La résolution de l’ONU, cette semaine, a considérablement changé le contexte juridique de l’occupation israélienne du territoire palestinien.
La résolution de l’assemblée Générale des Nations Unies de mercredi a créé un changement juridique considérable, engagé par la cour de justice internationale (CIJ) en juillet, sur la façon dont nous comprenons l’occupation par Israël du territoire palestinien. La réponse du gouvernement des États Unis suggère un refus de reconnaître la nouvelle réalité juridique dans laquelle se trouve désormais Israël.
La résolution de l’assemblée générale, qui suit largement la décision de la CIJ, a été adoptée par un vote massif de 124 pour, 14 contre et 43 abstentions. Le décompte est encore plus disproportionné que ne le suggèrent les chiffres, étant donné que les « non » se limitent à Israël, aux États-Unis, à un groupe de petits États du Pacifique et à une poignée de cas particuliers tels Viktor Orbán de Hongrie et Javier Milei d’Argentine. La Grande Bretagne s’est abstenue.
La CIJ a établi que l’occupation israélienne de longue durée est illégale et a donné l’ordre d’y mettre fin « aussi rapidement que possible ». Le titre de la résolution de l’assemblée générale donne l’ordre à Israël de se retirer du territoire palestinien occupé dans un délai d’un an. Mais ce n’est qu’un début.
L’assemblée générale a confirmé la décision de la CIJ selon laquelle l’occupation prolongée constitue une annexion de fait et donc une violation du « principe de non-acquisition d’un territoire par la force ». En d’autres termes, bien que le mot n’ait pas été explicitement employé, l’occupation infinie est un acte d’agression – non différent de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Jusqu’à présent, la plupart des analyses de la conduite d’Israël dans le territoire occupé se sont concentrées sur des crimes de guerre particuliers – par exemple le fait d’affamer la population ou les bombardements indiscriminés à Gaza, ou les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem Est – ou le crime d’apartheid sur tout le territoire occupé. Désormais, nous devrions aussi reconnaître l’occupation comme une violation par la force du droit des Palestiniens à l’auto-détermination.
Ou, pour le dire autrement, le droit international humanitaire, qui a autorité sur l’état de guerre, est neutre sur le fait de l’occupation mais impose des devoirs à l’occupant sur la façon dont il doit traiter la population occupée. La CIJ, et maintenant l’assemblée Générale, se sont cependant penchées sur un autre ensemble de lois qui considère une occupation prolongée comme une acquisition d’un territoire par la force. Israël viole les deux ensembles de lois.
Il n’y a pas de raison d’attendre du gouvernement israélien qu’il respecte le droit international contre son agression, pas plus qu’il n’a adhéré au droit international sur les droits humains ou au droit international humanitaire, mais la CIJ et l’assemblée générale se sont aussi adressées à d’autres nations. Tous les gouvernements, ont-elles dit, ont le devoir de cesser d’envoyer des armes à Israël « où on peut raisonnablement penser qu’elles peuvent être utilisées dans le territoire palestinien occupé ».
Le nouveau gouvernement britannique a déjà pris des mesures pour se conformer à cette exigence légale (mis à part les bombes F-35 utilisées pour massacrer Gaza), mais le gouvernement états-unien n’a suspendu que la livraison des bombes de 2 000 livres (907 kg) utilisées pour décimer la population de quartiers palestiniens, tandis qu’il n’y a pas pléthore d’autres munitions qui continuent à être fournies.
En dehors des armes, l’assemblée générale de la CIJ exige des gouvernements qu’ils prennent des « mesures pour empêcher le commerce et les investissements qui aident le maintien de l’occupation. Il y a déjà eu des appels aux entreprises pour qu’elles évitent la complicité avec les colonies . Les gouvernements doivent maintenant adapter leur propre conduite mais aussi agir pour empêcher des entreprises et des investisseurs de leurs pays de soutenir l’ensemble de l’occupation.
La réponse du gouvernement états-unien à l’assemblée générale était le reflet (ou du moins l’a feint) de l’ignorance du changement de paradigme juridique qui s’est produit. L’administration Biden a accusé l’assemblée générale “d’ignorer les problèmes très réels de sécurité d’Israël », mais c’est ne pas comprendre le jugement de la CIJ. Ces problèmes de sécurité doivent être pris en compte de l’intérieur d’Israël et non par l’occupation.
En fait, la CIJ l’avait déjà dit en 2004 lorsqu’elle a établi que la barrière de sécurité d’Israël devait être construite à l’intérieur des frontières de 1967 et non, comme l’a fait Israël, avec de profondes incursions en Cisjordanie occupée et à Jérusalem Est. En d’autres termes, les problèmes de “sécurité” ne justifient pas la prise par la force du territoire de quelqu’un d’autre, ainsi que de nombreux pays l’ont déjà dit clairement en condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
L’administration Biden a aussi dit que l’action de l’assemblée générale allait « entraver la relance d’étapes vers une solution à deux États ». Il n’y a certes aucune “étape possiblement relancée vers un État palestinien tant que le gouvernement israélien du premier ministre Benjamin Netanyahou refuse catégoriquement d’approuver ce constat. Mais, plus fondamentalement, la CIJ envisage une voie très différente vers un État palestinien.
