16 août : cessez-le-feu ?

Par Mouin Rabbani : J’argumente ici que les négociations en cours pour un cessez-le-feu à Gaza sont un simulacre américano-israélien pour faire diversion et qu’elles ne devraient pas être prises particulièrement au sérieux. Au départ, leur but principal était de servir de feuille de vigne pour qu’Israël continue sa campagne génocidaire dans la Bande de Gaza. En d’autres termes, leur but est le processus même et leur objectif a donc été d’éviter d’atteindre un accord de cessez-le-feu plutôt que d’en conclure un.

J’argumente ici que les négociations en cours pour un cessez-le-feu à Gaza sont un simulacre américano-israélien pour faire diversion et qu’elles ne devraient pas être prises particulièrement au sérieux. Au départ, leur but principal était de servir de feuille de vigne pour qu’Israël continue sa campagne génocidaire dans la Bande de Gaza. En d’autres termes, leur but est le processus même et leur objectif a donc été d’éviter d’atteindre un accord de cessez-le-feu plutôt que d’en conclure un.

Un processus d’Oslo pour un génocide, si vous voulez. Exactement comme Oslo a servi de feuille de vigne permettant à Israël d’intensifier l’extension de ses colonies et ses politiques d’annexion, pendant que Washington s’interposait pour protéger Israël avec un « processus de paix » conçu pour n’aller nulle part, il en est de même avec ces négociations de cessez-le-feu qui ont commencé il y a de nombreux mois.

Pour ceux qui ne se rappellent peut-être pas les années 1990, Washington repoussait typiquement les critiques internationales de la politique israélienne avec l’argument que son « processus de paix » résoudrait toutes les questions en jeu et que les efforts pour faire rendre des comptes à Israël pour ses actions feraient dérailler la diplomatie.

Les négociations plus récentes en vue d’un cessez-le-feu ont un but plus spécifique qu’acheter du temps pour qu’Israël arrache aux mâchoires de l’échec qui se referment sur lui une victoire militaire inaccessible. Et ce but est d’éviter, ou à défaut de minimiser autant que possible, des représailles quelconques de l’Iran, du Hezbollah et des partenaires de leur coalition pour la récente série d’assassinats et de bombardements par Israël dans la région.

La position de Washington est qui ni l’Iran, ni le Liban, ni bien sûr aucun autre État dans la région n’ont le droit de se défendre eux-mêmes contre une attaque israélienne, et qu’ils n’ont aucun droit de répondre à une attaque israélienne. Conformément à l’ordre international basé sur des règles, Israël, au contraire, a non seulement le droit d’être protégé des représailles ou de toute autre répercussion résultant de ses actions, mais aussi le droit de répondre, comme il le juge approprié, à toutes les ripostes provoquées par ses propres actions.

Comme je l’ai indiqué auparavant, la seule position cohérente des États-Unis depuis le 7 octobre a peut-être été son opposition à une escalade régionale, au-delà d’Israël et des territoires palestiniens occupés. Le problème de Washington est qu’il a constamment refusé d’utiliser son influence ou sa pouvoir pour empêcher une telle escalade et que, quand il l’a fait, cela a été inefficace.

Il y a eu seulement deux exceptions jusqu’à présent : début octobre, Israël aurait semble-t-il été sur le point de déclencher une attaque massive contre le Liban pour porter un coup au mouvement du Hezbollah. Le président américain, Joe Biden, considérant qu’Israël essaierait alors de mordre bien plus qu’il n’était en mesure de mâcher, a déconseillé au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou de le faire, et ce dernier a immédiatement annulé l’opération. Il a suffi d’un coup de téléphone.

Environ un mois plus tard, une série de puissants raids aériens des États-Unis contre des milices en Iraq qui avaient tiré de plus en en plus de drones et de missiles mortels contre Israël ainsi que contre des bases américaines en Iraq, en Syrie et en Jordanie, a conduit ces groupes à annoncer la fin des attaques contre des établissements des États-Unis. Leurs attaques contre Israël cependant ont continué et ils ont plus récemment aussi recommencé à bombarder les forces américaines.

Au contraire, l’opération « Gardien de la prospérité » — une force navale conjointe USA-Royaume-Uni menant des raids aériens réguliers contre le Yémen pour dissuader son mouvement Ansar Allah, connu aussi comme les Houthis, d’attaquer des navires cherchant à entrer dans la Mer rouge — a été un échec cuisant. Les attaques ont continué, les navires continuent d’éviter le canal de Suez et le port israélien d’Eilat a récemment déclaré banqueroute.

De même, le déploiement en octobre de deux porte-avions américains en Méditerranée orientale pour dissuader le Hezbollah de maintenir son « front de soutien » au sud du Liban a échoué à faire la moindre impression sur le mouvement libanais.

La principale raison de l’échec américain a été la mauvaise volonté de Washington à utiliser son influence sur Israël pour mettre fin à sa campagne génocidaire dans la Bande de Gaza afin de faire cesser les activités des divers fronts de soutien ou de verser le sang et l’argent qui seraient requis pour éliminer directement ces fronts de soutien. Cela suppose bien sûr que les États-Unis puissent réussir là où Israël a échoué et que la contre-insurrection américaine se soit améliorée à pas de géants depuis les campagnes ratées en Iraq et en Afghanistan.

Le principal défi aux efforts actuels des États-Unis pour empêcher une plus grande escalade régionale est le voeu du Hezbollah et de l’Iran de riposter contre Israël, indépendamment des développements dans la Bande de Gaza. S’ils répondent ou non, quand, où et comment ils répondront, est au mieux de la pure spéculation. Cela pourrait être n’importe quoi, d’une attaque coordonnée contre Israël à une opération unique très médiatisée ou au franchissement par Téhéran du seuil du nucléaire.

