Vision du monde d’Israël : L’UE a implicitement envoyé le message qu’elle accepte ce qu’Israël fait aux Palestiniens.
L’attention mondiale s’est détournée de Gaza pendant les deux semaines de la guerre entre Israël et l’Iran — un bénéfice collatéral du point de vue d’Israël, pas de doute. Mais que le monde regarde ou non, le meurtre quotidien par Israël de Palestiniens affamés à Gaza ne s’est jamais arrêté. Et maintenant, avec des indices sur une extension possible des Accords Abraham, Israël serait ravi de détourner une fois de plus l’attention du carnage qu’il continue à infliger à la population civile de Gaza.
Une telle extension régionale servirait à faire avancer un autre objectif clé des accords : expliciter pour les Palestiniens comment Israël peut regarder par-dessus leurs têtes, non pas vers Ramallah, ni Rafah, mais vers Abu Dhabi et — idéalement — Riyad. Le regard stratégique d’Israël reste le même : passer outre ces Palestiniens éliminés pour regarder en direction de négociations à mener dans le Golfe et au-delà.
Bien sûr, cette élimination violente et approuvée par l’État n’est pas limitée seulement à Gaza. Presque chaque jour des pogroms contre une population palestinienne sans défense en Cisjordanie ont eu pour résultat — jusqu’à présent — le nettoyage ethnique d’une zone « plus vaste que toute la Bande de Gaza ». Et la violence continue.
Pourtant au milieu de tout le bain de sang et de la destruction, les Palestiniens ne sont pas éliminés. Ils sont juste ici — et ils forment toujours la moitié des personnes qui vivent entre le fleuve et la mer. L’avenir des Israéliens et des Palestiniens — tout comme notre présent et notre passé — est ici. C’est la réalité à laquelle il faut faire face.
Tout cela est bien connu. Et, de façon stupéfiante, l’Europe non seulement tolère tout cela mais en fait y souscrit à travers des partenariats variés avec Israël, et au premier rang d’entre eux l’accord d’association entre l’UE et Israël. L’accord — supposé « basé sur le respect pour les droits humains et les principes démocratiques — vient de subir un « examen », tellement tardivement. Sa conclusion ? Qu’« il y a des indications qu’Israël violerait ses obligations vis-à-vis des droits humains ». L’action qui en résulte de la part de l’UE ? Aucune.
Chaque nouveau jour d’inaction européenne est un jour dans lequel l’Europe énonce un message clair aux Israéliens. Quel est ce message ? Que l’UE n’a pas de problème (peu importe une critique de façade occasionnelle) avec ce que fait Israël aux Palestiniens ; que les assassinats et l’oppression ont en réalité le feu vert, de Bruxelles, de Paris, de Berlin et de Dublin, pour se poursuivre. Certes, l’Union européenne n’a peut-être pas les moyens de faire cesser tout cela. Mais elle a au moins l’obligation de base de ne pas y participer, ni d’y souscrire, ni d’en être continûment complice. Et certainement, elle dispose de considérables moyens réels pour cela.
Ce genre de moyens — peut-être ce que le président français Emmanuel Macron voulait dire quand il a récemment parlé de « mesures concrètes » — a rarement été utilisé pour contrer la violence de l’État israélien. Dans les dernières années, une modeste vague de sanctions personnelles contre des « colons violents » est apparue — et est clairement une mesure dans la bonne direction. L’annonce la plus récente, plus tôt en juin, par le Royaume-Uni et d’autres; que des sanctions personnelles visaient deux ministres israéliens — Bezalel Smotrich and Itamar Ben-Gvir— est encore un autre pas en avant. Des pas supplémentaires pourraient maintenant suivre, d’États individuels, à défaut de lUE, ou d’alignements ad-hoc d’États, partageant les mêmes opinions.
Mais les sanctions personnelles, à ce jour, ont clairement échoué à arrêter tant la violence elle-même que l’impunité dont jouissent les coupables. La logique au coeur des sanctions contre des colons individuels — ou contre quelques-uns de leurs dirigeants politiques — a été défectueuse dès le départ. Les colonies — et toute la violence, la dépossession et la perte des terres et des moyens d’existence palestiniens qui viennent avec elles— ne sont pas le projet de « quelques colons individuels », ni même de l’extrême-droite politique israélienne. C’est un projet de l’État israélien — de fait, un projet violent — soutenu depuis des décennies par tous les gouvernements israéliens par des décisions, la police, les subventions, la planification et la puissance militaire.
À cause de cela, l’examen de l’accord d’association — et sa suspension — aurait pu agir au niveau approprié auquel les politiques israéliennes doivent être abordées. Agir effectivement contre ces politiques israéliennes recevrait une réponse israélienne prévisible : il faut s’attendre à des accusations d’ « antisémitisme » et de « BDS », selon le script habituel. Pourtant, suspendre l’accord d’association — ou une action similaire au niveau gouvernemental approprié — ne serait rien de tout cela. Cela serait simplement la conséquence de la propre remise en cause par Israël de ses obligations internationales, découlant directement des politiques criminelles et cruelles d’Israël.
Pour avoir un impact sur les politiques israéliennes, il faut avoir un impact sur Israël. Pas sur un colon spécifique, pas même sur une organisation spécifique de colons : car l’« organisation de colons » réelle est l’État d’Israël lui-même.