Israël ne coopérera pas à l’enquête du FBI sur l’assassinat de la journaliste palestino-américaine

Le ministre de la Défense qualifie l’enquête sur le meurtre de Shireen Abu Akleh par l’armée israélienne d’interférence dans les affaires intérieures’

Israël a dit qu’il ne coopérera pas à l’enquête du FBI sur l’assassinat de la journaliste palestino-américaine Shireen Abu Akleh par l’armée israélienne.

Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a dénoncé l’enquête comme une « interférence dans les affaires intérieures d’Israël » et a dit qu’il « a dit clairement aux représentants américains que nous soutenons les soldats des FDI (forces de défense israéliennes), que nous ne coopérerons à aucune enquête extérieure ».

« La décision du Département de la Justice des États-Unis d’enquêter sur la mort regrettable de Shireen Abu Akleh est une faute grave. Les FDI ont mené une enquête indépendante et professionnelle qui a été présentée aux Américains qui en ont partagé les informations », a dit Gantz.

Mais un refus catégorique de coopérer compliquerait les relations avec Washington et renforcerait les allégations d’une dissimulation par Israël de la mort d’Abu Akleh alors qu’elle faisait un reportage sur un raid militaire sur la ville de Jénine en Cisjordanie au mois de mai.

L’enquête du FBI arrive après des mois de pression de la part de la famille de la très respectée journaliste d’Al-Jazeera, qui avait accusé l’administration Biden de « s’orienter furtivement vers l’effacement de tout méfait des forces israéliennes ». La famille a été soutenue par des dizaines de membres du Congrès.

La famille d’Abu Akleh a rendu hommage mardi à la décision américaine. « C’est une étape importante », a dit une déclaration qui exprimait l’espoir d’une « enquête vraiment indépendante, crédible et approfondie ». La déclaration faisait remarquer que la famille avait demandé « depuis le début » une enquête américaine.

« C’est ce que les États-Unis devraient faire quand un citoyen américain est tué à l’étranger, spécialement quand il est tué, comme Shireen, par une armée étrangère. »

Les nouvelles de l’enquête ont été également bien accueillies par le Sénateur Chris Van Hollen, qui était extrêmement critique face à la défaillance d’Israël à assumer correctement l’assassinat. « C’est une étape tardive, mais nécessaire et importante dans la recherche de la justice et de la responsabilité à propos de la mort par balles de la citoyenne américaine et journaliste Shireen Abu Akleh », a-t-il dit dans un tweet.

Les FDI ont tout d’abord nié leur responsabilité dans le meurtre d’Abu Akleh et ont montré du doigt les tireurs palestiniens. Mais les enquêtes des Nations Unies et de plusieurs organisations de presse ont conclu que la journaliste n’était pas proche des tirs des Palestiniens quand elle a été tuée, et que les forces israéliennes étaient presque certainement responsables. L’ONU a dit que les soldats israéliens ont tiré «  plusieurs balles séparément, apparemment bien ciblées » sur Abu Akleh et d’autres journalistes.

En septembre, les FDI ont finalement admis que l’un de ses soldats l’avait probablement atteinte, mais on dit qu’il n’y aurait pas de poursuite criminelle parce qu’aucune loi n’avait été enfreinte et ils ont déclaré l’affaire close. Le département d’État américain était prêt à laisser l’affaire en l’état, mais cela n’a pas atténué la pression politique venant du Congrès.

Le membre le plus ancien du Sénat, Patrick Leahy, a contesté la valeur du rapport d’Israël sur la mort d’Abu Akleh, faisant remarquer qu’il existait « une histoire des enquêtes sur les tirs des soldats des FDI qui aboutissent rarement à une mise en cause ».

Leahy a accru la pression sur Israël en laissant entendre que son manquement à expliquer complètement l’assassinat de la reportrice d’Al-Jazeera pourrait compromettre l’énorme aide militaire des États-Unis à l’État juif selon une loi qu’il avait présentée 25 ans plus tôt et qui coupe les fournitures d’armes aux pays qui violent les droits de l’homme.

Leahy a rapporté que le Sénat avait dit que l’administration Biden n’avait pas répondu aux appels des membres du Congrès pour que le FBI enquête sur la mort d’Abu Akleh comme c’est « habituel et approprié après une tragédie comme celle-là impliquant un-e Américain-e d’importance tué-e à l’étranger dans des circonstances douteuses ».

« Malheureusement, il n’y a eu aucune enquête indépendante et crédible », a-t-il dit.

Van Hollen a lui aussi dédaigné l’enquête israélienne.

« Le cœur de la ‘défense’ dans ce rapport des FDI, c’est qu’un soldat ‘répondait aux tirs’ d’activistes » quand Abu Akleh a été frappée », a tweeté Van Hollen. « Mais les enquêtes … n’ont trouvé aucun tir de cette sorte à l’époque. Cette situation souligne la nécessité d’une enquête américaine indépendante sur la mort de cette journaliste américaine. »

Presque la moitié des membres Démocrates du Sénat ont signé une lettre mettant en question la prétention d’Israël qu’Abu Akleh avait été atteinte accidentellement par le tir d’un soldat. La lettre suggère qu’elle pouvait avoir été ciblée parce que journaliste.

L’association israélienne de défense des droits de l’homme Yesh Din a également chaleureusement accueilli l’enquête américaine. « Seule une enquête internationale indépendante peut mener à la découverte de la vérité », a-t-elle dit.

Mais Yeh Dinn a ajouté que cela n’arrivait que parce que Abu Akleh était une citoyenne américaine.

« Il est important de souligner qu’il s’agit d’un événement exceptionnel parce qu’il concerne une citoyenne américaine et célèbre journaliste. Dans la plupart des cas (72 % des plaintes déposées par les Palestiniens), l’armée ne mène pas d’enquête criminelle. Une enquête sérieuse et approfondie est nécessaire, et pas seulement lorsqu’il s’agit d’un-e citoyen-e américain-e. »