Le ministre de la Défense d’Israël appelle le siège de Jénine un « changement … dans la stratégie de la sécurité », alors que la Croix-Rouge palestinienne dit que les ambulances ne peuvent atteindre les morts et les blessés
Les forces israéliennes ont assiégé un hôpital du gouvernement palestinien à Jénine et un camp de réfugiés à proximité, au cœur de la cité, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, disant que l’attaque marquait « un changement — dans la stratégie de la sécurité » en Cisjordanie.
Les forces de défense d’Israël (FDI) ont déclaré mercredi avoir exécuté des frappes aériennes sur Jénine et fait détoner des engins explosifs en bord de route. Le ministre palestinien de la Santé a dit qu’au moins 10 personnes avaient été tuées à Jénine et plus de 40 blessées.
La Croix-Rouge palestinienne a dit que ses ambulances avaient été empêchées d’atteindre un grand nombre de morts et de blessés qui gisent dans les rues des quartiers autour du camp de réfugiés de Jénine.
« Personne ne peut briser le siège du camp de réfugiés et de la zone environnante », a dit Nebal Farsakh, porte-parole de la Croix-Rouge palestinienne. Leur personnel médical avait traité sept morts et 17 personnes blessées, tous par balles réelles, a-t-elle ajouté.
Le raid israélien croissant contre Jénine a continué malgré le récent cessez-le-feu à Gaza, interrompant une attaque israélienne contre le territoire qui avait duré 15 mois après les attaques du 7 octobre 2023 par le Hamas contre des villes et des kibboutz israéliens autour de Gaza.
Alors que le cessez-le-feu à Gaza est devenu effectif il y a moins d’une semaine, les forces israéliennes ont indiqué le début d’une opération militaire renouvelée dans toute la Cisjordanie.
Wissam Bakr, le directeur de l’hôpital gouvernemental Khalil Suleiman à Jénine, a déclaré : « La situation actuelle est horrible. Les forces israéliennes ont détruit les routes devant l’hôpital. Elles mettent les décombres venant des rues détruites devant les sorties de l’hôpital pour empêcher les ambulances d’entrer ou de partir. »
Il a estimé que 600 membres du personnel médical ou patients environ s’abritaient à l’intérieur de l’hôpital, craintivement entassés sur tous les lits, les chaises ou les espaces qu’ils pouvaient trouver. Les provisions de nourriture et d’eau dans l’hôpital ne dureront que quelques jours. Un drone israélien avait été entendu, terrifiant les personnes blotties dans l’hôpital.
Deux infirmiers et trois médecins avaient été abattus mardi sur la route principale menant à l’hôpital, a-t-il ajouté.
« Jusqu’à maintenant les forces israéliennes sont à l’extérieur », a dit Bakr, envoyant une photo d’un bulldozer militaire israélien qui semble dégager une partie des décombres à l’entrée du complexe hospitalier. Le son des tirs était audible par intermittence dans le téléphone pendant qu’il parlait.
L’escalade à Jénine s’est produite lorsque les forces israéliennes ont paralysé les entrées et les sorties de villes palestiniennes dans toute la Cisjordanie en utilisant des checkpoints. Dans les premières heures de mercredi, des soldats israéliens ont aussi lancé un raid contre le camp de réfugiés de Aida situé au nord de Bethléem et à Tulkarm. L’agence d’information palestinienne Wafa a dit qu’au moins 29 personnes avaient été arrêtées en Cisjordanie mercredi matin, la plupart d’entre eux étant des hommes jeunes.
Un comité de l’Organisation de libération palestinienne suivant l’activité israélienne dans le territoire a rapporté que les FDI avaient augmenté le nombre des checkpoints militaires et des grilles de fer, atteignant presque 900. Les FDI n’ont pas fait de commentaires sur le nombre précis des nouveaux checkpoints.
Son porte-parole international, le lieutenant colonel Nadav Shoshani, a dit lors d’une conférence de presse mercredi : « Notre méthode pour combattre le terrorisme, garantissant que les terroristes ne puissent s’échapper tout en permettant aux civils de se déplacer librement, repose fortement sur les checkpoints.
« Les checkpoints sont un outil que nous utilisons dans la lutte contre le terrorisme, permettant le déplacement des civils tout en fournissant un niveau de filtrage empêchant les terroristes de s’échapper et de miner l’opération.
