Le ministère israélien de la Justice demande à la famille du jeune Palestinien brûlé vif son avis sur la réduction des peines des assassins

“C’est hors de question”, dit le père de Mohammed Abu Khdeir, ajoutant qu’il a perdu le sommeil après cette demande. “Qu’est-ce qu’ils croyaient ? Qu’on allait dire oui ?”

Le département des grâces du ministère de la Justice a contacté récemment la famille de Mohammed Abu Khdeir, un adolescent enlevé et brûlé vif par trois Juifs en 2014, pour connaître leur position sur des requêtes relatives à la réduction des peines des trois coupables, y compris les deux qui ont été condamnés à l’emprisonnement à perpétuité.

“J’ai pensé qu’ils étaient cinglés, c’est complètement fou”, dit Hussein Abu Khdeir, père de Mohammed, le jeune assassiné. “Je n’ai pas dormi la nuit de l’appel téléphonique, ni les nuits qui ont suivi. Est-ce que quelqu’un a seulement l’idée de libérer ces assassins ? Qu’est-ce qu’ils croyaient ? qu’on allait dire oui ? Ils délirent. Si ces gens sont graciés ou si leur peine est réduite, je ne vais pas rester sans rien faire. Je ne peux pas. Comment est-ce possible ? Est-ce que ce monde est devenu fou, de leur accorder une grâce ? Ce qui me fait peur, c’est qu’avec ce gouvernement extrême, tout est possible.”

Mohammed Abu Khdeir, photo publiée en juillet 2014. Crédit : Reuters

La demande présentée à la famille Abu Khdeir, au père de la victime ainsi qu’à sa mère, a été faite après que les trois assassins, Yosef Ben David et les deux mineurs, ont introduit ces dernières semaines des requêtes sollicitant une réduction de peine. Ces trois hommes, Ben David et deux parents, âgés à l’époque de 17 et 16 ans, ont été reconnus coupables de l’enlèvement et de l’assassinat de Mohammed Abu Khdeir en juillet 2014, l’ayant enlevé par la force à Beit Hanina (NdT : quartier de Jérusalem-Est), puis brûlé jusqu’à ce que mort s’ensuive dans la forêt de Jérusalem, après l’avoir arrosé d’essence qu’ils avaient achetée avant l’assassinat.

Les trois hommes ont été reconnus coupables devant un tribunal de district et devant la Cour Suprême, Ben David étant condamné à l’emprisonnement à perpétuité plus 20 ans supplémentaires, l’accusé âgé de 17 ans, à l’emprisonnement à perpétuité plus trois ans, et l’accusé âgé de 16 ans, à 21 années d’emprisonnement bien que l’un des juges ait considéré qu’il aurait dû, lui aussi, être condamné à l’emprisonnement à perpétuité.

Dans son rejet de l’appel formé par les trois hommes, l’arrêt de la Cour suprême est ainsi rédigé (extraits) : “Quelle est la source à laquelle ces trois-là ont bu le déluge de haine et de racisme qui les a aveuglés, au point où ils n’ont pas vu qu’ils étouffaient et brûlaient, après lui avoir enfoncé le crâne, un être humain né à l’image de Dieu? Qu’ont-ils appris, récité et intégré au cours des années de leurs études et de leur jeunesse, qui les a conduits à mettre à mort un jeune Arabe avec une quiétude intolérable ? Les actes des appelants sont devenus ‘l’affaire Abu Khdeir’, ils ont depuis longtemps dépassé les limites d’une affaire pénale ordinaire. Cela impose à la société israélienne une profonde réflexion […] visant à éradiquer ce mal de son sein.”

Haaretz a appris qu’au cours de ces derniers mois les trois ont présenté des requêtes en vue d’une réduction de leurs peines, neuf années s’étant écoulées depuis le début de leur incarcération. Ben David et le plus âgé des mineurs ont présenté leur requête à la commission spéciale des libérations conditionnelles qui est censée l’examiner, tandis que le mineur condamné à 21 ans d’emprisonnement s’est adressé directement à la présidence pour demander la clémence en vue d’une réduction de sa peine.

En vertu des procédures et de la loi relative aux victimes de crimes, la requête du mineur a été transmise pour avis au ministère et au ministre de la Justice, ceux-ci étant censés contacter la famille de la victime pour connaître sa position. En même temps, étant donné la requête présentée également par les deux prisonniers à perpétuité, la famille Abu Khdeir a été consultée aussi en ce qui les concernait. “Je leur ai dit tout de suite qu’il n’en était absolument pas question, j’en tremble encore”, a commenté le père, Hussein.

Par ailleurs, le département des grâces a contacté le service pénitentiaire au sujet du mineur condamné à 21 ans d’emprisonnement et de son processus de réinsertion. Si la commission spéciale des libérations conditionnelles recommande de réduire les peines d’emprisonnement des assassins, la question sera soumise au président Isaac Herzog, à qui il revient, en dernière instance, de décider des réductions de peine.

La commission spéciale des libérations conditionnelles saisie des cas des emprisonnés à perpétuité est composée d’un juge de tribunal de district, d’un magistrat retraité, d’un expert auprès du ministre de la Justice ayant des années d’expérience dans les domaines de la criminologie ou de l’éducation, et du chef du département des grâces au ministère de la Justice.

Quant à la requête de grâce présentée par le plus jeune des deux mineurs, la décision revient en dernière instance à Herzog, suite à la réception de la position du ministère et du ministre de la Justice, et de celle du département des grâces relevant de la Présidence.