Lors de sa convention annuelle cette semaine, l’Association des Langues Modernes (MLA), qui représente 26 000 spécialistes en langues et en littérature, deviendra le dernier organisme universitaire à évaluer les….
Lors de sa convention annuelle cette semaine, l’Association des Langues Modernes (MLA), qui représente 26 000 spécialistes en langues et en littérature, deviendra le dernier organisme universitaire à évaluer les mérites de l’adoption d’un boycott des institutions universitaires israéliennes. Ceci vient après le soutien à un tel boycott par l’Association des Etudes Asiatiques Américaines, par l’Association d’Etudes Américaines et, plus récemment, par l’Association Américaine d’Anthropologie (AAA) qui a voté par 1040 contre 136 pour soutenir une résolution de boycott des institutions universitaires israéliennes lors de sa réunion annuelle à Denver ; l’ensemble des membres d’AAA votera bientôt sur la résolution, qu’on s’attend à voir adopter.
La justification d’un boycott universitaire – qui vise les institutions, pas les spécialistes individuels – vient de la relation particulière qui existe entre le système éducatif d’Israël et l’ensemble de ses structures racistes.
Le comité des Nations Unies sur l’Elimination de la discrimination raciale souligne avec inquiétude qu’Israël maintient deux systèmes éducatifs séparés pour ses citoyens – un pour les enfants Juifs et l’autre pour les enfants de la minorité palestinienne – une structure qui renforce la profonde ségrégation de la société israélienne sur tout, depuis les questions de citoyenneté et du mariage jusqu’au droit à se loger.
D’après les données israéliennes officielles citées par l’organisation des droits humains Adalah, au tournant du XXIe siècle, Israël investissait trois fois plus par personne pour l’éducation d’un Juif comparé à un citoyen palestinien.
Les conséquences sont évidentes : en Israël, les écoles pour Palestiniens sont surchargées et sous-équipées, manquent d’équipements artistiques, de bibliothèques et de labos, comparées aux écoles pour les étudiants juifs.
Les enfants Palestiniens ont souvent de plus grandes distances à parcourir que leur semblables Juifs pour arriver à l’école, en raison d’une interdiction par l’État de construire des écoles dans certaines villes palestiniennes (par exemple, d’après Adahah, il n’y a pas un seul collège dans les communautés palestiniennes du désert du Néguev au sud Israël).
Ces formes brutes de discrimination s’étendent au système universitaire. «Les obstacles que les étudiants palestiniens arabes rencontrent de la maternelle à l’université fonctionnent comme une série de tamis avec des mailles de plus en plus serrées », fait remarquer Human Rights Watch. « A chaque étape, le système éducatif rejette une plus forte proportion d’étudiants Palestiniens arabes que d’étudiants Juifs. »
En d’autres termes, les enfants qui n’ont pas accès à des maternelles adéquates sont moins bons à l’école élémentaire ; les étudiants de collèges délabrés et privés de ressources se trouvent canalisés dans des travaux de maçon ou de mécanicien plutôt que de médecins, de juristes ou de professeurs. Et le processus d’admission à l’université est le moment où les deux systèmes éducatifs séparés et inégaux convergent, avec des résultats calamiteux pour les étudiants palestiniens, qui ne satisfont pas aux examens d’immatriculation ou psychométriques évalués selon le curriculum des écoles juives, d’après Human Rights Watch.
Environ un quart des élèves israéliens sont des Palestiniens. Mais comme le souligne une étude récente de l’Association pour l’Avancement de l’équité civile, plus vous montez dans le système, moins il y a d’étudiants palestiniens. En 2012, d’après les données publiées par le Conseil israélien pour l’Enseignement supérieur, les Palestiniens ne constituaient qu’ 11 % des étudiants au bac, 7 % des étudiants en maîtrise et à peine 3 % des doctorants. Seuls 2,7 % des enseignants des universités israéliennes sont des Palestiniens, et le pourcentage de Palestiniens dans l’administration est encore plus bas.
D’après le sociologue Majid al-Haj de l’université de Haïfa, les universités israéliennes négligent systématiquement leurs étudiants palestiniens. Ces étudiants finissent par se sentir aliénés par un environnement universitaire qui résiste obstinément à l’intégration et qui semble conçu pour consolider plutôt que pour mettre en cause la discrimination.
Tout ceci est accablant, mais il y a pire : l’attaque, depuis longtemps, d’Israël contre le droit à l’éducation des Palestiniens de la bande de Gaza et de Cisjordanie. Israël a bombardé des écoles et assiégé des campus universitaires ; il détient et harcèle les étudiants et les enseignants au checkpoints de l’armée ; il a réduit le flux de matériel scolaire pour Gaza, il a empêché des étudiants palestiniens d’étudier à l’étranger.
On doit en conclure que le système éducatif israélien a pour objet de consolider la soi-disant identité juive de la nation et à déposséder encore plus les Palestiniens. C’est un processus que le sociologue israélien Baruch Kimmerling a identifié comme un « politicide ». Une de ses composantes pourrait certainement être appelée « éducide », ce que les éducateurs des nations devraient rejeter en soutenant le boycott académique des institutions qui le pratiquent.
Un tel boycott n’affecterait pas les spécialistes israéliens individuels, dont la liberté à participer à des conférences internationales, à publier dans des journaux ou à collaborer avec d’autres spécialistes ne serait pas menacée. En revanche, il appelle à une rupture des coopérations institutionnelles et des affiliations. Par exemple, la MLA ne co-organiserait pas un événement avec l’université de Tel-Aviv.
A l’époque moderne, les boycotts ont été parmi les moyens les plus efficaces de la contestation non-violente contre l’injustice instituée. Ils ont joué un rôle clé pour apporter des transformations dans le Sud de Jim Crow et dans la chute de l’apartheid en Afrique du Sud, lesquels ont toutes deux une ressemblance manifeste avec la situation en Israël. Il est aussi impensable de détourner les yeux du racisme du système éducatif israélien qu’il l’aurait été d’ignorer ces formes précédentes d’injustice.