L’armée israélienne occupe les maisons à Gaza – Puis les brûle entièrement

Les soldats israéliens ont commencé ces dernières semaines à mettre le feu aux maisons dans la Bande de Gaza, à la suite d’ordres directs de leur commandement, sans l’autorisation légale nécessaire pour ce faire, d’après les informations obtenues par Haaretz.

Les soldats ont détruit plusieurs centaines de bâtiments par cette méthode au cours du mois dernier. Après avoir mis le feu à la structure ainsi qu’à tout ce qu’elle contient, on la laisse brûler entièrement jusqu’à ce qu’elle devienne inutilisable.

En réponse au rapport, les FDI on dit que la destruction de bâtiments n’est réalisée qu’avec des moyens approuvés et que toute action réalisée autrement sera examinée.

Interrogé à propos de cette nouvelle pratique, un commandant de l’armée israélienne a dit à Haaretz que les structures sont sélectionnées pour être brûlées sur la base d’informations. Interrogé sur un bâtiment auquel on avait mis le feu, pas loin de là où se tenait l’interview, le commandant a dit : « On a dû avoir des informations sur le propriétaire, ou peut-être a-t-on trouvé là quelque chose. Je ne sais pas exactement pourquoi on a mis le feu à cette maison. »

Trois officiers à la tête des combats à Gaza ont confirmé à Haaretz que mettre le feu aux maisons est devenu une pratique habituelle. Le commandant d’un bataillon a dit la semaine dernière à ses troupes, alors qu’elles mettaient fin à des opérations dans une zone spécifique de Gaza : « Sortez vos affaires de la maison et préparez la pour l’incinération. »

Réservée à l’origine à des cas spécifiques, cette pratique est devenue de plus en plus courante avec la poursuite de la guerre, a révélé l’enquête de Haaretz.

Récemment, des soldats israéliens déployés à Gaza se sont rendus sur les réseaux sociaux pour se faire voir en train de prendre part aux incendies de maisons à Gaza – dans certains cas pour se venger de la mort de camarades de l’armée, ou même pour l’attaque du 7 octobre elle même.

« Tous les jours, un peloton sort faire un raid sur les maisons de la zone », a écrit un soldat. « Les maisons sont détruites, occupées. Alors reste à les fouiller minutieusement. A l’intérieur des canapés. Derrière les placards. Armes, renseignements, trous [de tunnels] et lance roquettes. Nous avons trouvé tout ça. A la fin, la maison est brûlée, avec tout ce qu’elle contient. »

Une autre fois, les soldats qui s’apprêtaient à quitter un bâtiment ont laissé une note pour les troupes qui venaient les remplacer. « Nous ne brûlons pas la maison afin que vous ayez le plaisir de le faire, et en partant – vous saurez quoi faire », disait la note qui est apparue dans une photographie mise en ligne par un des soldats.

Brûler un bâtiment signifie que ses anciens locataires ne pourront pas revenir y vivre. Depuis le début de la guerre à Gaza, les FDI ont détruit des maisons appartenant à des membres du Hamas ou à des résidents de Gaza qui avaient pris part à l’attaque du 7 octobre. Cette façon de voir a aussi conduit à la destruction de bâtiments résidentiels qui étaient utilisés en tant qu’infrastructure du Hamas, et de maisons situées près des entrées de tunnels.

Jusqu’au mois dernier, le corps de l’ingénierie de l’armée a principalement utilisé des mines et des explosifs et, dans quelques cas, des matériels lourds tels que des bulldozers D9, pour démolir les structures. Mettre le feu aux maisons appartenant à des civils non-combattants, dans le simple but de les punir, est interdit selon le droit international.

Les États-Unis ont récemment fait appel à Israël pour exiger que ses forces cessent de détruire des bâtiments publics tels que les écoles et les cliniques de Gaza, déclarant que continuer à agir ainsi ferait du tort à la vie quotidienne des Gazaouis qui cherchent à retourner chez eux après la guerre.

L’armée israélienne et son échelon politique a accepté la demande de Washington et – hormis les cas où les troupes affrontaient un danger depuis l’intérieur de la structure – ont réduit de façon significative l’utilisation de cette pratique. Par ailleurs, les forces des FDI dans la Bande de Gaza ont réalisé que détruire les maisons avec des explosifs ou de lourds engins est une opération qui prend du temps et des ressources et qui pourrait mettre les soldats en danger.

La guerre de Gaza a déjà causé d’immenses destructions aux bâtiments civils – même si on les compare à d’autres conflits sanglants récents à travers le monde.

D’après une analyse d’images satellites publiées par la BBC, entre 144.000 et 170.000 bâtiments ont été endommagés dans la Bande de Gaza depuis le début de la guerre. Une enquête du Washington Post publiée le mois dernier et citée dans Haaretz a découvert que des pans entiers de la Bande de Gaza ont été anéantis – à Beit Hanoun, à Jabalya et dans le quartier Al Karama de la ville de Gaza.

Le rapport fait aussi remarquer que, à fin décembre, 350 écoles et quelque 170 mosquées et églises avaient été endommagées ou détruites.

Cette destruction à grande échelle a suscité des discussions dans les cercles universitaires pour savoir si Israël pouvait être accusé de « Domicide » – la destruction délibérée et systématique des maisons et des infrastructures essentielles de Gaza de telle sorte que l’environnement devienne inhabitable.

Il existe une crainte en Israël que ce discours puisse galvaniser la communauté internationale à entamer une action punitive contre lui. L’armée comprend que cette nouvelle pratique puisse constituer un défi pour le système juridique israélien face aux exigences américaines et aux possibles poursuites à la Cour Internationale de Justice – qui a déjà rendu une décision provisoire sur la conduite d’Israël.

Tout comme l’accusation de génocide portée contre Israël à la CIJ, l’incendie de maisons peut, lui aussi, être relié aux déclarations de politiciens. En amont de de la procédure de la CIJ au début du mois, le député du Likoud, Nissim Vaturi, a renouvelé son appel à « brûler Gaza ». Vaturi, l’un des vice-présidents de la Knesset, a dit dans une interview sur une radio que « il vaut mieux brûler, faire s’écrouler les bâtiments, que de risquer de blesser des soldats. » Il a ajouté qu’il « ne pense pas qu’il y ait des gens innocents là actuellement. »

En réponse à ce rapport, le porte-parole de l’armée israélienne a dit : « Faire exploser et détruire des bâtiments se fait à l’aide de moyens appropriés et autorisés. Les actions qui ont été menées de différentes manières pendant la guerre seront examinées. »