Au nombre de ses recommandations, Human Rights Watch incite les États à « éviter d’équilibrer les dépenses du gouvernement israélien sur les colonies, en retirant les financements accordés au gouvernement israélien à hauteur de ses dépenses sur les colonies et sur les infrastructures qui leur sont liées en Cisjordanie ».
Human Rights Watch appelle toutes les grandes entreprises à cesser complètement leurs activités dans les colonies israéliennes de Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem.
Dans un rapport publié mardi, le groupe basé à New York incite aussi les gouvernements à couper leur aide à Israël.
« Les activités économiques dans les colonies contribuent inévitablement à la politique israélienne qui dépossède et discrimine gravement les Palestiniens, tout en profitant du vol de la terre palestinienne et d’autres ressources par Israël » a dit Arvind Ganesan, le directeur de la division Activités économiques et droits humains de Human Rights Watch, dans un communiqué de presse.
« La seule façon qu’a le monde des affaires pour respecter ses responsabilités en matière de droits humais est de cesser de travailler avec et dans les colonies israéliennes » a ajouté Ganesan.
Le rapport « Occupation S.A. Comment l’activité économique des colonies contribue aux violations par Israël des droits des Palestiniens » va probablement irriter Israël.
Il va aussi s’avérer un outil utile pour le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) pour expliquer aux entreprises pourquoi elles doivent mettre fin à leur complicité avec les crimes d’Israël.
C’est bien ce qui est en jeu, même si HRW insiste sur le fait qu’il « n’appelle pas les consommateurs à boycotter les entreprises des colonies mais plutôt les entreprises à se conformer à leurs responsabilités propres en matière de droits humains en cessant leurs activités en lien avec les colonies ».
Selon le rapport, plus d’un demi million d’Israéliens vivent dans 237 colonies dans toute la Cisjordanie.
Une seule solution : dehors
Avec cette nouvelle recommandation radicale, HRW se démarque de sa position antérieure selon laquelle des sociétés pouvaient modérer les dommages de l’activité économique dans les colonies sans nécessairement s’en retirer complètement.
HRW conclut que « la violation des droits humains à laquelle contribue l’activité économique dans les colonies est tellement envahissante et grave » que les entreprises doivent cesser toutes leurs activités dans les colonies, dont la construction de logements ou d’infrastructures, et cesser de fournir des services tels que la collecte des déchets.
« Elles devraient aussi arrêter de financer, d’administrer, de commercer avec ou de soutenir d’autres façons les colonies ou des activités et infrastructures liées aux colonies », déclare le rapport.
Ce rapport de 162 pages examine en détails les moyens par lesquels les entreprises bénéficient de et contribuent aux graves violations des droits des Palestiniens, allant parfois jusqu’à des crimes de guerre.
Cela comprend : le fait de bénéficier de la discrimination pratiquée par Israël qui permet à des entreprises d’exploiter les ressources et les travailleurs palestiniens ; le fait de bénéficier de et de participer au vol de la terre prise à des Palestiniens individuels et à des villages ; le fait d’aider la destruction par Israël de l’économie palestinienne ; et le fait de rendre plus viables les colonies en leur fournissant des services et en payant des impôts locaux à leurs municipalités.
L’écrasement du développement palestinien
La colonisation israélienne favorise fondamentalement le développement des colonies juives tout en supprimant activement les opportunités économiques palestiniennes.
Le rapport apporte une réfutation solide aux arguments israéliens fréquemment entendus selon lesquels l’activité économique des colonies devrait être tolérée, voire mise à l’honneur, parce qu’elle fournit du travail aux Palestiniens et aide leur développement.
Il cite, par exemple, une estimation de la Banque mondiale d’après laquelle l’économie palestinienne pourrait générer 3,11 milliards d’euros – une augmentation de 35% du PIB – si Israël levait ses restrictions discriminatoires sur l’activité économique palestinienne.
De la même façon, des économistes ont estimé que jusqu’à 200 000 emplois seraient créés si les Palestiniens étaient autorisés à cultiver la Vallée du Jourdain en Cisjordanie occupée, dont la plus grande partie a été captée à l’usage exclusif des colons.
Près du village de Beit Fajjar dans les environs de Bethlehem, dit Human Rights Watch, Israël a refusé de donner leur licence d’exploitation à des carrières possédées par des Palestiniens et harcèle les entreprises en confisquant leur matériel.
Le résultat d’une telle politique, c’est la rareté des postes de travail.
Ibrahim, un travailleur local, a dit aux chercheurs que « si je trouvais du travail à Beit Fajjar, je quitterais la colonie le jour-même ».
Par contraste, Israël a donné des licences à une douzaine de carrières tenues par des Israéliens sur des terres palestiniennes confisquées.
