L’Institut Droit et Société de l’université Humboldt de Berlin viole l’intégrité académique de manière répétée en invitant une juge de la Cour suprême israélienne

L’université Humboldt de Berlin, Institut Droit et Société, accueille l’événement « Les juges peuvent-ils protéger la démocratie ? » avec Daphne Barak-Erez, Cour suprême d’Israël, 26 mai 2025.

C’est avec un profond désarroi que nous vous écrivons sur l’abandon, par l’université Humboldt, Institut Droit et Société (Law & Society Institute, LSI), de ses normes et et de ses responsabilités éthiques, académiques et juridiques pour avoir invité, pour la deuxième fois depuis octobre 2023, une représentante de la Cour suprême israélienne, la juge Daphne Barak-Erez. Barak-Erez représente un tribunal qui « a mis un sceau d’approbation à toutes les actions d’Israël — la rétention de traitement médical, la disparition de personnes, le refus de l’accès des médias à Gaza, et par-dessus tout, l’affamement de la population of Gaza *(1) ».

Le 27 mars 2025,  la Cour suprême israélienne a rejeté une requête contre l’affamement des habitants de Gaza. Elle a accepté l’argumentaire de l’État selon lequel il n’y avait aucune restriction à l’entrée de nourriture dans Gaza, ni pénurie alimentaire là-bas *(2).

Que devrait être l’objectif de l’Institut Droit et Société, si ce n’est la confrontation avec la réalité empirique de l’allégation du droit à la légalité? Et donc dans l’esprit de notre engagement aux normes et à l’éthique de la recherche socio-juridique, nous commencerons par établir quelques faits empiriques :

  1. L’Institut LSI refuse de suivre sa propre méthodologie et efface la Palestine au passage :

Si l’on cherche le mot « Gaza » sur le site web du LSI, on obtient 0 résultat. La Nakba *(3) et le génocide *(4) en cours causés par l’État d’Israël sont maintenant dans leur 20e mois. Pendant ce génocide, les forces israéliennes ont assassiné en masse près de 53000 personnes (sans compter ceux dont les corps sont encore sous les décombres), dont 70% sont des enfants et des femmes. Le nombre écrasant de femmes et d’enfants montre qu’Israël a tué de manière indiscriminée des civils non armés dans une politique d’extermination.

Ceux et celles qui manifestent à Berlin contre cette violence génocidaire — étudiants, personnel administratif, universitaires, artistes — font l’expérience de la violence d’État allemande, de la brutalité policière et d’actions racistes et clairement illégales, particulièrement si ce sont des personnes racialisées. Tous sont témoins de la réduction au silence, institutionnelle et étatique, de leurs positions anti-génocide, particulièrement, mais pas de manière exclusive, s’ils sont Palestiniens *(5).

Et pourtant, LSI n’a pas envisagé qu’il lui fallait traiter ces crises entrecroisées des droits domestique et international, telles qu’elles se reflètent aussi dans la jurisprudence de la Cour internationale de justice. Une crise du droit libéral qui a été intensifiée de nombreuses façons par le soutien allemand, tant matériel que discursif, aux institutions d’État israéliennes, et qui est pourtant absente, effacée, du discours sur le droit et la société à LSI. Les recherches socio-juridiques, celles sur le droit et la société, ne sont pas seulement interdisciplinaires, elles reflètent activement la crise de la légalité et ses manifestations contextuelles. Le silence de LSI alors que le monde est témoin d’un génocide en temps réel sur les écrans montre un abandon par LSI de sa responsabilité académique.

 2. L’Institut Droit et Société blanchit les crimes de représentants de la Cour suprême israélienne

C’est la deuxième fois que l’Institut Droit et Société de l’université Humboldt invite Daphne Barak-Erez, juge siégeant à la Cour suprême israélienne, depuis le début du génocide en cours à Gaza et de la violence ciblée croissante, du siège militaire illégal du territoire palestinien occupé, de l’usurpation continuelle des terres et du déplacement des communautés palestiniennes. Jeudi 8 février 2024, Barak-Erez a participé à une table ronde, « Juger dans une démocratie constitutionnelle », organisée conjointement par la Faculté de droit de l’université Humboldt, l’université de Münster et le Centre pour les droits fondamentaux de l’École Hertie. Des manifestants étudiants ont confronté la juge à son héritage judiciaire, qui inclut la longue liste de décisions horribles du tribunal qui suit :

