Cet article a pour but d’alerter le corps enseignant, les étudiants et l’administration quant à la nomination de Ronen Shoval comme chargé de recherche et de cours en Science politique,….
Cet article a pour but d’alerter le corps enseignant, les étudiants et l’administration quant à la nomination de Ronen Shoval comme chargé de recherche et de cours en Science politique, et de nous inviter à réfléchir sur les personnes que nous souhaitons voir dispenser un enseignement à nos étudiants.
Selon les éléments fournis par les médias, des personnalités politiques et des groupes de défense des droits civiques, et de nombreux universitaires, Shoval a fondé un groupe israélien ultranationaliste qui a mené en Israël, au fil des années, des campagnes d’intimidation et de harcèlement contre des instances et personnalités reconnues : organisations de défense des droits humains, départements universitaires, auteurs, artistes, et universitaires. Shoval assure avoir quitté le groupe en 2013. Cependant, avant son départ, des experts ont déclaré devant un tribunal israélien que cette organisation partageait certaines caractéristiques du fascisme. Même après son supposé départ, lorsque l’organisation a été accusée de “maccarthysme israélien’, Shoval, se référant à McCarthy, a riposté en ces termes : “Les détails historiques révèlent que ses positions étaient largement correctes dans la plupart des cas.”
Étonnamment, Shoval est maintenant chargé d’un séminaire de première année à Princeton ! Oui, ce “chercheur” hostile à la démocratie et aux libertés universitaires a été chargé d’accueillir nos étudiants en première année au seuil d’un monde universitaire où règne la liberté de penser.
Soyons clairs, ce qui est en question ici, ce n’est pas la liberté de parole. Si des personnes, sur ce campus, veulent entendre s’exprimer des maccarthystes ou des fondateurs d’organisations désignées comme fascistes, qu’elles les invitent à s’exprimer, cela va sans dire. Cependant, l’attribution d’un statut de chercheur universitaire est une affaire bien différente. Les chargés de cours à Princeton ne bénéficient pas seulement d’un pouvoir sur leurs étudiants, mais aussi de l’accès à une tribune, à des ressources et à une infrastructure. Lorsqu’ils sont utilisés par de mauvais acteurs, ces privilèges peuvent faciliter le développement de scénarios anti-démocratiques, dont le but malveillant est d’attaquer les penseurs indépendants et la liberté universitaire. Princeton doit soutenir sans relâche une grande diversité de points de vue, mais pas une diversité de tactiques destinées à semer la peur ou de techniques de brutalisation.
Reprenons les faits : En 2010, Im Tirtzu, le groupe ultranationaliste dont Shoval a été le fondateur et qu’il a présidé pendant une longue période, a fait campagne contre les universitaires dont les cours étudiaient le récit palestinien au sujet de 1948. Shoval a dirigé la campagne visant à fermer le département de science politique de l’université Ben Gourion. Il nous semble stupéfiant qu’une personne qui s’est battue pour obtenir la fermeture d’un honorable département de science politique soit généreusement accueillie par un autre.
Im Tirtzu aurait également utilisé des documents fournissant des informations sur des organisations de défense des droits humains, obtenus auprès d’enquêteurs privés, et Shoval a reconnu en 2013 dans un témoignage judiciaire que le groupe avait aussi chargé des enquêteurs d’espionner des avocats qui représentaient ces groupes. Pendant la présidence de Shoval, Im Tirtzu a poursuivi en justice pour diffamation des instances qui qualifiaient l’organisation de fasciste. Le professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem Zeev Sternhell, témoin érudit, historien, récipiendaire du prestigieux Prix Israël, a considéré que ce groupe manifestait les traits des mouvements fascistes dans leur phase initiale ; Tomer Persico, chercheur en religion, indique que Ronen Shoval a reconnu être influencé par des penseurs dont les enseignements servent de base à l’idéologie fasciste.
Après le départ de Shoval, Im Tirtzu a produit en 2015 une vidéo répugnante, que son fondateur et ancien président Shoval a posté sur sa page Facebook. Elle qualifiait d’“agents étrangers” les dirigeants des principales organisations israéliennes de défense des droits humains et assimilait leur action à un soutien au terrorisme. Les défenseurs des droits humains ciblés comprenaient le directeur du Comité public contre la torture en Israël ; le directeur des programmes de prise de contact de Breaking the Silence ; un juriste du Centre pour la défense de l’individu ; et le directeur exécutif de B’Tselem, le Centre d’information israélien pour les droits humains dans les territoires occupés. Cette vidéo — accusée d’incitation par de nombreuses personnalités comme Isaac Herzog, aujourd’hui président d’Israël, ainsi que par des organisations comme ARZA, branche sioniste du mouvement réformé (Reform Movement, le plus important courant religieux du judaïsme en Amérique du Nord) — s’ouvre sur la mise en scène dramatique d’un attentat commis par un Palestinien armé d’un couteau et continue en affirmant que ce type de violence est encouragé par les quatre militants israéliens défenseurs des droits. Non seulement la vidéo nomme ces militants, mais elle montre leurs photos. Ces défenseurs des droits humains auraient reçu des menaces de mort sur les réseaux sociaux après la diffusion du clip, ce qui n’a rien de surprenant.
Maintenant qu’il est nommé chercheur et chargé de cours, Ronen Shoval est libre d’utiliser son affiliation universitaire pour faire progresser davantage son odieux programme. (Il a adopté comme signature de ses courriels “Associate Research Scholar & Lecturer in Politics, James Madison Program in American Ideals & Institutions, Department of Politics, Princeton University.”) Ronen Shoval a été invité par le James Madison Program à être chargé de cours en science politique et à dispenser son enseignement aux étudiants en première année de Princeton. Au cas où les membres du Comité exécutif du Madison Program n’auraient pas été informés des “méthodes” de Shoval, nous les engageons à réviser leurs procédures, et au cas où ils en auraient eu connaissance, nous les engageons à revoir leur façon d’évaluer les CV et les attitudes de ceux qu’ils invitent comme chargés de cours.
En tant que membres du corps enseignant, nous sommes mal à l’aise. Nous présentons nos excuses aux étudiants en première année et au reste de la communauté universitaire. Nous demandons à l’université et à ses départements de s’interroger sur les personnes que nous voulons faire venir pour donner des cours à nos étudiants. Les objectifs qui nous ont poussés à rédiger cet article sont au nombre de trois : 1) informer notre communauté de cette situation lamentable ; 2) demander fermement aux départements et programmes de l’université de Princeton de revoir les procédures d’invitation des personnes chargées d’enseignement sur le campus (il va sans dire que les commissions de recrutement avaient facilement accès, moyennant quelques clics, à tous les éléments exposés ici) ; enfin, 3) soutenir nos collègues, les juristes et les institutions démocratiques en Israël dans leur combat actuel pour la démocratie, en aspirant à un État véritablement démocratique pour les Israéliens et les Palestiniens.