L’OIM fait face à des demandes pour interdire Israël, alors que s’échapper de Gaza et de Cisjordanie pour participer à l’événement de cette année en Australie semble un rêve éloigné pour les candidats palestiniens.
Pour six adolescents palestiniens, ce pourrait être une « opportunité qui changerait leur vie ».
Ces jeunes ont été sélectionnés pour l’Olympiade Internationale de Mathématiques qui doit se tenir en juillet sur la Côte Ensoleillée d’Australie, mais on ne sait pas très bien s’ils pourront quitter Gaza et la Cisjordanie pour y prendre part.
En même temps, l’OIM fait face à des demandes pour interdire la participation d’Israël et n’autoriser ses étudiants à ne concourir qu’en tant que candidats privés.
Les équipes nationales du monde entier sont dans des camps de formation pour le voyage en Australie, encadrés par des universitaires alors qu’ils se préparent à concourir pour des médailles – et le ticket qu’offrent ces prix pour presque toutes les universités dans le monde.
Le dirigeant de l’équipe de Palestine, Samed AlHajajla, dit que l’OIM devrait être le départ d’un voyage vers une brillante carrière.
« Avoir une tête capable de résoudre ces problèmes est extrêmement rare », dit AlHajajla.
« Ils sont les meilleurs en Palestine, ils sont la crème des étudiants. Pour concourir à l’OIM, il faut travailler dur, être talentueux et doué et, pour eux [dans la préparation pour l’OIM] ils peuvent s’y exercer, ils peuvent exercer une certaine liberté à l’intérieur de la prison qu’est Gaza.
« Pour eux [ce devrait être] une opportunité pour un changement de vie qui leur permettrait de goûter pour la première fois à la liberté. »
Le problème auquel font face AlHajajla et ses jeunes Palestiniens est logistique et politique. L’année dernière, quatre Palestiniens – deux de Gaza et deux de Cisjordanie – avaient été sélectionnés pour l’OIM 2024 à Bath, en Angleterre, mais ne purent pas y participer.
La fermeture du passage de Rafah signifiait que ceux qui étaient à Gaza ne pouvaient pas sortir. Les visas et les passeports pour ceux qui étaient en Cisjordanie avaient été approuvés par les autorités britanniques et israéliennes, mais ne sont pas arrivés à temps.
Un porte-parole de l’ambassade d’Israël en Australie dit qu’il n’a « connaissance d’aucune preuve qu’Israël ait retardé ou refusé les visas pour l’équipe palestinienne à la dernière OIM, ni qu’il a quelque information que ce soit que ceci pourrait arriver maintenant ».
Mike Clapper est le directeur général par intérim du Concours Australien de Mathématiques, qui organise l’événement de la Côte Ensoleillée. Il dit qu’ils « espèrent vivement » que l’équipe palestinienne pourra venir en personne.
« Nous explorons toutes les voies possibles pour essayer de rendre possible la participation des Palestiniens », dit-il.
‘Une trahison manifeste’
Savoir si les Palestiniens pourront concourir n’est qu’une partie du problème de l’OIM. L’autre est de savoir si les Israéliens devraient être autorisés à le faire.
Le 6 mai, une lettre signée par plus de 700 mathématiciens a été envoyée à l’OIM sous le titre « Mathématiques et Responsabilité Morale : l’OIM et le génocide à Gaza ».
La lettre appelle l’OIM à faire ce qu’elle a fait quand elle a suspendu l’adhésion de la Russie après l’invasion de l’Ukraine en 2022 – tout en permettant à ses six étudiants de concourir à distance en tant que personnes privées. La Russie demeure suspendue.
Les signataires viennent d’un large éventail de pays, universités et étapes de carrière : de l’Australie au Maroc et à la Suisse ; d’Oxford a Stanford et à l’Université de Carthage ; de chercheurs doctorants à professeurs associés à trois gagnants de la médaille Fields – prix auquel on se réfère souvent comme au prix Nobel de mathématiques.
La lettre – vue par le Guardian d’Australie – n’a pas été publiée afin de protéger les signataires du harcèlement.
Il y a parmi eux un Israélien, un ancien médaillé de l’OIM, qui ont demandé que leur nom ne soit pas divulgué.
« J’ai eu besoin d’y réfléchir une seconde à cause du potentiel danger », disent-ils.
