Israël commet un génocide à Gaza, dit un ancien diplomate de l’UE

Josep Borrell critique la réponse de l’UE à ce qu’il appelle la plus grande opération de nettoyage ethnique depuis la deuxième guerre mondiale

L’ancien chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell a lancé une attaque cinglante contre Israël , accusant son gouvernement de commettre un génocide à Gaza et « d’accomplir la plus grande opération de nettoyage ethnique depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, dans le but de créer un splendide lieu de villégiature ».

Borrell, ancien ministre espagnol des affaires étrangères, qui a été le chef de la diplomatie de l’UE de 2019 à 2024 et président du Parlement Européen de 2004 à 2007, a aussi critiqué la faillite de l’instance à utiliser tous les moyens à sa disposition pour influencer Israël, disant que l’expression de regrets était tout simplement insuffisante.

Lorsque le prix européen Charles V lui a été remis vendredi devant des dignitaires, dont le roi Philippe, au sud-ouest de l’Espagne, Borrell a dit que les horreurs dont Israël a souffert dans les attaques du Hamas le 7 octobre 2023, ne pouvaient pas justifier les horreurs qu’il a ensuite infligées à Gaza.

« Nous assistons à la plus grande opération de nettoyage ethnique depuis la fin de la seconde guerre mondiale, destinée à créer un lieu de villégiature splendide une fois que les millions de tonnes de décombres auront été dégagés de Gaza et que les Palestiniens seront morts ou seront partis », a-t-il dit dans un style particulièrment direct.

L’ancien diplomate a accusé Israël de violer toutes les règles de conflit et d’utiliser l’inanition de la population civile de Gaza comme « arme de guerre ».

« Les explosifs lancés sur Gaza ont été trois fois plus importants que ceux qui ont composé la bombe d’Hiroshima » a-t-il dit. « Et depuis des mois maintenant, rien n’entre à Gaza. Rien : pas d’eau, pas de nourriture, pas d’électricité, pas de carburant, pas de services de santé. C’est ce qu’ont dit les ministres de (Benjamin) Netanyahou et c’est ce qu’ils ont fait.

Il a ajouté : « Nous savons tous ce qu’il se passe là-bas et nous avons tous entendu les objectifs déclarés par les ministres de Netanyahou , qui sont clairement des déclarations d’intention génocidaire. J’ai rarement entendu le dirigeant d’un pays présenter aussi clairement un plan qui corresponde à la définition juridique du génocide ».

Borrell a ensuite reproché à l’Europe de se soustraire à ses responsabilités morales et humanitaire à Gaza.

« L’Europe a la capacité et les moyens non seulement de protester sur ce qu’il se passe mais aussi d’influencer le comportement (d’Israël) » a-t-il dit. « Mais elle n’agit pas en ce sens. Nous fournissons la moitié des bombes qui tombent sur Gaza. Si nous croyons vraiment que trop de gens meurent, alors la réponse naturelle consisterait à fournir moins d’armes et à utiliser le levier de l’accord d’association pour exiger que le droit humanitaire international soit respecté au lieu de se lamenter du fait qu’il ne l’est pas ».

L’ancien homme politique socialiste a aussi pris appui sur son discours pour lancer une réflexion sur les réalités géopolitiques actuelles, qu’il a décrites comme sans précédent. L’ordre mondial post-1945, a-t-il dit, a été démoli par Vladimir Poutine, « un tyran que son échec militaire en Ukraine a rendu plus dangereux » et par Donald Trump qu’il a décrit comme « le maître du chaos, passé d’allié à adversaire ».

La question à laquelle l’Europe est confrontée, a-t-il ajouté, était de savoir comment faire sans la protection longtemps accordée par son vieil allié d’outre-Atlantique.

« Pour traiter cette situation, il nous faut évoluer du pacifisme structurel à un fort réarmement, mais nous avons besoin de faire cela à l’échelle européenne si nous voulons éviter le gaspillage qui réveille les vieux démons nationaux » a dit Borrell. « Nous avons besoin de quitter un atlantisme confortable et atavique, qui nous a vus déléguer notre sécurité aux États-Unis, pour construire une pleine souveraineté européenne, ce qui veut dire aussi donner à l’Europe une dimension fiscale et sécuritaire ».

Il a dit que l’Europe n’était plus le grand conducteur ou chroniqueur de l’histoire du monde. « Aujourd’hui, l’histoire est devenue un produit d’importation », a ajouté Borrell. « L’histoire a été écrite par les soldats russes qui ont marché sur Kiev aux premières heures d’un matin de février et par les Ukrainiens qui ont résisté. L’histoire est écrite par les électeurs étatsuniens qui ont ramené Mr Trump à la Maison Blanche ».

L’histoire, a-t-il poursuivi, est désormais l’histoire de la concurrence économique entre les USA et la Chine. Dans ce qui est apparu comme un coup envoyé à Trump, Borrell a ajouté : « Les visages de l’histoire aujourd’hui sont ceux de Donald Trump, Vladimir Poutine et Xi Jinping. Aucun d’eux n’est européen. Je les connais – bon je les connais un peu – et je peux vous assurer que des trois, il y en a deux qui sont plus intelligents que le troisième. Le problème est que le troisième ne le sait pas ».