Le maintien au pouvoir de Benjamin Netanyahou dépend du maintien en guerre de son pays. La région en paie le prix cher.

Pendant la deuxième guerre mondiale, des forces en guerre ont dispersé de grandes quantités d’objets piégés susceptibles d’être attractifs pour les civils. L’idée était de provoquer la mort à grande échelle et aveuglément. Les Japonais ont fabriqué une pipe à tabac avec une charge déclenchée par un détonateur à ressort. Les Italiens ont produit des écouteurs qui explosaient lorsqu’ils étaient branchés. Plus d’un demi-siècle plus tard, un traité mondial est entré en vigueur qui « interdisait l’utilisation en toutes circonstances de pièges ou autres appareils sous forme d’objets portables apparemment inoffensifs, spécifiquement conçus et construits pour contenir un matériel explosif ». Quelqu’un a-t-il dit à Israël et à ses partisans en liesse que, comme Brian Funicane du Groupe de Crise International le fait remarquer, il est signataire de ce protocole ?
Mardi, les téléavertisseurs utilisés par des centaines de membres du groupe militant du Hezbollah ont explosé presque simultanément au Liban et en Syrie, tuant au moins 12 personnes – dont deux enfants et quatre employés de l’hôpital – et en blessant des milliers de plus. Cette situation est directement analogue aux pratiques historiques que les traités mondiaux actuels sur les armes interdisent explicitement. Les médias états-uniens disent qu’Israël était derrière cette attaque, et ce pays a la motivation et les moyens de cibler ses ennemis soutenus par l’Iran. Les dirigeants d’Israël ont une longue histoire d’exécution d’opérations sophistiquées à distance, des cyberattaques aux attaques par drones suicides et des armes contrôlées à distance pour assassiner les scientifiques iraniens. Mercredi, on a rapporté qu’Israël a fait exploser des milliers de radios personnelles bidirectionnelles dont les membres du Hezbollah se servaient au Liban, en tuant neuf et en blessant des centaines.
Les attaques de cette semaine n’étaient pas, comme le prétendent les défenseurs d’Israël, « chirurgicales » ni une « une opération anti-terroriste précisément ciblée ». Israël et le Hezbollah sont des ennemis jurés. La série actuelle de combats a vu des dizaines de milliers d’Israéliens déplacés de la frontière israélo-libanaise à cause des attaques à la roquette et à l’artillerie du groupe militant Shia [Chiites].
Pourtant, les bombes de téléavertisseurs étaient clairement prévues pour cibler individuellement des civils – diplomates et politiques – qui ne participaient pas directement aux hostilités. Le plan s’est avéré produire ce que les avocats pourraient appeler « des dommages excessifs causés sur des civils ». Ces deux arguments ont été avancés à l’encontre de la Russie pour déclarer que Moscou commettait des crimes de guerre en Ukraine. Il est difficile de dire pourquoi le même raisonnement n’est pas appliqué à Israël – sauf parce que c’est un allié de l’Occident.
Ces attaques aussi disproportionnées, qui semblent illégales, sont non seulement sans précédent mais peuvent aussi se normaliser. Si c’est le cas, la porte est ouverte pour que d’autres États en viennent à tester mortellement les lois de la guerre. Les États-Unis devraient s’engager et restreindre son ami, mais Joe Biden ne montre aucun signe d’intervention pour faire cesser le carnage. La route vers la paix passe par Gaza, mais le plan pour un cessez-le-feu de Mr. Biden – et la libération des otages – n’a trouvé grâce, ni auprès du premier ministre d’Israël, Benjamin Netanyahou, ni auprès du Hamas.
Le problème, c’est que les actions d’Israël conduisent à un conflit total désastreux qui entraînerait les États-Unis dans un conflit régional. Le monde se trouve au bord du chaos parce que le maintien au pouvoir de Mr. Netanyahou et sa mise à l’abri des accusations de corruption qui en découle dépendent largement du maintien en guerre de son pays. Rien de cela n’est possible sans la complicité et l’aide des États-Unis. Peut-être n’est-ce qu’après leur élection présidentielle que les États-Unis pourront dire que le prix pour sauver la peau de Mr. Netanyahou ne devrait pas être payé dans les rues libanaises ou par les Palestiniens dans les territoires occupés. Jusque là, l’ordre international fondé sur des règles continuera d’être sapé par les pays mêmes qui l’ont créé.