Microsoft dit avoir fourni des services d’IA à Israël pour sa guerre à Gaza mais nie qu’ils aient été utilisés pournuire aux Palestiniens

Microsoft a pour la première fois reconnu sa profonde implication dans la guerre à Gaza, mais n’a pas directement répondu sur la manière exacte dont l’armée israélienne utilise sa technologie.

Microsoft a reconnu jeudi avoir vendu des services d’intelligence artificielle avancée et d’informatique dématérialisée à l’armée israélienne pendant la guerre à Gaza et l’avoir assisté dans des tentatives pour localiser et secourir les otages israéliens. Mais la compagnie a aussi dit n’avoir trouvé aucune preuve à ce jour que sa plateforme Azure et ses technologies d’IA aient été utilisées pour cibler la population de Gaza ou lui nuire.

Le post de blog non signé sur le site web de l’entreprise Microsoft semble être le premier acte public de la compagnie reconnaissant sa profonde implication dans la guerre.

Il arrive presque trois mois après qu’une enquête de The Associated Press (AP) a révélé des détails inconnus jusqu’alors sur le partenariat étroit du géant américain de la tech et du ministère israélien de la Défense, l’utilisation militaire des produits commerciaux d’IA étant montée en flèche, de presque 200 fois, depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre.

L’AP a rapporté que l’armée israélienne utilise Azure pour transcrire, traduire et traiter les renseignements rassemblés grâce à la surveillance de masse, renseignements qui peuvent ensuite être vérifiés avec les systèmes de ciblage à base d’IA internes d’Israël et vice-versa.

Parallèlement, des groupes de défense des droits humains ont exprimé leurs inquiétudes sur l’utilisation des systèmes d’IA, qui peuvent être imparfaits et sujets à des erreurs, pour aider à décider qui ou quoi cibler, provoquant des morts de personnes innocentes.

Microsoft a dit jeudi que les inquiétudes des employés et les rapports des médias avaient poussé la compagnie à lancer un examen interne et à engager une entreprise extérieure pour procéder à une « investigation supplémentaire ». Cette déclaration n’identifiait pas l’entreprise extérieure et Microsoft n’a pas fourni de copie de son rapport.

La déclaration ne répondait pas non plus directement à plusieurs questions sur la manière exacte dont l’armée israélienne utilise ses technologies, et, vendredi, la compagnie n’a pas souhaité faire d’autres commentaires. Microsoft a aussi refusé de répondre à des questions écrites de l’AP sur la manière dont ses modèles d’IA ont aidé à traduire, classer et analyser le renseignement utilisé par l’armée pour choisir des cibles des frappes aériennes.

La compagnie a déclaré avoir fourni à l’armée israélienne des logiciels, des services professionnels, un stockage dématérialisé Azure et les services d’IA Azure, y compris de traduction, et a dit qu’elle avait travaillé avec le gouvernement israélien pour protéger son cyberespace national contre les menaces extérieures.

Microsoft a dit avoir aussi fourni « un accès spécial à nos technologies au-delà des termes de nos accords commerciaux » et « un soutien limité d’urgence » à Israël afin d’aider à secourir les plus de 250 otages pris par le Hamas le 7 octobre.

« Nous avons fourni cette aide avec un contrôle important et sur une base limitée, en particulier en approuvant certaines requêtes et en en refusant d’autres », a dit Microsoft. « Nous pensons que la compagnie a suivi ses principes sur une base réfléchie et prudente, afin d’aider à sauver les vies des otages tout en respectant la vie privée et les autres droits des civils à Gaza. »

La compagnie n’a pas dit si elle-même, ou l’entreprise extérieure qu’elle a engagée, a communiqué avec l’armée israélienne ou l’a consultée dans le cadre de son enquête interne. Elle n’a pas non plus répondu aux requêtes de détails supplémentaires sur l’assistance spéciale fournie à l’armée israélienne pour récupérer les otages, ou sur les mesures spécifiques destinées à protéger les droits et la vie privée des Palestiniens.

Dans sa déclaration, la compagnie a aussi concédé qu’« elle n’a pas de visibilité sur la façon dont les clients utilisent nos logiciels sur leurs propres serveurs ou d’autres appareils. » La compagnie a ajouté qu’elle ne pouvait pas savoir comment ses produits pourraient être utilisés grâce à d’autres fournisseurs de services dématérialisés commerciaux.

En plus de Microsoft, l’armée israélienne a des contrats étendus pour des services dématérialisés ou d’IA avec Google, Amazon, Palantir et plusieurs autres entreprises majeures de tech des États-Unis.

Microsoft a dit que l’armée israélienne, comme tout autre client, était obligée de suivre sa Politique d’utilisation acceptable et le Code de conduite de l’IA de la compagnie, qui interdisent d’utiliser ses produits pour infliger des préjudices de quelque façon interdite par la loi. Dans sa déclaration, la compagnie a dit qu’elle n’avait découvert « aucune preuve » que l’armée israélienne avait violé ces termes.

Emelia Probasco, chercheuse au Centre de sécurité et des technologies émergentes de l’université Georgetown, a dit que cette déclaration est digne d’attention parce que peu de compagnies commerciales de la tech ont établi si clairement des standards pour travailler mondialement avec des gouvernements internationaux.

« Nous sommes à un moment remarquable où une compagnie, et non un gouvernement, dicte ses termes d’utilisation à un gouvernement qui est activement impliqué dans un conflit », a-t-elle dit. « C’est comme si un fabriquant de tanks disait à un pays ‘vous pouvez seulement utiliser nos tanks pour ces raisons spécifiques’. C’est un nouveau monde. »

« Pas d’Azure pour l’apartheid », un groupe d’employés actuels et passés de Microsoft, a appelé vendredi la compagnie à rendre publique une copie complète du rapport d’enquête.

« Il est très clair que leur intention avec cette déclaration n’est pas de répondre vraiment aux inquiétudes de leurs employés, mais plutôt de faire une opération de communication pour blanchir leur image, que leur relation avec l’armée israélienne a ternie », a dit Hossam Nasr, un ancien employé de Microsoft renvoyé en octobre après qu’il a aidé à organiser au siège de la compagnie une veillée non autorisée pour les Palestiniens tués à Gaza.

Cindy Cohn, directrice exécutive de Electronic Frontier Foundation, a applaudi Microsoft vendredi pour son effort de transparence. Mais elle a dit que la déclaration soulevait de nombreuses questions laissées sans réponse, en particulier les détails sur la manière dont l’armée israélienne utilise les services de Microsoft et les modèles d’IA sur ses propres serveurs gouvernementaux.

« Je suis heureuse qu’il y ait un petit peu de transparence ici », a dit Cohn, qui a appelé de longue date les géants de la tech aux États-Unis à être plus ouverts à propos de leurs contrats militaires. « Mais il est difficile de concilier cela avec ce qui arrive effectivement sur le terrain. »

  • Photo : Les bureaux de Microsoft à Herzliya au centre d’Israël en 2018. Crédit : Seth Aronstam/Shutterstock.com