Lettre au Secrétaire Général de l’ONU au sujet des pratiques des agences de l’ONU à Gaza, qui violent le droit humanitaire international et aident les objectifs de guerre d’Israël

Tandis que la faim et la soif deviennent une réalité pour des millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, les organisations palestiniennes soussignées font état, par cette lettre, de leurs sérieuses préoccupations au sujet de la quantité d’aide qui entre à Gaza, de sa distribution et des conséquences de la complaisance des agences de l’ONU vis-à-vis de la restriction illégale exercée par Israël sur les secours humanitaires.

Son Excellence Mr. Antonio Guterres,
Secrétaire Général
Nations Unies
New York, NY 10017

Votre Excellence,

Tandis que la faim et la soif deviennent une réalité pour des millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, les organisations palestiniennes soussignées écrivent pour faire état de leurs sérieuses préoccupations au sujet de la quantité d’aide qui entre à Gaza, de sa distribution et des conséquences de la complaisance des agences de l’ONU vis-à-vis de la restriction illégale exercée par Israël sur les secours humanitaires.

La Quatrième Convention de Genève Relative à la Protection de Civils en Temps de Guerre (1949), applicable dans le contexte des bombardements et invasion terrestre sans relâche sur Gaza, défend le droit à l’accès et au secours de toutes les personnes protégées par ses dispositions. Conformément à l’article 4, ceux qui vivent dans des territoires occupés sont expressément inclus dans la catégorie des personnes protégées. Si tout ou partie de la population d’un territoire occupé est desservie de façon inadéquate, l’Article 59 requiert d’Israël, en tant que puissance occupante, d’approuver que des opérations de secours soient menées en direction de cette population et de « les faciliter par tous les moyens à sa disposition ». L’obligation juridique qu’a Israël de faciliter, plutôt que d’empêcher, les secours est encore soulignée dans l’article 70.2 du Premier Protocole Additionnel (1977) qui établit que « le passage rapide et sans encombre de tous les envois, équipements et personnel de secours » soit autorisé et facilité.

L’importance du droit d’accès a conduit à son classement comme norme juridiquement contraignante inscrite dans les Règles 55 et 56 du droit humanitaire coutumier. C’est à la fois un devoir et une responsabilité confiée à des organisations de secours qui ont pour tâche de fournir de l’aide et l’obligation de protéger les populations qu’elles assistent en vertu de leur présence sur le terrain. Le droit international humanitaire confère aussi un droit d’initiative qui habilite des agences humanitaires impartiales à offrir leurs services et à agir en l’absence du droit et de droits. La Convention de Genève interdit aux parties au conflit de refuser de tels services si et lorsqu’ils sont nécessaires.  Les agences humanitaires de l’ONU telles que l’UNICEF, l’UNWRA et l’OMS sont gouvernées par les principes fondamentaux d’humanité, d’impartialité et d’indépendance. C’est le respect de ces principes, qui découlent de la Convention de Genève et qui sont au cœur du droit international humanitaire, qui garantit aux organisations humanitaires leur droit d’être présentes sur le terrain et l’autorité d’agir au mieux des intérêts des civils et des personnes protégées lors de conflits armés. Or, via leur coordination extensive avec Israël sur la livraison et la distribution de l’aide et leur obéissance consécutive à des restrictions illégales, les agences de l’ONU ont échoué à agir en toute indépendance. Ce faisant, elles ont compromis l’humanité.

En dépit du cadre très développé et exhaustif du droit international humanitaire et de l’obligation juridique contraignant Israël à agir en accord avec les droits y inscrits, moins de dix pour cent de l’aide nécessaire entre à Gaza. Le 7 décembre, seuls 69 camions transportant des fournitures humanitaires et 61 000 litres de fuel ont eu l’autorisation d’entrer depuis l’Égypte – une fraction des 500 cargaisons qui entraient à Gaza chaque jour ouvrable avant le 7 octobre. À cause de l’intensité de l’assaut d’Israël sur Gaza s’ajoutant au blocus total, faire passer toute l’aide par le seul passage de Rafah (qui est attaqué quotidiennement par les forces armées israéliennes) n’est pas une solution réaliste.

Alors même que des efforts en cours pour ouvrir le passage de Karem Abu Salem sont bienvenus, ils sont insuffisants. Tous les passages, en particulier Erez, sont nécessaire à assurer que le centre et le nord de Gaza et que leurs habitants ne soient pas abandonnés. Forcer l’ouverture de points d’entrée couvrant la totalité de Gaza résoudrait aussi immédiatement le problème de camions et d’équipes bloqués qui ne donne que plus d’importance à l’enjeu des actions d’assistance humanitaire.