La CIJ a rejeté l’idée que les accords d’Oslo représentaient tout abandon des droits des Palestiniens, en notant que l’Article 47 de la Quatrième Convention de Genève écarte tout accord dans lequel une population sous occupation renonce à ses droits. Cela se tient, étant donnée la disparité du pouvoir. Le jugement empêche un gouvernement auxiliaire comme l’Autorité Palestinienne de négocier sur les droits fondamentaux. Désormais, la voie vers une solution à deux États n’est pas une négociation entre des parties inégales pendant l’occupation mais une négociation après l’occupation. Le retrait doit avoir lieu d’abord.
Certains ont noté que la décision de la CIJ, intervenue en réponse à la requête de l’assemblée générale d’un avis consultatif plutôt qu’en réponse à un conflit entre deux États, n’est pas juridiquement “contraignante” . Mais cela n’offre que peu de réconfort à Israël ou à ses soutiens. La CIJ est la plus haute cour de justice – aucune autre ne peut infirmer sa décision – et une autre action en justice auprès d’elle entre États, comme le cas du génocide présenté par l’Afrique du Sud contre Israël ou la procédure engagée par le Nicaragua contre l’Allemagne pour l’armement fourni à Israël, aboutirait à un résultat auquel il est peu probable d’aboutir différemment.
De même, l’assemblée générale n’a pas les pouvoirs coercitifs du conseil de sécurité de l’ONU, mais le veto états-unien sur Israël et la Palestine faisant obstacle au conseil de sécurité, l’assemblée générale est la principale alternative. En fait, le gouvernement états-unien lui-même s’est tourné vers l’assemblée générale lorsque le veto russe a écarté l’action du conseil de sécurité sur l’invasion de l’Ukraine. Il n’y a pas eu de discussion sur le caractère non contraignant des actes de l’assemblée générale.
Les prises de position de l’assemblée générale et de la CIJ ont aussi des implications pour la Cour Pénale Internationale (CPI), qui considère actuellement la requête du procureur de mandats d’arrestation sur Netanyahou et le ministre de la défense d’Israël, Yoav Gallant, de même que sur trois représentants de haut rang du Hamas. Le principal argument contre les mandats est d’alléguer que la Palestine n’est pas suffisamment un État pour adhérer à la Cour et lui conférer ainsi une compétence.
Mais l’assemblée générale et la CIJ affirment toutes deux le devoir « de ne pas reconnaître comme légale la situation émanant de la présence illégale d’Israël dans le territoire palestinien occupé ». Bien qu’ils aient parlé à des gouvernements et à des agences de l’ONU et non à la CPI, il n’en demeure pas moins que le principal obstacle à un État palestinien de plein exercice est l’occupation illégale d’Israël. Les juges de la CPI seraient négligents si, malgré la reconnaissance d’un État de Palestine par 146 gouvernements, ils se prononçaient contre la possibilité pour la Palestine d’adhérer à la Cour.
La résolution de l’assemblée générale, c’est intéressant, était modérée à certains égards. Elle a pleinement reconnu le droit d’Israël à l’existence dans les frontières pré-1967, comme ce devrait être le cas ; et elle a parlé du droit des réfugiés à retourner dans leurs maisons ancestrales dans le territoire occupé sans aborder la question de ceux qui voudraient retourner dans leurs maisons du passé à l’intérieur d’Israël. Le gouvernement israélien a bloqué les deux.
Pourtant, l’action combinée de ces deux instances internationales supérieures a effectué une révolution dans notre compréhension de l’aspect juridique de l’occupation sans fin d’Israël. Le gouvernement d’Israël va sans doute résister, mais tout le monde a le devoir de faire pression sur lui pour qu’il s’exécute – et d’éviter toute contribution militaire ou commerciale à la méfiance d’Israël.
Joe Biden est probablement trop installé dans ses habitudes pour changer et Donald Trump n’a jamais rien fait d’autre que de donner le feu vert au gouvernement israélien, mais Kamala Harris, qui a été procureure, comprend l’importance du respect de la loi. Dans le cas où elle serait victorieuse en novembre, j’espère qu’elle reconsidèrera le soutien aveugle de Washington à Israël et à son occupation illégale.
Kenneth Roth, qui a été le directeur exécutif de Human Rights Watch de 1993 à 2022, est professeur invité à l’école des affaires publiques et internationales de Princeton.