Médecin spécialisé dans la santé des femmes et des enfants. Né le 31 janvier 1995 à Gaza, bande de Gaza, il a été tué le 5 novembre 2023 à Gaza. Il avait 28 ans.
Paru dans The Lancet, 3 février 2024 (vol. 403, p. 430) DOI : https://doi.org/10.1016/S0140-6736(24)00147-8
Lorsque Maisara Azmi AlRayyes s’est engagé au sein de Médecins du monde (l’organisation humanitaire internationale), son but était d’aider les centres de soin de premier recours existant à Gaza, dans les territoires palestiniens occupés, à pouvoir se transformer de manière opérationnelle en centres de soins traumatologiques : il a alors estimé qu’il avait besoin d’une formation approfondie en traumatologie afin d’exceller dans cette fonction. On mesure l’étendue de sa détermination et de sa ténacité : pour pouvoir passer l’intégralité de son diplôme en deux parties, AlRayyes a dû ainsi s’engager dans un long et laborieux processus afin d’obtenir, pour la première, l’autorisation de se rendre en Cisjordanie puis, pour terminer la seconde, d’aller en Jordanie. « Il ne s’est pas contenté de se dire, en toute sérénité, qu’il possédait déjà l’ensemble des compétences nécessaires pour effectuer ce travail » dit Anas Ismail, son ancien camarade de l’école de médecine. « Il a pris deux grandes résolutions afin de se préparer du mieux qu’il le pouvait à venir en aide à la population de Gaza ». Mais rien ne pouvait plus détourner AlRayyes de son but dès lors qu’il avait identifié un besoin à combler. Sa mission ultime, selon Ismail, était « d’améliorer la santé des femmes et des enfants de la communauté de Gaza ». Avec sa mort, « nous avons perdu un médecin exceptionnel, qui aurait pu changer du tout au tout la situation sanitaire des femmes et des enfants à Gaza » a déclaré Osaid Alser, qui avait connu AlRayyes pendant ses études de médecine et est actuellement résident en chirurgie générale au Texas Tech University Health Sciences Center (Lubbock, Texas, USA).
AlRayyes était un élève exceptionnel, qui termina son lycée parmi les premiers de classe. « Vous ne pouvez entrer en école de médecine que si vous obtenez les notes les plus élevées ; et il était tellement brillant qu’il aurait pu aller dans l’école de son choix » dit Ismail. AlRayyes s’inscrivit à l’université Al-Quds de Gaza afin d’étudier la médecine. Pendant ses années d’études, il a été président de la section palestinienne de la Fédération internationale des associations d’étudiants en médecine (IFMSA). Par le biais de cette organisation, « il a fait un gros travail de sensibilisation pour venir en aide aux orphelins de Gaza et accompli de nombreuses missions dans les centres de soin. Et puis, il travaillait aussi à développer les échanges pour que les étudiants en médecine de Gaza et de Cisjordanie puissent aller à l’étranger effectuer des stages optionnels », dit Alser. AlRayyes a obtenu son diplôme avec mention en 2018, au moment de la Grande marche du retour, une série de manifestations qui eurent lieu chaque semaine pour exiger la fin du blocus israélien dans les territoires palestiniens occupés et le droit pour les réfugiés à retourner dans leurs foyers. AlRayyes s’est porté volontaire pour soigner les manifestants blessés lors des manifestations. « Il faisait partie des volontaires qui installèrent des tentes pour prodiguer des services de soin – alors même que les soignants qui travaillaient dans ces tentes étaient, eux aussi, souvent blessés. Mais il n’avait pas peur » dit Bahzad Alakhras, médecin et psychiatre du Gaza Community Mental Health Programme (GCMHP).
Après un an de stage dans différents hôpitaux de Gaza, AlRayyes fut lauréat en 2019 d’une bourse Chevening lui permettant de suivre le master en santé des femmes et des enfants du King’s College de Londres (KCL). « Il avait constaté l’ampleur des besoins liés à l’amélioration de la santé des femmes au sein de la communauté de Gaza et l’un de ses objectifs était de se spécialiser en gynécologie obstétrique » dit Ismail. C’est Kim Jonas, maîtresse de conférences en physiologie de la reproduction au département de la santé des femmes et des enfants du King’s College, qui a procédé à l’évaluation de la candidature d’AlRayyes. Elle a déclaré que « la passion qui était la sienne pour tout mettre en œuvre afin d’améliorer les systèmes de santé, notamment dans sa communauté pour les femmes et les bébés, était évidente. Il était très certainement destiné à devenir un acteur central en ce domaine ». Une fois son master obtenu, « les portes de l’occident se sont, en quelque sorte, ouvertes pour lui » dit Ismail. Mais, tandis que, face à de telles perspectives, beaucoup de médecins « ne seraient pas retournés à Gaza, en raison de la situation et des conditions », AlRayyes a pris la décision d’y retourner. « Il savait que l’on avait besoin de ses compétences, que l’on avait besoin de son expertise ici », dit Ismail.
Avec Médecins du monde, AlRayyes dispensait les formations en soins de premier recours quand Israël a envahi Gaza après l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023. « J’aime à croire qu’une partie de son travail a permis d’aider les professionnels à prendre en charge les victimes traumatisées dans les tout premiers moments », dit Ismail. AlRayyes a été tué par une frappe aérienne israélienne, comme son père et ses deux frères. AlRayyes laisse derrière lui son épouse, Laura Hayek, et sa sœur, Fatima. « C’était une figure de proue de sa génération », dit Ismail. « Et s’il n’avait pas été tué, nous aurions pu encore être témoins de tant d’autres accomplissement qui l’auraient montré ».
Andrew Green