  • La Cour suprême israélienne, y compris Daphne Barak-Erez, a soutenu la Loi de l’État-nation juif d’Israël, une décision qui garantit l’auto-détermination exclusive aux seuls juifs, légalise ainsi l’ethno-nationalisme juif au détriment de l’auto-détermination palestinienne et encourage l’activité de colonisation juive en tant que tâche de « valeur nationale » constitutionnelle *(6).
  • Daphne Barak-Erez et ses collègues de la Cour suprême israélienne ont aussi approuvé des détentions administratives arbitraires de Palestiniens innocents sans procès ni preuves ni accusations d’un crime quelconque *(7).
  • Barak-Erez et ses collègues de la Cour suprême israélienne ont approuvé le vol de terres, la dépossession et l’expulsion de 80 familles palestiniennes, dans le quartier de Silwan à Jérusalem*(8).
  • Barak-Erez et ses collègues de la Cour suprême israélienne ont soutenu dans de nombreux jugements la destruction de maisons palestiniennes comme forme de punition collective*(9).
  • En janvier 2024, Barak-Erez et ses collègues ont rejeté la requête de la Foreign Press Association [Association de la presse étrangère] d’accéder à Gaza assiégé *(10). À un moment où la presse étrangère est extrêmement cruciale pour documenter l’étendue des crimes d’Israël contre la population palestinienne de Gaza, la Cour a jugé qu’elle soutenait la liberté de la presse en refusant l’entrée de la presse étrangère à Gaza sans intégration à l’armée israélienne.

Étant donné que LSI a abandonné ses responsabilités académiques, éthiques et juridiques, l’Institut Droit et Société de l’université Humboldt de Berlin devrait peut-être cesser d’occuper l’espace avec des discussions sur le droit et la société. Si LSI envisage d’avoir un engagement éthique et moral quelconque envers la justice, la liberté, l’égalité et l’humanité, en tant qu’Institut sur le droit et la société, nous souhaitons qu’il reconsidère s’il est approprié de maintenir l’événement du 26 mai. Si à l’avenir l’Institut veut avoir un dialogue honnête et sans biais sur l’état de la démocratie, des droits humains et de la règle du droit dans la région, nous recommandons qu’il envisage d’inviter Raji Sourani, Shawal Jabarin ou Hassan Jabareen pour une discussion à LSI.

*Notes

(1) Nir Hasson, Chen Maanit​, A Lost Battle for Human Rights: Throughout the War Israel’s High Court Has Denied All Requests to Protect Gazans , 23 mai 2025, Haaretz.

(2) Neve Gordon, Muna Haddad, How did the Israeli Supreme Court Legitimise Starvation as a Weapon of War? An Autopsy of a Ruling (Part 1) – Opinio Juris.

(3) Eghbariah, R., 2024. Toward Nakba as a legal concept. Columbia Law Review, 124(4), pp.887-992.Disponible https://columbialawreview.org/content/toward-nakba-as-a-legal-concept/ (accès 23 mai 2025).

(4) OHCHR, UN Special Committee finds Israel’s warfare methods in Gaza consistent with genocide, including use of starvation as weapon of war , 14 novembre 2024; Amnesty International, Amnesty International investigation concludes Israel is committing genocide against Palestinians in Gaza , 5 décembre 2024; University Network for Human Rights,Genocide in Gaza: Analysis of International Law and its Application to Israel’s Military Actions since October 7, 2023 — , 15 mai 2024; Fatima Al-Kassab , ICJ says it’s ‘plausible’ Israel committed genocide in Gaza, 26 janvier 2024, NPR; Lemkin Institute for Genocide Prevention and Human Security,  The Lemkin Institute condemns Israel, Europe, Canada, and the USA for Gaza Genocide , 6 avril 2025 ; Communiqué de presse des Nations Unies, The Acting Special Adviser on the Prevention of Genocide and the Special Adviser on the Responsibility to Protect Raise Alarm over Escalation of Violence in Gaza, 19 mars 2025, available at  https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/statement_special_advisers_genocide_prevention_and_r2p_on_gaza_19032025.pdf ; Human Rights Watch,  Israel’s Crime of Extermination, Acts of Genocide in Gaza , 19 décembre 2024;   Kasper van Laarhoven, Eva Peek , Derk Walters, Zeven gerenommeerde wetenschappers vrijwel eensgezind: Israël pleegt in Gaza genocide, 14 mai 2025, disponible à t https://www.nrc.nl/nieuws/2025/05/14/zeven-gerenommeerde-wetenschappers-vrijwel-eensgezind-israel-pleegt-in-gaza-genocide-a4893293;  Imogen Foulkes, Gaza war: UN rights expert accuses Israel of acts of genocide , 26 mars 2024, BBC. ECCHR,  ​​Gaza and the matter of genocide: décembre 2024; OHCHR, End unfolding genocide or watch it end life in Gaza: UN experts say States face defining choice, 7 mai 2025; Human Rights Watch, Gaza: Latest Israeli Plan Inches Closer to Extermination, 15 mai 2025.

(5) ELSC, Executive Summary of the ELSC database of anti-Palestinian repression, disponible à https://elsc.support/wp-content/uploads/2025/05/ELSC-Executive-Summary-of-the-ELSC-database-of-anti-Palestinian-repression.pdf (accès 24 mai 2025)

(6) Hasson v. The Knesset,  HCJ 5555/18, 22 décembre 2020. 

(7) Par exemple, John Doe v. Minister of Defense, Admin Detention Appeal, 406/21, 28 janvier 2021.

(8) Sarahan v. The Custodian General, HCJ 7446/17, 21 novembre 2018.

(9) Rabha v. Military Commander of the West Bank, HCJ 480/21, 27 janvier 2021.

(10) TOI Staff, High Court says Israel can keep barring foreign reporters from Gaza, 10 janvier 2025, Times of Israel.

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