L’Université de Leipzig a dit qu’elle avait projeté la conférence du Prof. Benny Morris comme une discussion critique, mais qu’elle avait dû l’annuler à cause de l’opposition des étudiants et par souci de sécurité.
L’Université de Leipzig en Allemagne a annulé une conférence projetée avec l’historien israélien, le Professeur Benny Morris, à la suite de manifestations étudiantes. Dans un communiqué émis vendredi, l’université a expliqué que les étudiants faisaient objection à la venue prévue de Morris à cause de commentaires qu’il avait faits dans de récentes interviews et qu’ils ont décrites comme offensantes et racistes.
Cette conférence, intitulée « La Guerre de 1948 et le Jihad », était prévue pour la semaine prochaine à la Faculté de Théologie dans le cadre d’un cycle sur l’antisémitisme. Les responsables de l’université ont dit que cet événement avait été planifié comme une opportunité pour une discussion critique avec Morris. Cependant, l’école l’a finalement annulé après des plaintes des étudiants et ce qu’elle a appelé des craintes pour la sécurité.
Le communiqué expliquant pourquoi l’événement avait été programmé et plus tard annulé était signé par un sociologue allemand et par Yemima Hadad, chercheur israélien spécialisé dans la pensée juive. Ils ont exprimé une objection à un « double standard » visant les chercheurs israéliens qui sont « exclus des événements », alors que d’autres universitaires, dont ceux qui sont affiliés au mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions, « bénéficient d’un accès sans restriction à l’université ». On attend encore la réponse de Hadad à une demande de commentaires.
Les étudiants opposés à la conférence ont accusé Morris d’être « une personne qui justifie l’expulsion, le meurtre et le viol de centaines de milliers de personnes ». Ils ont cité des déclarations tirées d’anciennes interviews de Morris avec divers médias, dont une interview de 2004 avec Haaretz dans laquelle il disait que « dans certaines conditions, une expulsion n’est pas un crime de guerre… Quand on a à choisir entre détruire et être détruit, il vaut mieux détruire… quand il faut choisir entre un nettoyage ethnique et un génocide – l’annihilation de votre peuple – je préfère le nettoyage ethnique ».
Morris a parlé des Palestiniens au cours de l’interview en disant, « Il faut construire une sorte de cage pour eux, je sais que ça paraît terrible. C’est vraiment cruel. Mais on n’a pas le choix. Il y a là un animal sauvage qu’il faut enfermer d’une façon ou d’une autre. »
En parlant avec Haaretz, Morris a dit que l’annulation de la conférence était « honteuse, surtout étant donné qu’elle résultait de la peur d’une possible violence de la part d’étudiants. C’est de la pure lâcheté et de l’apaisement ».
Morris a dit que les déclarations utilisées pour l’attaquer « avaient été faites dans une interview publiée vingt ans plus tôt, pendant la deuxième intifada, quand des terroristes mettaient presque quotidiennement des bombes dans des bus et des restaurants d’Israël. »
« Le mot ‘cage’ que j’ai utilisé était en effet inapproprié, mais mon intention était juste – le besoin de mettre la population arabe en Cisjordanie et à Gaza derrière des barrières afin qu’ils ne puissent pas entrer et se faire exploser dans les villes israéliennes », a-t-il poursuivi. « Israël l’a finalement fait, et cela a mis fin au phénomène de tueries de masse par des attentats suicides. Peut-être qu’aujourd’hui, le mot ‘cage’ pourrait très bien convenir pour les meurtriers du Hamas et leurs supporters enthousiastes. »
Morris a ajouté qu’il ne savait pas sur quoi s’appuyaient les manifestants quand ils disaient qu’il soutenait « le meurtre et le viol de centaines de milliers de personnes ». Il a qualifié cela d’ « absurde et de vile fabrication ».
Morris, 75 ans, est professeur émérite d’Histoire à l’Université Ben-Gourion. Il est bien connu pour ses recherches innovantes sur le conflit israélo-palestinien. Dans un article d’opinion publié le mois dernier dans Haaretz, Morris appelait Israël à frapper les installations nucléaires de l’Iran.
Faisant référence, dans une interview de 2019 avec Haaretz, à la criminalité dans la communauté arabe d’Israël, Morris a dit que c’était la « nature » de cette communauté. Dans cette interview, il a ajouté que ç’aurait été mieux pour les deux côtés si « la guerre d’indépendance s’était terminée avec une séparation absolue des populations ». Il a dit également que « les Arabes israéliens ont ici des droits bien supérieurs à ceux dont ils jouissent dans les pays arabes, mais qui sont automatiquement balayés dans une propagande antisioniste conduite par [Yasser] Arafat autrefois ou par le Hamas aujourd’hui ».
Au début de sa carrière, à la fin des années 1980, Morris a été condamné par la droite en tant que « gauchiste » et « traître » quand ses recherches ont révélé que, contrairement à la position officielle d’Israël à l’époque, beaucoup de Palestiniens n‘avaient pas quitté volontairement leur maison pendant la Guerre d’Indépendance d’Israël, mais avaient été expulsés, et certains assassinés et violés par des soldats israéliens.
Dans les décennies récentes, surtout après la seconde intifada, Morris a été requalifié par les cercles de gauche comme un droitiste et soutien du Premier ministre Benjamin Netanyahou, suite à un revirement politique. Ce revirement l’a vu attribuer la responsabilité principale du conflit aux Palestiniens.
« Il n’y aura pas de compromis territorial [et] il n’y aura pas de paix sur la base d’une division du pays, parce que les Palestiniens se cramponnent à leur désir d’avoir le contrôle sur toute la Terre d’Israël et d’éradiquer le sionisme », a-t-il dit à Haaretz en 2019.
Traduction : J. Ch. pour l’AURDIP