleur des dégâts causés par la balle, était significatif, et ceci est principalement causé par un sniper », a dit Alser, qui a étudié les scanners de la blessure. « Il était visiblement âgé. Vous ne vous attendriez pas à ce que quelqu’un de 73 ans soit une cible, pas vrai ? »

Le médecin a dit que que les cas qu’il a étudiés à distance comprenaient d’autres personnes âgées, dont une femme dans la septantaine.

« Elle a été frappée par un sniper et elle avait une hémorragie crânienne massive. On ne peut y survivre. Elle est morte un ou deux jours plus tard », a-t-il dit.

En octobre, le premier ministre d’Israël,Benjamin Netanyahou, a décrit les FDI comme « l’armée la plus morale du monde ». L’armée israélienne prétend être guidée par une doctrine de « pureté des armes » qui empêche les soldats de blesser des « civils non impliqués ».

Mais les associations israéliennes et internationales de défense des droits de l’homme disent depuis longtemps que l’incapacité de l’armée à faire respecter ses propres normes – et sa volonté de dissimuler ses violations – a contribué à un climat d’impunité pour les soldats qui ciblent des civils.

Les associations disent qu’il est extrêmement difficile à ce stade de quantifier l’ampleur de ces tirs à Gaza, ne serait-ce que parce que leur propre personnel est souvent déplacé et attaqué. Mais Miranda Cleland de Défense des Enfants International Palestine a dit qu’au cours des années, il y avait eu une « claire tendance des forces israéliennes à cibler les enfants palestiniens avec une force mortelle dans des situations où les enfants ne représentaient aucune menace pour les soldats ».

« En Cisjordanie occupée, les soldats israéliens tirent couramment dans la tête, la poitrine, le ventre des enfants, toutes zones d’où les enfants vont rapidement se vider de leur sang s’ils ne meurent pas instantanément. Nombreux parmi ces enfants sont atteints par balle à grande distance par les forces israéliennes, parfois à plus de 150 mètres, distance depuis laquelle seul un militaire tireur d’élite entraîné peut atteindre son but », a-t-elle dit.

Une association israélienne, Briser le Silence, a récolté des témoignages de soldats des FDI lors de conflits antérieurs, qui disaient qu’ils tiraient sur les civils palestiniens simplement parce qu’ils se trouvaient là où ils n’étaient pas censés se trouver, même s’il était évident qu’il ne s’agissait pas des combattants.

Des tireurs d’élite des FDI se sont vantés d’avoir tiré sur des manifestants palestiniens non armés, dont des jeunes, dans les genoux, pendant les presque deux ans de manifestations à la barrière frontalière de Gaza à partir du printemps 2018.

Un ancien sniper de l’armée israélienne, qui n’a pas voulu donner son nom, a dit au Guardian que la réglementation en matière de feu ouvert des FDI était si large qu’un soldat avait toute latitude de tirer sur n’importe qui une fois que la zone était déclarée zone de combat.

« Le problème, ce sont les règlements qui donnent la possibilité aux soldats qui le veulent de simplement abattre des Palestiniens. Dans mon expérience, la plupart des soldats qui appuient sur la gâchette veulent simplement tuer ceux qui devraient être tués, mais il y a ceux qui considèrent tous les Arabes comme l’ennemi et trouvent n’importe quelle raison pour tirer, ou pas de raison du tout », a-t-il dit, ajoutant qu’un régime d’impunité protège ces soldats.

« Même s’ils outrepassent les règlements, le système les protégera. L’armée les couvrira. Les autres soldats de l’unité n’y feront pas objection ou célébreront la mort d’un autre Arabe. Il n’y a pas d’obligation de rendre des comptes, si bien que même les règlements les plus souples n’ont pas vraiment de sens. »

L’association israélienne de défense des droits B’Tselem a décrit la réglementation des FDI pour ouvrir le feu comme « rien de plus qu’un semblant de légalité » entre autres parce qu’elle est « répétitivement violée ».

« A l’exception d’une poignée de cas, impliquant généralement des soldats de rang inférieur, aucun n’a été présenté à la justice pour atteinte aux Palestiniens », a dit l’association.

Dans l’un des cas les plus notoires de soldats ayant tiré sur de jeunes enfants dans les territoires occupés, un capitaine de l’armée a tiré en 2004 tout le chargeur de son fusil automatique sur une petite Palestinienne de 13 ans, Iman al-Hams, après qu’elle soit passée dans une zone de sécurité, même alors qu’elle ne représentait aucune menace immédiate et que ses propres soldats lui avaient dit que c’était « une petite fille » qui était « morte de peur ». Le capitaine a été mis hors de cause par un tribunal militaire.

L’armée israélienne a également une longue histoire de camouflage des meurtres d’enfants.

Après l’assassinat du petit Khalil al-Mughrabi de 11 ans qui jouait au football à Rafah en 2011, l’organisation israélienne des droits de l’homme B’Tselem a écrit aux FDI pour exiger une enquête.

Des mois plus tard, le bureau du juge avocat général a dit à B’Tselem que Khalil avait été abattu par des soldats qui agissaient avec « retenue et contrôle » pour disperser une émeute dans la zone. Cependant, les FDI ont commis l’erreur d’attacher une copie de leur enquête interne secrète, qui disait que l’émeute avait eu lieu beaucoup plus tôt ce jour là et que les soldats qui avaient ouvert le feu sur l’enfant étaient coupables d’une « grave dérive par rapport aux normes obligatoires de comportement ».

Le procureur militaire en chef, le colonel Einat Ron, a alors proposé de faux scénarios alternatifs qu’il faudrait offrir à B’Tselem pour camoufler le crime.

Plus récemment, les FDI ont été accusés de mentir pour camoufler l’assassinat par balles de la journaliste palestino-américaine Shireen Abu Akleh, presque certainement par un sniper israélien. L’armée a d’abord accusé les Palestiniens, puis a faussement prétendu que Abu Akleh avait été prise dans un tir croisé lors d’une fusillade. Son employeur, Al Jazeera, a présenté une vidéo qui prouvait qu’il n’y avait pas de fusillade et qu’au moins un soldat israélien visait la journaliste.

Alvi, médecin canadienne, a quitté Gaza dans la première semaine de février alors que les forces israéliennes menaçaient d’une attaque au sol contre Rafah. Alvi a fondé l’association caritative Humanity Auxilium, qui a travaillé avec les réfugiés rohingyas au Bangladesh, les Syriens déplacés et les survivants du tremblement de terre en Turquie.

« Ce n’est pas une guerre normale. La guerre en Ukraine a tué 500 enfants en deux ans et la guerre à Gaza en a tué plus de 10.000 en moins de cinq mois. Nous avons vu des guerres auparavant, mais là c’est quelque chose qui est une tache sombre sur notre humanité commune. »