L’accusation de ‘famine provoquée par l’homme’ portée contre Israël est étayée par des preuves de plus en plus nombreuses

La perspective qu’Israël se retrouve accusé de crimes de guerre s’est rapprochée après la condamnation par l’ONU des restrictions de l’aide à Gaza.

L’accusation par l’ONU et autres humanitaires disant qu’Israël est peut-être en train de commettre un crime de guerre en affamant délibérément la population de Gaza est susceptible d’accroître considérablement la perspective de culpabilité juridique pour le pays, y compris à la Cour Internationale de Justice.

Au milieu des informations disant que les Forces de Défense Israéliennes embaucheraient des dizaines d’avocats pour les défendre contre des affaires et des défis juridiques anticipés, l’accusation disant qu’Israël a déclenché une « famine provoquée par l’homme » en bloquant délibérément l’entrée de l’aide à Gaza est étayée par des preuves de plus en plus nombreuses.

Déjà face à une plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud à la CIJ, cour suprême de l’ONU – comportant une allégation comme quoi de hauts responsables politiques israéliens ont incité au génocide dans des déclarations publiques – Israël fait aussi l’objet d’une décision provisoire d’urgence de la Cour lui ordonnant de laisser entrer l’aide vitale à Gaza.

Mercredi le Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a souligné le sentiment croissant de crise en avertissant que la totalité des 2 millions de Gazaouis subissaient de « graves niveaux d’insécurité alimentaire aiguë » – première fois que la totalité de la population de Gaza est ainsi classifiée.

A la différence d’autres questions en lien avec la conduite d’Israël dans sa guerre contre le Hamas à Gaza, qui a fait plus de 30.000 morts et déplacé plus de 85 % de la population au milieu de destructions massives, la famine provoquée par l’homme qui sévit dans le territoire palestinien apparaît plus évidente.

Tandis que la question des victimes civiles dues à des attaques spécifiques et à l’élargissement de la politique de bombardements devra être confrontée à des notions très contestées en droit humanitaire international telles que la proportionnalité et la nécessité dans un conflit, le crime de guerre que constitue la famine est simplement et clairement défini.

Bien qu’Israël nie cette allégation, le statut de Rome du tribunal pénal international la définit comme le crime qui consiste à affamer intentionnellement des civils en « les privant d’objets indispensables à leur survie » y compris « en entravant délibérément l’acheminement des secours ».

Ces allégations s’appuient sur le fait que, en tant que puissance occupante belligérante à Gaza, Israël est juridiquement responsable, selon l’article 55 de la quatrième Convention de Genève, de l’assurance de fournitures alimentaires et médicales à la population », ce qui requiert de l’occupant qu’il « fournisse les denrées alimentaires, les produits médicaux et autres articles nécessaires si les ressources du territoire occupé n’y suffisent pas ».

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Des cartons d’aide humanitaire attachés à des parachutes largués mercredi dans Gaza. Photographie : AFP/Getty Images

Un élément central de toute argumentation selon laquelle Israël a provoqué une famine, ce sont les données fournies par le comité de l’ONU d’examen de la famine à Gaza, dirigé par des experts internationaux en sécurité alimentaire, dont les conclusions tombent cette semaine sous les auspices de la Classification Intégrée de la Phase de Sécurité Alimentaire (IPC) – considérée comme l’étalon-or international lorsqu’il s’agit de crises alimentaires.

Extrêmement technique, souvent prudent et conçu pour être neutre dans son analyse, le comité – qui avait déjà prévenu du risque de famine, notamment dans la région la plus touchée du nord de Gaza – s’est appuyé sur les enquêtes du Programme Alimentaire Mondial qui a conclu que les Palestiniens faisaient déjà face aux phases 4 et 5 des niveaux de malnutrition de l’IPC – « urgence » et « catastrophe ».

Le comité de l’IPC a également examiné la possibilité d’accès des camions d’alimentation dans les zones les plus touchées, concluant qu’un « nombre très limité de camions transportant de l’aide alimentaire est autorisé à entrer dans le nord de Gaza et les gouvernorats de Gaza et, depuis le 5 février, aucun rapport n’est parvenu de camions capables de décharger de la nourriture à Gaza ville. »

Le rapport de l’IPC est confirmé par l’analyse préparée indépendamment et envoyée cette semaine à l’administration Biden par Oxfam America et Human Rights Watch pour mettre en évidence le manquement d’Israël à se conformer à une nouvelle exigence de Washington disant que ceux qui reçoivent des armes des États Unis doivent se conformer au droit international.

Cette analyse a accusé Israël d’« empêcher systématiquement l’aide » de parvenir « aux à peu près 300.000 Palestiniens restés au nord de Gaza, où la menace de famine est la plus aiguë ».

Les deux organisations ont ajouté qu’au cours des six premières semaines de cette année, « plus de la moitié des missions d’aide humanitaire prévues pour le nord de Gaza ont été empêchées par les autorités israéliennes ». Accusant Israël d’une politique délibérée de famine, le document ajoute : « Le droit humanitaire international interdit aux parties à un conflit de pousser délibérément ‘la population à souffrir de faim, particulièrement en la privant de ses sources de nourriture ou d’approvisionnements’. »

Exacerbant l’exposition juridique d’Israël sur la question de la famine, il y a les commentaires publics faits dès le début de la guerre par le ministre de la Défense, Yoav Gallant, qui plaidait pour un « siège complet de Gaza » et précisait ce qu’il entendait par là : « Pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau. »

« Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence », a-t-il dit.

Alors qu’Israël a autorisé l’entrée d’un minimum d’aide sous la pression des États-Unis et plus largement de la communauté internationale, il a fait face à des plaintes répétées, y compris de la part de Joe Biden, sur l’insuffisance de la qualité, ce qui a donné lieu à des largages aériens et des tentatives d’ouverture d’un pont maritime par d’autres pays.

Les revendications sur l’utilisation de la famine comme arme de guerre s’inscrivent dans un contexte d’anxiété croissante et palpable dans l’armée israélienne face à la montée des risques juridiques dus à son offensive sur Gaza.

Parlant au journal israélien Yedioth Ahronoth, un responsable anonyme des FDI a dit : « La pression juridique internationale sur Israël a débuté avant la guerre, quand la cour pénale internationale a soutenu une enquête contre Israël en 2019 et a déclaré en 2021 qu’elle avait l’autorité pour ce faire.

« Maintenant, la pression exercée par de nombreux pays pour donner la priorité à une action juridique contre les FDI et l’État n’a fait que croître, et pas seulement de la part de la direction de l’Afrique du Sud. Juste ce mois-ci, la cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt contre deux généraux russes, prétendant qu’ils avaient attaqué une centrale électrique ukrainienne et causé la mort de victimes non-combattantes sans justification. »