Mieux que les réussites du boycott économique, académique et culturel, BDS a réussi à saper l’acquis le plus important de la diplomatie publique israélienne : l’image libérale et démocratique d’Israël dans le monde.
Gilad Erdan fait partie des belles histoires du mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions, de même que le ministère des Affaires Stratégiques qu’il dirige. De même que la loi anti-boycott. Tout militant des droits de l’Homme expulsé d’Israël ou interrogé à l’aéroport international Ben Gurion est une belle histoire de BDS. La lettre de l’Union Européenne de Radio-Télévision est une autre réussite du mouvement mondial pour boycotter Israël.
Plus que Lana Del Rey annulant sa visite, plus que SodaStream déménageant son usine de Cisjordanie jusqu’au Negev et plus que les réalisations du boycott économique, académique et culturel, BDS a réussi dans un domaine différent, sans effort et peut-être sans le vouloir. Il a sapé l’acquis le plus important de la diplomatie publique israélienne : l’image démocratique et libérale d’Israël dans le monde. C’est l’Union Européenne de Radio-Télévision, entre autres choses, organisation non politique, qui a le mieux décrit l’étendue des dommages pour Israël. L’organisation a comparé Israël à l’Ukraine et à l’Azerbaïdjan pour les conditions mises en place pour que ces pays accueillent le Concours de Chansons de l’Eurovision.
L’Ukraine et l’Azerbaïdjan, que personne ne considère sérieusement comme des démocraties, dans le même sac qu’Israël. Voilà comment les organisateurs de l’Eurovision voient Israël.
Le concours de chansons s’est tenu deux fois auparavant à Jérusalem, et personne n’avait pensé à y mettre des conditions pour garantir les libertés civiques des participants. Maintenant, on est obligé de garantir, à l’avance et par écrit, ce qui va de soi dans une démocratie : la liberté d’entrer dans le pays et la liberté de circuler pour quiconque vient participer à la compétition.
En Israël, comme en Ukraine et en Azerbaïdjan, cela ne va plus de soi. 13 ans après sa création, le mouvement BDS ne pouvait rêver d’un plus grand triomphe.
Le principal crédit, bien sûr, en revient au gouvernement israélien qui, en déclarant la guerre à BDS, a été d’une grande aide pour le mouvement. Avec un commandant comme Erdan qui est indigné devant l’ingérence dans les « lois d’un Etat démocratique » et ne comprend pas à quel point ses mots sont grotesques, et avec un ministère qui n’est rien d’autre qu’une police internationale de la pensée, le gouvernement dit au monde : Israël n’est pas ce que vous imaginiez. Avez vous pensé pendant des années qu’Israël était une démocratie libérale ? Avez vous fermé les yeux sur ce qui se passait dans son arrière-cour ? Avez vous pensé que l’occupation n’était pas liée à l’État, qu’elle pouvait être maintenue dans une démocratie, et qu’elle disparaîtrait momentanément ? Qu’au moins l’Israël souverain fait partie de l’Occident ? Eh bien, vous vous trompiez.
Le gouvernement a arraché son masque. Non seulement BDS, mais tous ceux qui défendent les droits de l’Homme devraient lui en être reconnaissants. La guerre contre BDS, mouvement de protestation légitime et non violent, a entraîné Israël sur un nouveau territoire. Omar Barghouti et ses collègues peuvent se frotter les mains tous ensemble de satisfaction et d’orgueil. Ils ont commencé à démanteler de l’intérieur aussi le régime d’Israël. Aucun gouvernement n’a un ministère des Affaires Stratégiques qui espionne ceux qui critiquent l’État et son gouvernement dans le monde entier et dresse des listes noires de personnes qui sont interdites d’entrer dans le pays à cause de leur vision du monde ou de leurs activités politiques.
Aucune démocratie ne demande à ses invités leurs opinions à ses frontières comme condition pour leur entrée. Aucune démocratie n’explore les ordinateurs de ses visiteurs et leur style de vie quand ils arrivent et quand ils s’en vont. Peut-être l’Ukraine et l’Azerbaïdjan le font-ils, la Turquie et la Russie aussi.
On aurait pu, on aurait dû, en discuter préalablement et aussi qu’Israël ne méritait pas d’être vu comme une démocratie, à cause de l’occupation. Mais maintenant, Israël a dépassé la ligne. Il n’a pas effacé seulement la Ligne Verte, il a entamé le travail d’annexion, y compris un mouvement progressif du régime vers l’ouest en Cisjordanie. Le fossé entre les deux régimes, dans les territoires occupés et en Israël, est encore énorme, mais les lois votées ces dernières années l’ont rétréci ;
La chic vitrine de l’État, avec ses néons brillants et son cellophane rutilant de liberté et d’égalité ; de députés et de pharmaciens arabes ; ouverte aux homosexuels, avec une vibrante vie nocturne et tous ses autres aspects brillants, commence à craquer. Les organisateurs de l’Eurovision le reconnaissent.