« Cette approche est bien meilleure que de fermer une zone entièrement ou de permettre le déplacement sans restriction des terroristes. Pendant les opérations, des checkpoints spécifiques sont d’habitude établis pour empêcher la fuite des terroristes. Cette méthode est essentielle pour équilibrer liberté de mouvement et sécurité. »
Aseel Baidoun de l’organisation Medical Aid for Palestinians [Aide médicale pour les Palestiniens] s’exprimant depuis Ramallah, a dit : « Depuis deux jours nous avons vécu un confinement militaire étendu. L’armée israélienne a placé des centaines de nouveaux checkpoints qui rendent presque impossible le déplacement entre les villes et les cités. Des gens ont rapporté que les délais aux checkpoints sont en moyenne de six à huit heures. »
« Les gens sont coincés dans leurs villes et leurs cités, incapables d’aller travailler », a-t-elle dit. « C’est une prison à ciel ouvert ; nous avons le sentiment de ne pas pouvoir nous déplacer. Si vous voulez aller de Ramallah à Jéricho, c’est impossible, et c’est presque impossible même d’atteindre les villages proches. Il n’y a pas seulement des restrictions sur les déplacements, mais aussi des attaques insensées de la part des colons. »
Shoshani a appelé les opérations militaires dans toute la Cisjordanie « des opérations précises pour cibler et combattre les terroristes tout en permettant à la population civile de poursuivre leurs vies ».
Bien que le maire de Jénine, Mohammad Jarar, ait dit à Wafa que les forces israéliennes avaient appelé à l’aide d’un haut-parleur les habitants de certains quartiers de Jénine d’évacuer, Shoshani a baptisé de « fake news » [informations fausses] les rapports d’évacuations forcées.
Shoshani a dit : »Nous devons apprendre du 7 octobre et ne pas laisser des groupes terroristes se regrouper et se réarmer, et planifier des attaques à quelques centaines de mètres de nous. »
Wafa a rapporté que l’armée israélienne avait aussi fait irruption dans plusieurs villes autour de Ramallah et El-Bireh, mais ni arrestation ni heurts n’ont été mentionnés.
Mardi le ministre des Finances d’Israël, Bezalel Smotrich, d’extrême-droite, a dit : « Après Gaza et le Liban, aujourd’hui, avec l’aide de Dieu, nous avons commencé à changer le concept de la sécurité en Judée et Samarie et dans la campagne pour éradiquer le terrorisme dans la région », utilisant le nom biblique par lequel les Israéliens se réfèrent à la Cisjordanie.
Mais le professeur Yagil Levy de l’Open University of Israel [Université ouverte d’Israël] a déclaré : « Il n’y a aucune justification opérationnelle pour une action en Cisjordanie ».
« Une opération récente de l’Autorité palestinienne ciblant le Hamas à Jénine, bien que controversée car perçue comme un soutien aux objectifs d’Israël dans le territoire, a montré que l’Autorité était capable de garder le contrôlé à Jénine et à Gaza », a-t-il dit.
La décision d’Israël de lancer une opération militaire à Jénine, a dit Levy, a été conçue pour miner l’Autorité palestinienne et son retour potentiel à Gaza, pour déstabiliser la Cisjordanie et continuer à annexer furtivement le territoire, et « pour apaiser Smotrich et son parti. »
Smotrich, a-t-il dit, « a demandé que le combat en Cisjordanie soit ajouté aux objectifs de guerre d’Israël à Gaza. En retour, il a accepté la première phase de l’accord sur les otages et s’est abstenu de renverser le gouvernement ».
Le Bureau des droits humains des Nations Unies dans les Territoires palestiniens occupés (OHCHR) a dit : « Les déclarations publiques des responsables militaires israéliens soulèvent des inquiétudes sur les plans d’Israël pour étendre et intensifier les opérations en Cisjordanie occupée. »
L’attaque israélienne contre Jénine a aussi été accompagnée par un accroissement de la violence des colons dans toute la Cisjordanie, avec des indications que les colons ciblent les villages où des prisonniers palestiniens ont été relâchés dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu et de l’échange des otages.
Les colons israéliens mettent le feu aux véhicules et aux propriétés dans des villages autour de Qalqilya dans le nord de la Cisjordanie ainsi qu’à Turmus Aya près de Ramallah.
Plus de 21 Palestiniens en Cisjordanie occupée ont été blessés en conséquence des attaques des colons israéliens, dont trois enfants.
Tard mercredi, l’armée israélienne a dit avoir tué un militant du Jihad islamique à Gaza, le premier mort rapporté depuis le début du cessez-le-feu dans le territoire.
Le ministre de la Santé de Gaza a confirmé qu’une personne avait été tuée et a dit que quatre autres personnes étaient blessées.
Alors que les Palestiniens de Gaza sont retournés vers leurs maisons, le personnel médical du territoire a dit qu’environ 200 corps avaient été retrouvés sous les débris depuis que le cessez-le-feu entre le Hamas et Israël a pris effet dimanche.
Le chef de la défense civile de Gaza, Mahmoud Basal, estime que les corps d’environ 10000 Palestiniens tués pendant le conflit sont encore à retrouver et à inhumer.
Les attaques israéliennes ont tué plus de 46700 Palestiniens à Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire. La guerre a commencé après une attaque transfrontalière du Hamas contre Israël, quand des militants ont tué environ 1200 personnes et pris 250 otages.