Washington prend ces menaces suffisamment au sérieux pour croire que les négociations sur un cessez-le-feu rendront difficile, sinon impossible, aux adversaires d’Israël de répliquer si, ce faisant, ils finissent par être chargés de la responsabilité d’avoir fait échouer une initiative pour mettre fin à la guerre contre les Palestiniens dans la Bande de Gaza. C’est à peu près la seule raison pour laquelle les négociations ont repris avec une telle pompe cette semaine.

Même si c’est improbable, il n’est pas inconcevable que les adversaires d’Israël aient décidé soit de ne pas répondre, soit de différer leur réponse indéfiniment. Il se peut aussi qu’ils n’aient pas répondu parce qu’ils préparaient encore leurs représailles. Mais l’explication la plus plausible est que Biden a lu correctement pour une fois le scénario et que la réponse attendue a été différée pour déterminer auparavant si Washington se préparait finalement à contrôler son « proxy » israélien et à mettre fin à la campagne génocidaire de ce dernier dans la Bande de Gaza.

Le troupeau d’éléphants dans la chambre de négociations est bien sûr Israël, et spécifiquement Netanyahou. Comme son propre ministre de la Défense et les négociateurs recrutés personnellement par le Premier ministre israélien l’ont maintenant dit eux-mêmes clairement, le Premier ministre israélien ne veut pas d’un marché et il est l’obstacle à ce qu’un marché soit conclu, au point de saboter le projet américain qui, selon Biden, était formulée non à Washington mais par Netanyahou lui-même.

Convaincu au départ que le Hamas le rejetterait, Netanyahou a été pris au dépourvu quand les Palestiniens ont annoncé leur acceptation le 2 juillet. Netanyahou a répondu en ajoutant de nouvelles conditions qui ne faisaient pas partie de son projet, tel qu’annoncé par Biden.

Pour réussir cette quadrature du cercle, et dans une grande effervescence alors que la menace d’une guerre régionale prenait de l’ampleur, Biden a cherché à prouver qu’il était sérieux en signant personnellement le 9 août, avec les dirigeants d’Égypte et du Qatar, une déclaration appelant à « un secours immédiat » pour les Palestiniens de Gaza et pour les captifs/otages et leurs familles. Selon ce communiqué, les trois dirigeants avaient « forgé un accord cadre qui est maintenant sur la table, les détails de la mise en oeuvre restant seuls à finaliser — Il n’y a plus de temps à perdre, ni d’excuses d’aucune des parties pour un délai supplémentaire ».

Anticipant une nouvelle supercherie américano-israélienne, le Hamas a annoncé qu’il ne participerait pas aux négociations de cette semaine parce que le projet avait déjà été négocié et, sur l’insistance des États-Unis, entériné par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Hamas a plutôt appelé les médiateurs à formuler un plan pour mettre en oeuvre le projet qu’il avait déjà accepté et à le présenter aux différentes parties. Après tout, le communiqué du 9 août avait affirmé que les États-Unis, l’Égypte et le Qatar « [étaient] prêts à présenter une proposition finale de médiation résolvant les questions restantes de mise en oeuvre d’une manière satisfaisante pour les attentes de toutes les parties ».

En anglais des États-Unis, « immédiat » et « plus de temps à perdre » signifient que vous publiez une déclaration le 9 août et appelez à une « réunion urgente » le 15 août. Quant à la « proposition finale de médiation », elle reste comme on pouvait s’y attendre un travail en cours. Une discussion supplémentaire en est maintenant prévue le vendredi 24 août. Les États-Unis seront représentés par le Secrétaire d’État Anthony Blinken, un signal aussi clair que possible qu’il n’y a pas de progrès prévu à l’ordre du jour.

Reconnaissant que toute négociation sur les nouvelles conditions imposées par Israël ferait exploser toute la procédure et avec elle le Moyen-Orient, les États-Unis cherchent à incorporer ces conditions comme s’il s’agissait de ses propres clarifications sur le projet annoncé auparavant par Biden. Attendons-nous à ce que Blinken, avec la propension au mensonge toute vêtue d’honnêteté qui est sa marque de fabrique, insiste pour prétendre qu’elles ont fait partie du projet tout au long.

Comme noté auparavant, et comme avec Oslo, le but ici est le processus, pas sa conclusion par un accord. Et comme avec Oslo, qui en 2000 a produit la Deuxième Intifada parce que le simulacre devenait impossible à cacher plus longtemps, le processus de cessez-le-feu produit des retours de plus en plus faibles. Si les négociations de cette semaine ont désamorcé avec succès des représailles du Hezbollah et de l’Iran, cela ne semble plus être le cas. Je soupçonne que c’est dans ce contexte que nous devrions interpréter le dévoilement par le Hezbollah, le 16 août, de son complexe sophistiqué de bunker souterrain Imad 4, apparemment imperméable aux bombes à pénétration profonde, qu’elles soient américaines ou israéliennes.

Peut-être pour cette raison, un « responsable américain important » a été cité le 16 août par le Times of Israel, avertissant l’Iran de conséquences « cataclysmiques » s’il exerçait son droit d’auto-défense contre Israël. Le responsable est probablement tout à fait conscient que « cataclysmique » est un code typique pour ADM (armes de destruction massive), et pas l’assassinat de responsables de haut rang. Nous découvrirons bien assez tôt si la menace a un quelconque impact.

Mouin Rabbani