Quand la guerre a éclaté à Gaza l’année dernière, le Dr. Adnan Al-Bursh travaillait 24 H. sur 24 tout en documentant sur l’horreur qui l’entourait. Puis il a été arrêté. Maintenant, Sky News a parlé avec les gens qui affirment avoir été témoins des circonstances qui ont conduit à sa mort.
En tant que célèbre chirurgien orthopédique, le Dr. Adnan Al-Bursh a passé la plus grande partie de sa carrière à réparer des membres brisés et des corps brisés à l’Hôpital Al-Shifa de Gaza.
L’un des médecins les mieux formés de l’enclave, une photo le montrant couvert de sang dans le bloc opératoire d’Al-Shifa est devenue virale en 2018.
Quand la guerre a éclaté en octobre de l’année dernière, il travaillait 24 H. sur 24. Des images stockées sur son téléphone portable le montrent debout dans un trou, maniant une pelle émoussée alors que l’hôpital s’enfonçait dans la crise.
Il n’y avait plus de carburant, de nourriture ni le moindre médicament pour calmer la douleur et il n’y avait plus d’endroit où déposer les cadavres. Vêtus de leur blouse d’hôpital, le Dr. Al-Bursh et ses collègues ont creusé des fosses communes tandis que le bruit des explosions retentissait derrière les murs de l’hôpital.
Peu après le début du conflit, le chirurgien, avec sa femme Yasmine, a réalisé que leur vie avait à jamais changé.
« On avait besoin d’Adnan à chaque fois qu’il y avait une guerre », s’est-elle souvenu. « Je lui ai donc dit, ‘tiens toi prêt, il va y avoir plein d’opérations, ils auront besoin de toi’. Il est allé à l’hôpital pour accueillir les blessés et y est resté 24 heures. Il n’a pas arrêté. »
Le Dr. Al-Bursh passait ses journées dans la salle d’opération et dormait la nuit dans la salle du personnel.
Il a par ailleurs tenu un journal des différents cas sur son téléphone portable, renseignant sur les scènes incroyablement désespérées qui se déroulaient autour de lui.
« Malgré la douleur, nous sommes inébranlables », a-t-il dit tout en filmant la scène dans une salle d’opérations surpeuplée.
Israël a dit que les fondations d’Al-Shifa étaient parcourues de tunnels où le Hamas gérait un ‘centre de commandement et de contrôle’, ce que le Hamas dément.
Alors que les troupes avançaient vers l’établissement, le Dr. Al-Bursh a capté l’humeur qui régnait à l’intérieur. Une autre vidéo trouvée sur son portable montre un collègue dans la salle du personnel se souvenant d’une conversation avec sa femme.
« Je me souviens qu’elle m’a demandé une seule chose, et que pensez-vous que c’était ? Cette demande, c’était ‘laisse moi juste te voir sourire’.
« Sourire. C’est la première chose que je veux faire après cette guerre, si Dieu nous sauve. »
Vers la mi-novembre, Al-Shifa était assiégé par les troupes israéliennes.
Une semaine plus tard, les patients, le personnel et quelque 50.000 résidents déplacés qui s’abritaient dans l’établissement ont reçu l’ordre d’évacuer.
Le Dr. Al-Bursh a photographié la scène des longues files de gens qui marchaient vers le sud de Gaza.
Mais le chirurgien ne les a pas suivis. Lui est allé vers le nord-est en direction d’un autre établissement – l’Hôpital Indonésien – qui fonctionnait encore au nord de Gaza. Ce qu’il a trouvé en arrivant l’a horrifié.
« J’ai été choqué là-bas par l’ampleur de la catastrophe », a-t-il dit dans une vidéo. « Il y a des blessés qui ont attendu plus de dix jours pour être opérés. [Leurs] blessures s’étaient gravement infectées. »
Le 20 novembre 2023, l’Hôpital Indonésien a été encerclé par des tanks israéliens, puis, dans la soirée, des projectiles ont été tirés à l’intérieur du deuxième étage. Au moins 12 personnes ont été tuées.
Le Dr. Al-Bursh a survécu avec des égratignures mineures, mais l’entrée principale de l’établissement a été détruite. « La destruction est partout », a-t-il dit dans une autre vidéo.
Un porte-parole des FDI a nié que les forces israéliennes en soient responsables.
(vidéo)
Début décembre 2023, le Dr. Al-Bursh était parti dans un petit hôpital, également dans le nord, appelé Al-Awda.
Un série de photos, postées sur la page du réseau social de l’hôpital, le montrent examinant les patients, la fatigue se lisant sur son visage.
Ce sont les dernières images connues du chirurgien.
Le 5 décembre, l’armée israélienne a encerclé l’hôpital et le personnel s’est demandé avec inquiétude ce que les soldats allaient faire.
Le Dr. Al-Bursh travaillait à Al-Awda avec un ami et collègue, le Dr. Mohammad Obeid.
Finalement, le directeur de l’hôpital leur a dit qu’ils devraient quitter le bâtiment.
« [Le directeur] nous a dit que l’[armée israélienne] avait toutes les données sur les mâles de 14 à 65 ans dans l’hôpital Awda », a dit les larmes aux yeux le Dr. Obeid. « L’armée lui a dit que, si tous les hommes ne descendaient pas… ils détruiraient l’Hôpital Awda avec toutes les femmes et les enfants qui s’y trouvent. »
Nous avons fait part de cette affirmation aux FDI, mais ils n’ont pas répondu.
