La dynamique communauté artistique du territoire témoignait de la résilience des Palestiniens, mais elle perd maintenant des voix essentielles à son énergie.
Ses éclatantes peintures des sites sacrés de Jérusalem et de femmes palestiniennes vêtues de robes aux borderies traditionnelles étaient un moyen d’envoyer un message au « monde extérieur », c’est ce qu’a dit Heba Zagout de son œuvre dans une vidéo mise en ligne en septembre dernier.
Quinze jours plus tard, cette femme de 39 ans a été tuée avec deux de ses enfants, Adam et Mahmoud, dans une frappe israélienne. Son mari et deux autres enfants on survécu.
Zagout est l’une parmi un nombre inconnu d’artistes, écrivains et musiciens – qui faisaient partie d’une scène artistique autrefois étonnamment florissante à Gaza – des plus de 11.000 morts dans la bande côtière depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas le 7 octobre.
Zagout, qui a étudié les beaux-arts à l’université Al-Aqsa de Gaza, a peint des vues de la Vieille Ville de Jérusalem, de la mosquée Al-Aqsa – troisième lieu saint de l’Islam – et de l’Église de la Nativité à Bethléem, chère aux Chrétiens parce que lieu de naissance de Jésus.
Elle a également peint des images de femmes, certaines tenant une colombe, ou une clef, ou un oud, respectivement symbole de la paix, du retour à la maison et de la culture d’autrefois.
Elle s’était fait des adeptes grâce aux réseaux sociaux, issue de secours ces dernières années pour tant de Palestiniens pris au piège dans Gaza, mais elle espérait aussi, d’après sa sœur Maysaa Ghazi, pouvoir à nouveau exposer son travail.
Dans une vidéo qu’elle a postée le 28 septembre sur YouTube, elle disait : « Nous savons tous qu’il y a des tensions et des événements politiques qui ne sont pas simples à Gaza. En dessinant, j’essaie de représenter toutes les émotions négatives et de débarrasser de toutes les émotions négatives.
« Je considère l’art comme un message que je livre au monde extérieur en exprimant la cause palestinienne et l’identité palestinienne. »
Zagout était « une artiste vraiment spéciale », a dit Mitri Raheb, prêtre luthérien et fondateur de l’université Dar al-Kalima à Bethléem, spécialisée dans les arts et la culture et qui a un antenne satellite à Gaza.
« Son œuvre et très inclusive – nombre de ses peintures comportent des églises avec des croix et des mosquées avec des croissants. Son travail a également une touche très féminine. » Elle était très active au centre artistique Dar al-Kalima de la ville de Gaza, a-t-il dit.
Le centre est tout proche de l’hôpital al-Shifa, qui s’est retrouvé sous les bombardements israéliens ces quelques derniers jours. « Nous étions très inquiets à l’idée que le centre puisse être détruit. La directrice, craignant pour sa vie, a évacué et est partie vers le sud », a dit Raheb.
Quantité d’artistes ont été tués dans les frappes aériennes sur Gaza, a-t-il dit. L’un d’entre eux était Mohammed Sami Qariqa, qui est mort le mois dernier quand un missile a frappé l’hôpital baptiste al-Ahli, où des centaines de Palestiniens s’étaient abrités.
Trois jours plus tôt, il écrivait sur Facebook qu’il se sentait une responsabilité « de transmettre les nouvelles et de décrire ce qui se passait à l’intérieur de l’hôpital, saisissant un ensemble de détails pénibles avec la caméra de mon portable, dont des photos, des vidéos, des voix, des textes et des dessins, etc … Je recueille beaucoup de ces histoires grâce à différentes techniques. » Il distrayait de nombreux enfants dans l’enceinte de l’hôpital en organisant des jeux.
Le personnel de l’Institut Tamer pour l’Éducation de la Communauté, ONG palestinienne, a dit à Sky News : « Il était l’âme de l’atelier de peinture de Tamer, et il était aussi celui qui l’ouvrait tous les jours, redressant les toiles, mélangeant les couleurs et attendant l’arrivée des autres jeunes membres. »Il aimait la vie et il aimait Gaza, ont-ils dit.
Hiba Abu Nada, poétesse et romancière, a été tuée le 20 octobre avec son fils dans une frappe aérienne sur Khan Younis, d’après le ministère palestinien de la Culture. Cette écrivaine de 32 ans avait publié plusieurs recueils de poésie et un roman, Oxygen is Not for the Dead (L’Oxygène n’est pas pour les morts), qui a eu le second prix des Sharjah Awards pour la créativité arabe en 2017.
Son dernier poème a été publié sur X, autrefois Twitter, quelques jours avant sa mort.
La nuit de Gaza est sombre à part la lueur des roquettes,
tranquille à part le bruit des bombes,
terrifiante à part le réconfort de la prière,
noire à part la lumière des martyrs.
Bonne nuit, Gaza.
Avant la guerre, Gaza avait une « très importante communauté artistique », a dit Raheb, témoignage de la résilience et de la force de la population dans les circonstances les plus difficiles. Des artistes de toutes traditions ont prospéré malgré les difficultés pour trouver matériaux et marchés pour leur travail alors que le territoire était géré par le Hamas, mis sous blocus par Israël et était la scène de conflits répétés au cours des 16 dernières années.
« Les gens à l’extérieur n’ont aucune idée de la capacité de création des gens vivant à Gaza », a dit Raheb. « Mais cette guerre est en train de détruire tout ça. »