« Si je racontais cela à des inconnus dans la rue, ce serait, je ne dirais pas discutable, ce serait considéré comme une trahison manifeste. »
Mais ils disent : « Nous voyons ce qui se passe à Gaza : il y a des crimes de guerre, il y a de la famine, le génocide. Pour moi, c’est clair. C’est une question morale – c’est ce qu’il est obligatoire de faire dans cette situation. »
Ils espèrent que l’interdiction d’Israël serait un acte symbolique qui aiderait « à mettre un miroir face à la nation israélienne » et conduirait leurs compatriotes à réfléchir à « la direction vers laquelle ce pays s’oriente ».
L’ambassade d’Israël à Canberra a catégoriquement rejeté la demande.
« L’ambassade s’oppose fermement à toute demande de suspension de l’adhésion d’Israël à l’OIM ou au boycott de ses étudiants », a dit son porte-parole.
« Les mathématiques doivent rester apolitiques et inclusives. »
Le pouvoir de transformer les vies
Le signataire israélien, comme tant de jeunes mathématiciens, dit que concourir à l’OIM a été une « expérience transformatrice ».
Le premier signataire de la lettre est le directeur de recherche au Centre National Français de Recherche Scientifique, Ahmed Abbes. Fils d’un professeur de maths d’un lycée tunisien, il se souvient de l’OIM comme ce qui a « fait de lui un mathématicien ».
Abbes a remporté la médaille de bronze en 1988 à sa première OIM à Canberra. L’année suivante à Braunschweig, en Allemagne, il a remporté l’argent, côtoyant et nouant des liens durables avec des adolescents qui allaient devenir certaines des personnes les plus influentes au monde.
Classé N°1 mondial en 1988 pour la deuxième année consécutive, il y a eu Nicusor Dan, qui a remporté une deuxième médaille d’or consécutive avec son deuxième score parfait. En mai, il est sorti de la crise politique de Roumanie en tant que son nouveau président.
A la même OIM, le premier ministre australien, Bob Hawke, a remis une médaille d’or à un prodige encore plus jeune, un jeune Australien de 12 ans qui s’appelle Terence Tao. Tao demeure le plus jeune de tous les médaillés d’or de l’OIM et beaucoup le considèrent comme le plus grand mathématicien vivant.
Un exemple plus récent du pouvoir de l’OIM de transformer des vies, c’est Ihor Pylaiev. Pylaiev a été extirpé de Kharkiv ravagée par la guerre en 2022, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, pour qu’il poursuive ses études à Paris. Il a remporté sa deuxième médaille d’or à Oslo, cette fois-ci avec un score parfait et le meilleur classement mondial. Il fait maintenant ses études à Cambridge grâce à une bourse d’études avec des collègues de l’équipe ukrainienne de l’OIM.
Abbes, qui a mené des actions pour soutenir Pylaiev et les étudiants ukrainiens, dit que la réponse de la communauté des mathématiciens à l’invasion russe est un autre chapitre de sa glorieuse histoire de défense des droits de l’Homme.
« Quand vous reconnaissez qu’il y a des valeurs universelles, vous les appliquez tout simplement, comme vous appliquez un théorème de mathématiques », dit Abbes.
« Quand vous voyez clairement le deux poids deux mesures [en n’utilisant pas les mêmes lentilles avec Israël], en tant que mathématicien, vous ne pouvez pas l’accepter. »
Le président du bureau de l’OIM, Gregor Dolinor, réfute les accusations de double standard.
Depuis qu’il a assumé la présidence en 2023, ce professeur slovène a supervisé l’intégration de l’OIM en tant qu’association, située aux Pays Bas.
Je voulais rendre les choses plus officielles, plus professionnelles », dit Dolinar. « Maintenant, nous avons correctement mis en place une structure gouvernementale. »
Dolinar dit qu’il « croit fermement » que des décisions importantes telles que l’interdiction de nations devraient être prises, non par son comité, mais par le jury de l’OIM, dans lequel se trouvent des représentants de plus de 100 États et territoires. Le jury, dit-il, se réunira sur la Côte Ensoleillée en juillet et pourrait alors prendre la décision d’interdire Israël.
« Notre principal objectif est simplement de nous concentrer sur [le développement] des jeunes esprits et, en nous appuyant sur une très ancienne tradition, d’organiser un bel événement », dit Dolinar. « Nous voulons vraiment éviter toutes les questions politiques. Nous voulons vraiment être apolitiques.
« Notre but principal est de permettre à autant de jeunes que possible de participer à l’OIM. »