L’Irlande et l’Union européenne se rendent complices des violations des droits des Palestiniens commises par Israël en les permettant
Aujourd’hui (15 mai), les Palestiniens du monde entier commémorent la Nakba (mot arabe signifiant catastrophe) de 1947-1949 – le nettoyage ethnique de la majorité des Palestiniens autochtones, chassés de notre terre natale, et la destruction systématique de centaines de nos villages et villes pour fonder Israël en tant qu’État pratiquant l’exclusion.
En 1948, quand des paramilitaires sionistes ont braqué leur arme sur les proches de ma défunte grand-mère, Rasmiyyah, pour les forcer à quitter leur demeure spacieuse dans la charmante ville de Safad, le processus déterminant de colonisation de peuplement dont la Déclaration Balfour avait créé les conditions a pris pour ma famille un caractère personnel. La Nakba a décidé de mon identité et de l’identité de millions d’autres Palestiniens, descendants de réfugiés.
Pour réprimer les manifestations pacifiques massives de la bande de Gaza, peuplée en majorité de réfugiés de la Nakba et de leurs descendants qui demandent la fin d’un siège commencé il y a 12 ans et le respect des droits des réfugiés, Israël a mis en œuvre une politique consistant à tirer pour tuer ou mutiler, ôtant la vie à des dizaines de personnes et en blessant des milliers, souvent avec des balles réelles. La procureure de la Cour pénale internationale a condamné ces crimes, tandis qu’Amnesty International a demandé aux gouvernements du monde entier “d’instaurer un embargo total sur les armes à destination d’Israël”, ce qui constituerait une mesure effective pour contraindre cet État à répondre de ses actes.
Pendant ce temps, Israël a intensifié la construction de colonies illégales ainsi que la mise en œuvre brutale de sa politique de déplacement forcé des Palestiniens à Jérusalem Est occupé et dans le Néguev, les démolitions de maisons, les interrogatoires violents et le placement en détention de centaines d’enfants, enfin la négation de la liberté de circulation.
Cette Nakba permanente et l’impunité totale d’Israël ont déclenché la naissance en 2005 du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) pour les droits des Palestiniens, un mouvement non violent qui a été proposé pour le prix Nobel de la Paix et qui est impulsé par une très large coalition au sein de la société civile palestinienne.
Le BDS demande la fin de l’occupation imposée par Israël depuis 1967, l’égalité pleine et entière pour les citoyens palestiniens d’Israël, et le respect du droit des réfugiés palestiniens à revenir sur les terres dont ils ont été déracinés et dépossédés depuis la Nakba, ce droit leur étant garanti par les Nations unies.
Cibler la complicité
Trouvant sa source dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, le BDS rejette catégoriquement toutes les formes de racisme et de discrimination, notamment l’antisémitisme, le racisme anti-noirs et l’islamophobie. L’identité d’une personne, nous en sommes convaincus, ne doit en aucun cas diminuer sa capacité à jouir de ses droits. Le BDS, pour cette raison, cible la complicité, et non l’identité.
L’Organisation de libération de la Palestine, unique représentant légitime du peuple palestinien, s’est de nouveau exprimée récemment en faveur du BDS. Dans le monde entier, des mouvements sociaux, des Églises, des groupes juifs progressistes, des associations universitaires ou culturelles, qui représentent au total des millions de personnes, ont adopté des mesures effectives contraignant les responsables à rendre compte de leurs actes et soutenant la libération palestinienne.
Au niveau le plus élémentaire, les Palestiniens et les groupes de solidarité, qu’ils soient actifs ou pas dans le mouvement BDS, demandent à l’Irlande, à l’Union européenne (UE) et au monde de remplir leurs obligations morales et juridiques en évitant de nous causer un préjudice.
Jeudi dernier, en m’exprimant devant la Commission mixte des Affaires étrangères, de la Défense et du Commerce de l’Oireachtas (Parlement irlandais), j’ai affirmé que l’UE, dont l’Irlande fait partie, reste fortement complice des graves violations des droits humains palestiniens commises par Israël, dès lors qu’elle les permet. Bien qu’Israël sombre dans un extrémisme de droite éhonté et impose aux Palestiniens depuis des décennies son occupation militaire et sa politique d’oppression, l’UE continue à lui appliquer un traitement qui semble placer cet État au-dessus du droit international.
Les graves infractions au droit international commises par Israël suscitent des obligations juridiques pour l’UE, principal partenaire commercial d’Israël, et pour ses États membres. Comme l’indique l’Avis consultatif pris en 2004 par la Cour internationale de justice, les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite qu’Israël a instaurée en pratiquant la colonisation et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation ainsi créée.
En commerçant avec les colonies illicites d’Israël et en soutenant des entreprises qui sont impliquées dans la colonisation telle qu’elle est définie par l’ONU, l’UE viole ses obligations de non-reconnaissance et de non-assistance.
Des produits illicites
L’UE, dont fait partie l’Irlande, entretient un réseau de relations avec des sociétés, des banques et des institutions israéliennes profondément impliquées dans des violations des droits humains. Ces relations portent sur les questions militaires, la recherche en matière d’armement, les transactions bancaires et le commerce avec les colonies.
Par exemple, l’UE importe des marchandises provenant de colonies israéliennes pour un montant annuel estimé à 300 millions de dollars. Se contenter d’étiqueter certains de ces produits illicites au lieu de les proscrire constitue un manquement au devoir.
Dans le cadre de ses obligations juridiques, à titre de première étape, l’Irlande doit interdire l’entrée des biens et des services produits dans des colonies installées dans les territoires occupés et mettre fin au commerce militaire direct et indirect avec Israël.
Au-delà de la question de la responsabilité des États, les Palestiniens demandent la solidarité, pas la charité. Sensible à nos appels, Dublin est devenue il y a quelques semaines la première capitale européenne à adopter le BDS pour les droits des Palestiniens. Derry a été la première ville irlandaise, en 2016, à approuver le BDS. Le Congrès irlandais des syndicats (Irish Congress of Trade Unions, ICTU), les syndicats d’enseignants, l’Union des étudiants irlandais (Union of Students in Ireland, USI), et les syndicats étudiants de Trinity College à Dublin, de Queen’s University à Belfast et de Galway University se sont tous prononcés pour le BDS.
Ces actes et d’autres expressions d’authentique solidarité nous donnent un extraordinaire espoir qui nous permet de continuer notre lutte pour l’émancipation.
J’ai promis à ma défunte grand-mère de garder l’espoir en vie et de ne jamais renoncer à ma modeste contribution à cette lutte, quelle que soit la cruauté de la répression. Sa passion pour la justice et sa ténacité dans la résistance à l’oppression m’ont toujours inspiré. Je resterai fidèle à cette promesse jusqu’à ce que les Palestiniens puissent vivre dans la dignité, la justice, la paix et l’égalité.