Permettre que le nord de Gaza (la ville de Gaza incluse) soit exclu d’une aide vitale a des conséquences dévastatrices pour les nombreux Palestiniens qui restent piégés sous les décombres, qui sont assiégés à l’hôpital Kamal Adwan, qui ont été dans l’incapacité physique de se rendre au sud ou qui sont bloqués et blessés à l’hôpital Indonésien et à l’hôpital Al Shifa, pour ne nommer que deux des établissements médicaux qui manquent de carburant et de matériel. Moins immédiatement apparentes sont les conséquences bien plus insidieuses du contrôle serré d’Israël sur la distribution des secours humanitaires. Dans son effort pour annexer Gaza et déplacer de force ses habitants, l’armée israélienne a divisé le territoire – une division qu’il met en oeuvre avec une violence indiscriminée, même durant la pause humanitaire du 24 au 30 novembre

Averti de l’effet naturel d’appel d’air de l’aide humanitaire, Israël a vidé le territoire de ses habitants et a poussé de force les personnes déplacées vers des zones de l’enclave se restreignant rapidement. Pour autant, c’est l’ONU qui est responsable en dernière analyse du succès de cette opération. L’ONU a abandonné son devoir dicté par le droit international humanitaire : elle s’est contentée de ne pas agir de concert avec une politique qui équivaut au crime international de déplacement forcé mais aussi en motivant (les Gazaouis) à se déplacer vers le sud dans l’espoir d’accéder à une aide éminemment nécessaire introuvable ailleurs. 

Des préoccupations de sécurité générale et la nécessité militaire – aucune des deux n’ayant abouti – ont été citées comme étant la base de la restriction de l’assistance humanitaire. L’ONU a peu fait pour mettre en question ce narratif et n’a pris aucune mesure pour faire pression sur Israël pour qu’il se plie à ses obligations légales en tant que puissance occupante. Faute d’appliquer le droit d’accès et d’initiative, Israël a décidé des termes et du contenu de tout secours humanitaire entrant à Gaza. Ce sont des décisions dans lesquelles Israël ne devrait jouer aucun rôle, sans parler du pouvoir d’imposer ses décisions sans rencontrer pratiquement d’opposition. Les agences humanitaires respectant les règles d’une puissance occupante ou d’une partie prenante aux hostilités plutôt qu’aux lois et coutumes du droit international humanitaire, établissent un dangereux précédent qui peut se répéter dans de futurs conflits armés s’il n’est pas rapidement rectifié. À part un avertissement sur les risques à venir issus de l’abandon des guides que sont les principes humanitaires, la présence continue d’agences de secours et de personnel international dans une zone de conflit garantit que des crimes internationaux ne seront pas commis sans témoins et que les événements ne demeureront pas non documentés.

La fourniture d’aide humanitaire selon les dispositions et principes du droit international humanitaire ci-dessus mentionnés, est à la fois une obligation juridique et un impératif moral des agences de l’ONU. Pour éviter de futures pertes vitales dues à des blessures impossibles à soigner à cause du manque de matériel médical, au déplacement forcé vers des zones où il n’y a aucune chance de survie, à la soif et à la faim et aux maladies en développement rapide tenant aux conditions malsaines spécialement conçues par Israël pour éradiquer la population de Gaza, l’ONU doit faire plus. Elle doit assurer que le droit international humanitaire n’est pas une simple référence mais qu’il est mis en application. Elle doit poursuivre un plan de distribution de l’aide qui ne dépende pas de l’approbation des autorités israéliennes et qui atteigne tous ceux qui en ont besoin. L’ONU doit aussi maintenir un personnel international à l’intérieur de Gaza. Elle doit fournir des secours aux gens de Gaza.

Bien sincèrement,

Bisan Center for Research and Development
Women’s Centre for Legal Aid and Counselling
Palestinian Human Rights Organizations Council
• Addameer Prisoners Support and Human Rights Association
• Al-Haq
• Hurryyat- Center for Defence of Civil Liberties and Human Rights
• Jerusalem Center for Legal Aid and Human Rights
• Al Mezan Center for Human Rights
• Aldameer Association for Human Rights
• Defence for Children International – Palestine
• The Palestinian Centre for Human Rights
• Muwatin Institute for Democracy and Human Rights (Observer)
• Independent Commission for Human Rights (Observer)
Palestinian NonGovernmental Organizations Network (PNGO)
Human Rights and Democracy Media Center “SHAMS”
Sharek Youth Forum
Women’s Studies Center
Arab World Democracy and Electoral Monitor (Al- Marsad)
Union of Agricultural work Committees (UAWC)
The Center for the Defense of Liberties “Hurriyat”
The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy- MIFTAH
The Civil Commission for the Independence of Judiciary and Rule of Law (ISTIQLAL)
FILISTINIYAT
PYALARA
Palestinian Working Woman Society for Development (PWWSD)
Aman Coalition
The Palestinian Center for Development and Media Freedoms (MADA)
Teacher Creativity Center
Alrowwad Cultural and Arts Society
Health Work Committees
Mothers School Society
Palestinian Medical Relief Society
The Palestine Institute for Public Diplomacy (PIPD)