Chaque année, des coureurs viennent du monde entier pour participer à l’évènement, dont beaucoup ne sont probablement pas conscients de courir sur une terre qui a été volée. En 2012,….
Chaque année, des coureurs viennent du monde entier pour participer à l’évènement, dont beaucoup ne sont probablement pas conscients de courir sur une terre qui a été volée.
En 2012, une Britannique du nom de Poppy Hardee participait au deuxième Marathon international de Jérusalem. Elle est venue à l’évènement avec un maillot et un drapeau palestiniens. En agissant ainsi, elle espérait sensibiliser à la cause palestinienne et voulait montrer sa solidarité avec ses amis palestiniens qui avaient interdiction de venir à Jérusalem pour l’évènement. Son seul objectif était de terminer le marathon. Mais il a été rapporté plus tard qu’alors qu’elle courait, des soldats israéliens l’avaient physiquement agressée, lui avaient confisqué de force son drapeau, et craché dessus.
Quatre années plus tard, le Marathon de Jérusalem a lieu de nouveau. Dans la matinée, les rues de la cité généralement encombrées de voitures sont vides. Les rues ont été fermées, ne laissant que quelques piétons. Cette année, il y a plus de 30 000 participants. Voulant encourager une participation mondiale, Nir Barakat, le maire de Jérusalem, a écrit sur le site du marathon : « Je voudrais vous inviter, tous les coureurs, amateurs comme professionnels, seuls, en groupes ou en familles, étudiants et soldats, de toutes les religions et origines ethniques, à venir et à participer au marathon 2016 ».
Cependant, ce n’est pas tout le monde qui est le bienvenu comme ce message le fait croire. Avant l’évènement, quelques militants palestiniens ont été empêchés de pénétrer dans la région de Jérusalem. Certains ont aussi été arrêtés pour s’être tenus sur le côté de la route en portant des t-shirts déclarant que le marathon était organisé sur un territoire palestinien occupé.
Cette réalité – celle de l’occupation – était de façon commode absente du site officiel du marathon. À la place, le marathon se présente lui-même comme une course de toute beauté, se targuant d’une piste panoramique où les coureurs « passeront par des sites historiques fascinants qui illuminent 3000 ans de l’histoire de Jérusalem, la capitale d’Israël ».
Le site ne dit absolument pas que toute la ville de Jérusalem n’est pas la capitale d’Israël. En 1967, Israël a occupé la Cisjordanie et la bande de Gaza. Il a annexé Jérusalem-Est et a déclaré toute la ville de Jérusalem comme sa capitale éternelle. Un an plus tard, le Conseil de sécurité des Nations-Unies votait une résolution stipulant que « toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, y compris l’expropriation de terres et de biens immobiliers, qui tendent à modifier le statut juridique de Jérusalem, sont non valides et ne peuvent modifier ce statut ». Depuis, le Conseil de sécurité des Nations-Unies a voté de nombreuses résolutions réaffirmant l’invalidité et l’illégalité de l’occupation israélienne de Jérusalem-Est.
Israël : de l’indépendance à l’intifada
Le Marathon de Jérusalem se fraye un chemin à travers la cité avec un total mépris du droit international. Il passe par la Vieille Ville, Talpiot-est et le mont Scopus, qui sont tous des quartiers de la Jérusalem-Est occupée. Sans aucun doute que beaucoup de coureurs internationaux auraient ignoré qu’ils couraient sur une terre palestinienne reconnue internationalement comme une terre volée.
La plupart des coureurs internationaux ne sont pas davantage conscients probablement de la situation des habitants palestiniens sur cette terre. Depuis l’annexion de Jérusalem-Est en 1967, plus de 2000 maisons palestiniennes, rien que dans ce quartier de la cité, ont été démolies, et 35 % de la terre palestinienne ont été confisqués pour l’usage de la colonisation de peuplement israélienne illégale.
De plus, des dizaines de milliers de Palestiniens ayant des cartes d’identité de Jérusalem-Est se sont retrouvés séparés de la ville par le Mur de séparation et sont maintenant forcés de passer par des check-points pénibles pour sur parvenir à leurs lieux de travail, aux services médicaux et à leurs maisons familiales. Les quartiers de Jérusalem-Est manquent de fonds municipaux suffisants, et la plupart des écoles et hôpitaux sont sous-financés et en sous-effectif.
Courir à travers les rues propres de Jérusalem-Ouest et les quartiers nettoyés pour l’occasion de Jérusalem-Est ne vous permettrait pas de voir la séparation systématique des sphères de vie en Israël et en Palestine. Il existe une séparation qui a été comparée à l’apartheid en Afrique du Sud par de nombreux universitaires et responsables des droits de l’homme (dont Desmond Tutu). Richard Falk, rapporteur spécial des Nations-Unies sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens de 2008 à 2014, a déclaré que la politique israélienne comportait « les caractéristiques inacceptables du colonialisme, de l’apartheid et du nettoyage ethnique ».
Un peu au sud de Jérusalem se trouve Bethléhem, lieu de naissance de Jésus et ville aujourd’hui tronçonnée par le mur de séparation d’Israël. C’est là qu’a lieu le Marathon de la Palestine, et cette année, ce sera sa quatrième itération. Ce marathon est conjointement organisé par le Comité olympique de Palestine et la Campagne pour le droit au mouvement. L’an dernier, il y a eu 3000 participants, cette année il en est attendu au moins 4000. La course du marathon à Bethléhem n’est que de 21 km, la moitié d’un marathon complet, de sorte que ceux qui courent la course dans son intégralité doivent faire deux tours. La raison en est délibérée. Bethléhem est enfermée sur trois côtés par le mur de séparation, ce qui signifie que l’espace est étroit pour se déplacer.
Démarrant et arrivant à l’église de la Nativité, la course emmène les coureurs à travers deux camps de réfugiés, Aïda et Dheisheh, et le long du mur de séparation. C’est une course qui résume ce qu’est la vie quotidienne palestinienne, en simplement 21 km. Ces camps de réfugiés de Bethléhem abritent des Palestiniens qui ont été arrachés à leurs foyers lors de la Nakba de 1948, le mot arabe pour « catastrophe ». Densément peuplés et pauvrement équipés, ces camps vieux de plusieurs décennies sont toujours dépendants de l’Office de secours et de travaux des Nations-Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) pour la fourniture des services. Le mur de séparation s’étire sur plus de 712 km et il a été jugé par la Cour de justice internationale comme une violation du droit international. Il coupe les Palestiniens de leur terre, sépare des membres d’une même famille et les enferme tous en une prison à ciel ouvert.
Les deux marathons, séparés de deux semaines seulement, sont en contraste absolu l’un avec l’autre. Pendant que l’un méprise le droit international, l’autre sensibilise et solidifie la solidarité internationale avec le peuple palestinien. Il n’y a nulle part ailleurs où l’acte de courir est autant politique mais, si les 50 dernières années nous appris une chose, c’est bien que les choses les plus simples en Palestine ne peuvent pas aller au-delà de l’occupation.