Les hommes sont sortis de l’hôpital et cinq, dont le Dr. Al-Bursh, ont été emmenés.
« Un soldat est venu jusqu’à nous et a appelé le nom du Dr. Adnan, qui était assis à côté de moi… J’ai senti qu’il était dans une situation très difficile. Le soldat d’occupation l’a pris et le traitement a été très rude. »
Dans un bref communiqué, les Forces de Défense Israéliennes (FDI) ont confirmé à Sky News que le Dr. Al-Bursh était détenu par son personnel. Le 19 décembre 2023, elles ont dit que le chirurgien était emmené dans une base de l’armée israélienne appelée Sde Teiman, qui a été utilisée pour le traitement des détenus depuis le début de la guerre.
Des allégations d’abus physiques, mentaux et sexuels sont nombreuses. Un ancien codétenu du camp, le Dr.Khalid Hamouda, pense que nombreux parmi les prisonniers de Sde Teiman étaient des professionnels de santé.
« Dans le camp où j’étais, il y avait environ 100 prisonniers. Je pense qu’au moins un quart d’entre eux étaient impliqués dans les soins de santé. Certains d’entre eux étaient des médecins, des infirmières et des techniciens. »
Le Dr. Hamouda a été mis au travail dans la base par les gardiens en tant que serviteur ou ‘shawish’ et se souvient qu’on lui a dit d’aller chercher le Dr. Al-Bursh à la grille. Quand il l’a récupéré, son confrère médecin lui a dit qu’il avait été sévèrement battu et avait des douleurs sur tout le corps.
« Il pensait qu’il avait des côtes cassées », a dit le Dr. Hamouda. « Il était même incapable d’aller aux toilettes tout seul. »
Les FDI ont dit à Sky News qu’après que le Dr. Al-Bursh ait été traité, il avait quitté Sde Teiman le 20 décembre et était passé sous la « responsabilité » du service carcéral israélien.
En avril, le chirurgien a été transporté dans un établissement pénitentiaire près de Jérusalem appelé la Prison d’Ofer.
Il est mort peu après son arrivée. La nouvelle de la mort du chirurgien a été annoncée début mai dans un communiqué de deux associations de soutien aux prisonniers palestiniens. Les Israéliens n’ont donné aucune explication ni la cause de sa mort.
Sky News a parlé avec les gens qui disent avoir été témoins des instants qui ont précédé la mort du Dr. Al-Bush.
Un prisonnier, qui dit qu’il avait connu précédemment le Dr. Al-Bursh à Gaza, a fourni des détails dans sa déposition auprès des avocats de l’organisation israélienne de défense des droits de l’Homme, HaMoked.
« Mi-avril 2024, le Dr. Adnan Al-Bursh est arrivé à la Section 23 de la Prison d’Ofer. Les gardiens de la prison ont amené le Dr. Adnan Al-Bursh dans la section dans un état déplorable. Il avait visiblement été agressé et portait des blessures sur tout le corps. Il était nu dans la partie inférieure de son corps.
« Les gardiens de la prison l’ont jeté au milieu de la cour et l’ont laissé là. Le Dr. Adnan Al-Bursh était incapable de se relever. L’un des prisonniers l’a aidé et l’a accompagné dans une des pièces. Quelques minutes plus tard, on a entendu les prisonniers crier depuis la pièce où ils étaient entrés, déclarant que le Dr. Adnan Al-Bursh (était mort). »
Alors que certaines personnes pourraient suggérer que le Dr. Adnan Al-Bursh était un terroriste, Daqqa a dit : « Si vous voulez répondre officiellement à cette question, il n’avait pas été inculpé jusque là. Et beaucoup de ces détenus ne sont pas inculpés depuis Gaza. »
Dans une déclaration à Sky News, un porte-parole du Service Carcéral Israélien a dit : « le SCI est une organisation chargée de faire appliquer la loi et qui travaille selon les dispositions de la loi et sous la supervision du contrôleur d’État et de nombreux autres critiques officiels.
« Tous les prisonniers sont détenus conformément à la loi.Tous les droits fondamentaux requis sont pleinement appliqués par des gardiens de prison qui ont reçu une formation professionnelle.
« Nous n’avons pas été informés des affirmations que vous avez décrites et, de ce que nous savons, aucun événement de ce genre n’est arrivé sous la responsabilité du SCI. Néanmoins, prisonniers et détenus ont le droit de déposer une plainte qui sera parfaitement examinée et traitée par les autorités officielles. »
Des collègues du Dr. Al-Bursh et sa femme Yasmine ont dit à Sky News qu’il était en bonne condition physique avant son arrestation.
« Il était la lumière de ma vie et je l’ai perdu », a dit Yasmine.
Le Dr. Al-Bursh s’était préparé à risquer sa vie pour sauver celle des autres. Cette histoire est l’une parmi d’innombrables autres, maintenant enterrée sous le poids inébranlable du passé récent de Gaza.
Mais le Dr. Al-Bursh a vécu et a perdu la vie d’une façon qui exige d’être reconnue, disent ses amis et les membres de sa famille.