La pénalisation à la française des appels au boycott des produits israéliens dans le cadre de la campagne BDS suscite l’intérêt des universitaires et provoque leurs doutes. Après Robin Médard,….
La pénalisation à la française des appels au boycott des produits israéliens dans le cadre de la campagne BDS suscite l’intérêt des universitaires et provoque leurs doutes. Après Robin Médard, dans un article publié en décembre 2015 à la Revue des Droits de l’Homme, voici qu’un autre universitaire, Jean-Christophe Duhamel, vient d’écrire sur le sujet un article de doctrine paru à la Revue des droits et libertés fondamentaux (RDLF 2016, chron. n°09).
Cet article intitulé « Analyse critique d’une jurisprudence française » procède à une analyse très fouillée et documentée de la position de la Cour de cassation résultant des deux arrêts rendus par la haute juridiction le 20 octobre 2015 (n°14-80.020 et n°14-80.021).
Jean-Christophe Duhamel, docteur en droit et ingénieur de recherche à la faculté de droit de l’Université de Lille 2, partage nombre de remarques relevées par Robin Médard mais concentre ses observations sur l’interprétation très extensive par la Cour de cassation de l’article 24 alinéa 8 de la loi de 1881 sur la presse, fondement juridique de la pénalisation des appels au boycott des produits israéliens lancés par les militants BDS.
Il relève que cette interprétation se manifeste par l’autonomisation du texte répressif (le renvoi à une discrimination interdite par le Code pénal n’est plus nécessaire) et par l’assimilation de l’appel au boycott des produits à celui du boycott des personnes. Sur l’autonomisation du texte, l’auteur note qu’elle aboutit à pénaliser l’appel à la commission d’actes licites : l’acte de boycott individuel des produits israéliens mis en œuvre par le consommateur relève de sa liberté de choix, si bien que cette pénalisation revient à interdire l’incitation à exercer une liberté, avec toutes les dérives que peut impliquer un tel raisonnement, notamment à travers l’arbitraire du juge. Sur l’assimilation des produits aux personnes, l’auteur indique qu’elle s’appuie sur une confusion entre la mise à l’index de produits en raison de leur origine géographique et la discrimination des producteurs à raison de leur nationalité.
Jean-Christophe Duhamel doute également de la compatibilité d’une telle pénalisation avec la Convention européenne des droits de l’homme : d’après lui, il est difficile de percevoir, « dans une société démocratique » quel « besoin social impérieux » rendrait « nécessaire » la condamnation des militants BDS. Avec un brin d’ironie, il se demande si le ministère public ne devrait pas engager des poursuites pénales contre le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires occupés qui, évoquant les entreprises – israéliennes ou internationales – qui contribuent à violer les droits des Palestiniens, « demande à la société civile de mener dans le cadre national de vigoureuses campagnes de boycottage, de désinvestissement et de sanctions à l’encontre des entreprises mentionnées dans le présent rapport, jusqu’à ce qu’elles alignent leurs politiques et leurs pratiques sur les normes et le droit internationaux ».