L’Université de Tel Aviv a mis au point des caméras en direct sur chiens pour une unité de l’armée liée aux attaques sur Gaza

L’unité canine a été en lien avec les attaques brutales contre les civils, dont l’agression sur un homme atteint de trisomie 21 qu’on a laissé mourir.

L’Université de Tel Aviv met au point une « salle de guerre d’ingénierie » qui met au point une technologie pour l’armée israélienne, dont un dispositif de diffusion en direct monté sur chien, utilisé par une unité canine liée aux attaques mortelles sur les civils palestiniens de Gaza.

Des détails sur ce travail sont révélés dans une vidéo postée la semaine dernière par l’université sur les réseaux sociaux et qui décrit comment elle a ouvert une « salle de guerre » sur le campus pour soutenir les centaines de professeurs et d’étudiants qui servent dans l’armée en tant que réservistes.

« Saviez-vous que, depuis le début de la guerre, une salle de guerre était en fonctionnement sur le campus pour prendre soin de nos combattants sur le terrain ? » dit le présentateur de la vidéo, identifié comme étant un diplômé de l’université.

La vidéo a fait remarquer que la majorité des soldats en service venaient de la Faculté d’Ingénierie. Elle dit qu’une « salle d’ingénierie de guerre » avait par ailleurs été installée pour « inventer des solutions aux défis de nos combattants en première ligne ».

Elle continue en décrivant comment l’une de ces innovations a permis aux soldats de l’unité canine de l’armée de diffuser en direct les images des caméras portées par leurs chiens

« Nous avons développé une solution immédiate et peu chère qui permet la diffusion en direct depuis les caméras portées par les chiens jusqu’aux soldats sur le terrain – cela n’existait pas jusqu’ici », dit la vidéo.

L’unité canine « Oketz » a été en lien avec quantité d’attaques brutales contre les civils palestiniens de Gaza.

En juillet, le Middle East Eye a fait un reportage sur la mort de Muhammad Bhar, homme de 24 ans qui souffrait d’une grave trisomie 21 et que les soldats israéliens ont laissé mourir après qu’il ait été déchiqueté par des chiens de l’armée dans sa maison familiale à l’Est de la ville de Gaza.

Son corps en décomposition a été retrouvé une semaine pus tard par sa famille.

L’armée israélienne a confirmé que ses soldats avaient abandonné Bhar tout seul afin de s’occuper de soldats blessés dans une attaque de RPG [grenade propulsée par fusée] sur un tank. « Les FDI regrettent les dommages sur les civils pendant les combats », a dit un porte-parole.

Des soldats israéliens et des chiens de l’armée de l’unité Oketz en opération à Gaza en décembre 2023 (FDI)

En juin, l’Observateur Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme a dit que l’armée israélienne se servait systématiquement de chiens pour attaquer les civils palestiniens à Gaza après que soit parue une vidéo d’une femme de 60 ans malmenée par un chien chez elle dans le camp de réfugiés de Jabalia.

Décrivant l’attaque, Dawlat Al-Tanani a fait remarquer que le chien portait une caméra sur le dos.

« Je me suis réveillée au bruit des forces israéliennes fracassant le mur pour entrer chez moi. Un chien portant une caméra sur le dos m’a attaquée pendant quelques secondes, me mordant à l’épaule, atteignant l’os avec ses crocs », a dit Tanani.

Il m’a traînée dehors. Alors que je hurlais, les soldats ont rigolé et ne m’ont offert aucune aide ni secours médical. »

Liens avec l’armée

D’après la vidéo de l’Université de Tel Aviv, au moins 1.700 étudiants de l’université ont combattu depuis le début de la guerre en octobre 2023, environ 400 réservistes demeurant en service actif.

L’université a bien établi les liens avec l’armée qui ont existé avant les guerres actuelles à Gaza et au Liban.

L’année dernière, l’université a lancé une initiative appelée le programme « Erez » qui a permis aux élèves officiers de l’armée d’étudier pour obtenir un diplôme en sciences humaines et sociales.

Le programme a suscité des plaintes d’associations étudiantes sur la militarisation de l’éducation, surtout de celles qui représentent les citoyens palestiniens d’Israël.

‘Certains de mes camarades étudiants participent à ces salles de guerre, concevant des méthodes plus efficaces pour mener à bien le génocide à Gaza.’ – Un étudiant palestinien de l’Université de Tel Aviv

Mais il était soutenu par Rachel Gali Cinamon, directrice de la faculté des Lettres et Sciences Humaines, qui a dit au site internet +972 : « Je ne pense pas qu’il y ait une autre armée au monde qui fasse quelque chose de semblable, qui forme ses soldats aux valeurs humanistes pendant leur service militaire. »

Certains étudiants palestiniens de l’université ont dit à L’œil du Moyen Orient qu’ils se sentent incroyablement isolés sur le campus.

« Je traverse l’université en sachant que certains de mes camarades étudiants participent aux salles de guerre, concevant des méthodes plus efficaces pour mener à bien le génocide à Gaza », a dit l’un d’eux sans vouloir être identifié de peur qu’on puisse le suspendre pour s’être exprimé.

« Ce mariage du militarisme et des institutions d’éducation fait qu’il est extrêmement dérangeant de m’engager sérieusement dans mes études, alors que je m’interroge constamment sur l’idéologie qui sous-tend ce qu’on nous enseigne. »

Le monde universitaire israélien fait l’objet d’un examen de plus en plus minutieux de ses liens avec l’armée et ses crimes de guerre présumés, de nombreuses institutions internationales suspendant leurs liens avec les universités du pays.

Jeudi, Amnesty International est devenue la dernière organisation à accuser Israël de mener une campagne de génocide à Gaza, où près de 45.000 Palestiniens ont été tués d’après le ministère palestinien de la Santé.

La campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions menée par les Palestiniens appelle depuis longtemps à un boycott académique des universités israéliennes qu’elle accuse de complicité dans la violation « du droit international » par Israël.

En avril, des universitaires israéliens d’institutions dont l’Université de Tel Aviv ont dit à Haaretz qu’ils faisaient face à « un boycott mondial sans précédent » à cause de l’indignation internationale au sujet de Gaza.

Mais certains font remarquer que les universitaires ont mis plus de temps à s’exprimer au sujet de la conduite de la guerre elle même et ont critiqué les responsables de l’université pour ne pas avoir pris leurs responsabilités au sujet des liens de leurs institutions avec l’armée.

Parlant à MEE, Anat Matar, professeure de philosophie à la retraite de l’Université de Tel Aviv, a critiqué les récents commentaires de Milette Shamir, vice-présidente de l’université pour les affaires internationales, dans lesquels Shamir a dit qu’elle n’avait souvent seulement pris conscience des collaborations avec l’armée que « quand une université de Belgique m’informe que des membres de notre corps enseignant ont été retirés d’un projet de recherche ».

« Comment se fait-il qu’elle n’ait pas cherché à être au courant ? » a dit Matar. « Son travail consiste au moins à savoir quelle est la part de son institution dans l’intensification de l’occupation. »

L’œil du Moyen Orient a sollicité des commentaires de la part de l’Université de Tel Aviv.

  • Photo : Une capture d’écran de la vidéo qui promeut le travail de l’Université de Tel Aviv sur les caméras pour chiens utilisées par l’armée israélienne. La légende dit « qui permet la diffusion en direct depuis la caméra du chien » (Capture d’écran)