Une préface d’excuses pour un article sur la défense pro-Israël a été enlevée après une pétition en faveur de la libre expression impliquant Noam Chomsky.
L’ université de Glasgow a renoncé à taxer d’ « antisémite » un article de journal accepté par un comité de lecture sur le lobbying pro-Israël, face aux critiques d’universitaires internationaux de premier plan.
L’université a été critiquée comme sapant la liberté académique après qu’elle a ajouté en mai une préface à un article vieux de quatre ans, préface s’excusant pour sa publication et affirmant qu’il promouvait une « théorie antisémite sans fondement ».
L’université a republié cette semaine l’article avec une nouvelle préface, enlevant les excuses et disant à la place que l’article promouvait « ce que certains considéreraient comme une théorie sans fondement » sur Israël.
La reculade a eu lieu après que Noam Chomsky, le linguiste et critique de politique étrangère américain, et George Smith, un chimiste lauréat du prix Nobel, ont fait partie des plus de 550 universitaires signataires d’une pétition remise à Glasgow il y a deux semaines, appelant l’université à témoigner de son engagement à la libre expression.
« La position intenable [de Glasgow] implique que d’autres groupes, états et compagnies peuvent tous être sujets à une analyse universitaire critique, mais que le commentaire sur la défense pro-Israël doit être limité », disaient-ils.
L’article, publié dans le journal eSharp de Glasgow, destiné aux universitaires en début de carrière, avait argué qu’« une stratégie israélienne sponsorisée par l’état était focalisée sur le contrôle de l’opinion publique au Royaume-Uni ». Il disait qu’Israël cherchait à « exploiter les ressources des supporters sionistes de base » pour renforcer le soutien du gouvernement britannique à Israël et « discréditer et neutraliser les discours pro-palestiniens ».
Glasgow a ajouté la nouvelle préface à l’article en mai, après des plaintes et un article sur la controverse dans Jewish Chronicle.
Le professeur Jonathan Rosenhead, de la London School of Economics, qui a aidé à coordonner la pétition, a dit qu’il saluait le retrait de l’accusation d’antisémitisme par l’université.
Mais il a ajouté : « L’université a complètement échoué à justifier son insultante préface originelle ou même le besoin d’une quelconque préface. Il semble qu’elle essaie désespérément à la fois de bouger et de ne pas bouger ; elle essaie de faire un changement qui désamorcera la colère des universitaires sur ce qui est fait sans déclencher une nouvelle rafale d’hostilités de la part des défenseurs d’Israël et il me semble tout à fait possible que cela ne satisfera personne. »
David Collier, un militant pro-Israël qui était mentionné dans l’article et qui a publié une réfutation sur son site web, a décrit le retrait des excuses comme « un acte de lâcheté ».
La recherche dans l’article « ne tient pas le coup », a dit Collier. « C’est un article de caniveau et son fil sous-jacent est que des gens comme moi sont réellement une cinquième colonne travaillant à l’intérieur du Royaume-Uni pour une nation étrangère — ce qui est un trope antisémite de base. »
Un porte-parole pour Glasgow a dit que l’université s’était engagée à soutenir la liberté académique, ajoutant : « L’université ne pense pas que la publication de l’éditorial porte atteinte à la liberté académique. L’article reste sur le site web du journal et les lecteurs sont libres d’y adhérer ou de le contester, à leur convenance ».
Des universitaires internationaux accusent l’université de Glasgow de saper la recherche
Cinq cent cinquante universitaires et intellectuels de premier plan du monde entier ont interpellé l’université de Glasgow à cause de ses excuses publiques pour un article publié dans son journal eSharp il y a quatre ans. L’auteur n’a pas été informé de ces excuses. L’article est critique du lobbying et des techniques d’information utilisés par Israël et ses supporters.
Quatre ans après la publication de l’article, et après une plainte par un militant pro-Israël et d’autres attaques, une préface a été ajoutée cet été à l’article, l’accusant de promouvoir « une théorie antisémite » ; et l’université a publié une déclaration sur son action, disant qu’elle est opposée aux « discours de haine ». L’université a continué en justifiant sa déclaration par une référence à la définition très critiquée de l’antisémitisme par l’IHRA (qui lie toute critique d’Israël à de l’antisémitisme).
Les signataires insistent sur le fait que la critique d’Israël et de ses supporters ne peut être assimilée à de l’antisémitisme. La conséquence sérieuse d’une telle assimilation pour la recherche académique, disent-ils, serait que
« d’autres groupes, états et compagnies peuvent tous être sujets à une analyse universitaire critique, mais que le commentaire sur la défense pro-Israël doit être limité ».
Les universitaires objectent aussi à ce qui revient à une annulation de la procédure d’évaluation qui avait approuvé l’article en 2017. Ils sont spécialement inquiets à propos de son impact sur la recherche future, puisque ce journal de l’université est destiné aux chercheurs en début de carrière. C’est potentiellement extrêmement préjudiciable de voir sa recherche étiquetée de cette façon ; l’action de l’université, si celle-ci ne se rétracte pas, aura un effet dissuasif sur les chercheurs entrant dans le domaine.
La critique des universitaires est partagée par des personnalités de premier plan qui ont ajouté leurs noms à la pétition, dont Ronnie Kasrils, l’ancien homme d’état anti-apartheid d’Afrique du Sud, le réalisateur Ken Loach, le musicien Brian Eno, l’autrice Ahdaf Soeuif, membre de la Royal Society of Literature, et des experts juridiques internationaux, comme John Dugard et Sir Geoffrey Bindman QC.
Les questions de liberté académique et de libre expression sur les campus ont obtenu récemment une couverture nationale avec plusieurs affaires de haute visibilité. Mais il n’est pas usuel qu’une affaire attire autant l’attention internationale d’universitaires d’une large gamme de disciplines. Les signataires vont de Malcolm Levitt en chimie physique et du mathématicien David Epstein, tous deux membres de la Royal Society, à l’historienne renommée Sheila Rowbotham.
Ils incluent deux anciens présidents de la British Sociological Association, John Brewer et aussi John Eldridge, dont le travail a été listé comme l’un des 100 principales réalisations de l’université de Glasgow. L’actuel président de l’International Sociological Association, Sari Hanafi, a aussi signé, ainsi que Gerardo Otero, président de la Latin American Studies Association. Il y a 20 signataires d’universités majeures en Israël ainsi que des universitaires palestinien,s dont Salman Abu Sitta, Président de la Palestine Land Society. La professeure Hagit Borer a signé au nom de Israel Academics UK ainsi que Jacqueline Rose, d’Independent Jewish Voices.
Les signataires affirment qu’ils se dressent absolument contre l’antisémitisme et toutes formes de discrimination. Mais ils pensent que faire de fausses assertions est entièrement contre-productif puisque cela répand la confusion et affaiblit la lutte contre le racisme réel.
Ils appellent l’université à retirer tant ses excuses que ses commentaires reliant l’article aux discours de haine et à affirmer son engagement pour le droit au commentaire critique dans la recherche.
Le signataire George P Smith, lauréat du prix Nobel de chimie, a commenté ainsi :
« Je demande à mes collègues universitaires : est-ce que faire campagne pour discréditer des travaux avec lesquels nous sommes en profond désaccord en les taxant de « discours de haine » est une façon honorable ou efficace de les réfuter ? »
Et Noam Chomsky dit :
« La capitulation de l’université de Glasgow est un coup sérieux porté à la liberté académique, qui ne devrait pas être autorisé à durer. »