Une action immédiate est nécessaire pour garantir un contrôle international indépendant dans les prisons et les centres de détention israéliens

Ramallah/Gaza, 2 mai 2024 — Addameer, Al Mezan, Al-Haq, et le Centre palestinien pour les droits humains [Palestinian Center for Human Rights, PCHR] expriment leur profonde consternation à la nouvelle de l’assassinat du Dr. Adnan Al-Bursh, un chirurgien orthopédiste de 50 ans, pendant sa détention.

Dr. Al-Bursh était le directeur du département d’orthopédie à l’hôpital Al-Shifa de Gaza. Il dirigeait aussi le département médical de l’Association palestinienne de football et était membre du Bureau du Conseil médical palestinien. Par son travail, il a sauvé d’innombrables membres de patients palestiniens blessés pendant les attaques israéliennes répétées contre Gaza et pendant la Grande Marche du retour.

Comme l’a rapporté le Commission des Affaires concernant les détenus et le Club des prisonniers palestiniens, Dr. Al-Bursh a été enlevé en décembre 2023 de l’hôpital Al-Awda à Jabaliya par les forces israéliennes au cours de leur invasion terrestre de Gaza. Selon l’Autorité générale des affaires civiles de l’Autorité palestinienne, Dr. Al-Bursh a été tué le 19 avril 2024, mais la nouvelle de sa mort n’a été officiellement annoncée qu’aujourd’hui. Nos organisations peuvent confirmer qu’il a été tué alors qu’il était détenu à la prison Ofer, un établissement de détention israélien en Cisjordanie occupée, géré par le Service israélien des prisons (SIP). Son corps est toujours retenu par les autorités israéliennes.

Plus tôt dans la matinée du 2 mai 2024, les autorités israéliennes ont renvoyé à Gaza plus de 60 prisonniers et détenus palestiniens libérés, via le point de passage de Karem Abu Salem. Plusieurs d’entre eux montraient des signes visibles de torture physique infligée par les autorités israéliennes. De plus, le corps d’un prisonnier de 33 ans, Ismail Abdelbari Khader, a aussi été renvoyé à Gaza. Dr. Marwan Al-Hems, le directeur de l’hôpital Abu Youssef Al-Najjar à Rafah, a dit : « En examinant le corps, nous avons découvert des marques de torture sur ses poignets, ainsi que des oedèmes sur ses épaules, ses genoux et sa poitrine. Le prisonnier est mort sous la torture à l’intérieur de la prison. Nous ne savons pas s’il a eu un caillot de sang. Mais il est clair qu’il est mort à l’intérieur de la prison. »

Les autorités israéliennes détiennent les résidents palestiniens de Gaza séparément des autres prisonniers et détenus palestiniens. Beaucoup d’entre eux sont détenus dans des camps de détention ad-hoc, administrés par l’armée, situés principalement dans le désert du Néguev au sud d’Israël. Des témoignages de prisonniers libérés indiquent que la torture infligée aux détenus de Gaza a atteint des niveaux sans précédent. Pendant leur enlèvement et leur détention, les résidents palestiniens de Gaza sont traités comme des « animaux humains », ce qui démontre que la rhétorique déshumanisante et génocidaire utilisée au plus haut  niveau du leadership israélien pour caractériser les Palestiniens a été adoptée dans tous les rangs de l’armée et du SIP.

Selon notre documentation préliminaire, le corps d’Ismail est le premier corps d’un prisonnier ou détenu palestinien « mort » sous détention israélienne à avoir êté renvoyé à Gaza. Entre le 7 octobre 2023 et le 22 avril 2024, il y a eu 16 morts confirmées de prisonniers et détenus palestiniens dans les prisons israéliennes, résultant de négligence médicale ou de pratiques de torture aggravée contre eux. Parmi eux, deux étaient des résidents de Gaza : Majed Zaqoul, un ouvrier de 32 ans détenu dans la prison Ofer et un deuxième individu dont l’identité reste inconnue, puisque les autorités israéliennes refusent de fournir la moindre information. 

Nos organisations maintiennent que le nombre réel de Palestiniens qui sont « morts » au cours de leur détention est bien plus élevé que les cas confirmés ne le suggèrent. Cette affirmation est fondée sur des dizaines de témoignages de prisonniers libérés, rassemblés par nos organisations et d’autres organisations de la société civile. Ces témoignages incluent des récits de détenus torturés qui ont vu d’autres compagnons détenus être battus à mort. De fait, depuis le 7 octobre 2023, non seulement les autorités israéliennes ont refusé aux avocats et aux délégués du Comité international de la Croix rouge (CIRC) toute visite aux détenus palestiniens, mais ils ont aussi refusé de fournir des informations exactes et en temps voulu sur les milliers de détenus gazaouis, y compris sur leur localisation, ainsi que sur les détenus palestiniens qui sont « morts » en étant sous leur garde.

La communauté internationale doit exercer une pression sur Israël pour garantir une totale transparence en ce qui concerne le traitement des détenus palestiniens, y compris en fournissant des mises à jour régulières et exactes sur leur état de santé et leurs conditions générales, ainsi que sur la localisation et le sort de centaines de résidents palestiniens de Gaza victimes de disparitions forcées. Une pression doit aussi être exercée pour que les autorités israéliennes s’engagent dans une communication ouverte et significative avec les avocats et les organisations des droits humains et de la société civile travaillant à protéger les prisonniers et détenus palestiniens et à garantir leurs droits et leur dignité.

Nous exhortons aussi la communauté internationale à prendre des actions immédiates et concrètes pour assurer que les mécanismes d’enquête internationaux — dont la Cour pénale internationale (CPI) et la Commission onusienne internationale indépendante d’enquête sur le Territoire palestinien occupé dont Jérusalem-Est, et sur Israël — se voient accorder un accès sans restriction aux prisons et centres de détention israéliens. Ces organismes doivent avoir le pouvoir de conduire des enquêtes poussées sur les allégations d’atrocités perpétrées par les autorités israéliennes contre les prisonniers et détenus palestiniens, comme l’assassinat du Dr Al-Bursh. Sans cet accès, la reddition de comptes et la justice pour les victimes palestiniennes restent hors d’atteinte.

En plus d’enquêter sur les crimes signalés, il est essentiel d’établir une présence indépendante et internationale d’observateurs des droits humains pour contrôler à fond les conditions de détention. Cette nécessité nait des rapports alarmants sur l’accès limité des avocats et des délégués du CIRC, particulièrement aux détenus gazaouis. Le manque d’accès soulève de graves inquiétudes sur le traitement et le bien-être des Palestiniens détenus dans les prisons et les centres de détention israéliens, particulièrement à cause des dizaines de témoignages rassemblés par nos organisations qui rapportent des cas graves de torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants. Sans aucun contrôle, il y a un risque accru que les violations des droits humains ne soient pas sanctionnées, perpétuant un cycle de maltraitance et d’impunité.

Il est donc impératif que les mécanismes internationaux d’enquête et de surveillance se voient accorder un accès immédiat aux centres de détention israéliens pour garantir que des comptes soient rendus et pour protéger les droits des détenus et des prisonniers palestiniens et empêcher que ne se produisent des violations supplémentaires.