L’une d’elles, exploitée par la compagnie allemande HeidelbergCement, appuie Israël dans la violation du droit international qui interdit le vol des ressources d’un territoire occupé.
Le vol des terres
Dans une étude de cas d’une opération de 96 logements dans la colonie d’Ariel, le rapport cite le rôle de RE/MAX, une franchise immobilière mondiale basée aux États Unis et du financement d‘une banque israélienne, dont la commercialisation profite de la colonisation illégale de la terre palestinienne.
Le rapport décrit aussi l’effet dévastateur d’Ariel et de ses extensions, en croissance permanente, sur les villages dont la terre a été volée pour leur développement.
En soutenant ces projets immobiliers, le rapport établit que des firmes comme RE/MAX et la banque israélienne « aident les colonies illégales de Cisjordanie à fonctionner comme des marchés immobiliers viables, ce qui permet au gouvernement d’y transférer des colons ».
Ce transfert est un crime selon la Quatrième Convention de Genève et le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale.
Dans cette étude de cas, Human Rights Watch ne dit pas de quelle banque il s’agit, mais souligne plutôt le fait que les compagnies présentées dans le rapport sont des exemples parmi des centaines qui font des affaires dans les colonies.
La brochure publicitaire officielle de Green Ariel, l’opération immobilière mentionnée dans le rapport, propose cependant des prêts hypothécaires de la banque Mizrahi Tefahot.
C’est une des cinq plus grandes banques israéliennes desquelles plusieurs fonds de pensions majeurs ont récemment désinvesti à cause de leur rôle dans le financement des colonies.
« Je ne vends pas aux Arabes »
Les entreprises qui financent, vendent et font la promotion des colonies sont aussi des participants actifs du système officiellement accepté de racisme anti-palestinien.
« Étant donné le caractère presque exclusivement juif du peuplement des colonies et les règles qui empêchent effectivement les habitants palestiniens de Cisjordanie d’y vivre, les agents de vente de biens contribuent là, à la discrimination à l’égard des Palestiniens » déclare HWR.
Le rapport cite des sources israéliennes qui confirment que le développement séparé et inégal est la raison d’être de l’entreprise de colonisation ; la Division des Colonies de l’Organisation Sioniste Mondiale soutenue par le gouvernement a dit, par exemple, que la colonisation de la Cisjordanie vise à « renforcer l’installation juive à la périphérie du pays ».
« Je n’achète ni ne vend aux Arabes. Ce n’est pas du racisme, je préfère juste ne pas traiter avec (eux) » a dit à HRW un employé de RE/MAX qui établit des listes de colonies dans Jérusalem Est occupée.
Il semble clair que de tels employés activent un système discriminatoire à la fois sciemment et volontairement.
L’exploitation des travailleurs
Human Rights Watch met aussi l’accent sur une compagnie israélienne qui produit du linge de lit pour un commerçant américain, dans la zone industrielle de Barkan, une colonie de Cisjordanie bâtie sur des terres confisquées à des propriétaires palestiniens.
C’est une des quelque 20 zones industrielles israéliennes de Cisjordanie occupée, où des entreprises peuvent s’installer afin d’échapper à la réglementation environnementale.
Cette compagnie a payé les travailleurs palestiniens bien en dessous du salaire minimum israélien, prenant avantage du fait que le code du travail israélien ne s’étend pas aux travailleurs palestiniens des colonies.
Des Palestiniennes ont été payées 1,83 € de l’heure et ont dit n’avoir eu ni congés payés, ni congés maladie ni heures supplémentaires.
Human Rights Watch n’a pas dit de quelle compagnie il s’agissait « parce qu’elle s’est depuis déplacée de Barkan en Israël ».
La description qui en est fournie correspond néanmoins à une compagnie du nom de Royalife qui commercialise son linge de lit via le revendeur américain Pottery Barn.
Hani, un étudiant palestinien du village de Salfit, a travaillé dans une usine de Barkan qui fabrique des bougies de Hanouccah.
Il a dit à HRW qu’il travaillait 12 heures d’affilée avec une seule pause de 30 minutes.
Il a été payé 1,83 € de l’heure, soit le tiers du salaire minimum israélien.
Le fait que des travailleurs palestiniens soient totalement dépendants des autorités de l’occupation israélienne pour des permis de travail rend impossible aux Palestiniens de contester efficacement ces conditions abusives.
Human Rights Watch dit que la réalité dément les allégations des colons et de leurs soutiens selon lesquels les endroits comme Barkan sont des modèles de « coexistence » qui créent des « ponts pour la paix ».
Ce type de propagande pro coloniale est régulièrement promu par des sionistes de gauche aux États Unis, comme Jane Eisner, la directrice du Jewish Daily Forward.
En prenant la défense de l’usine Sodastream située dans une colonie, le journal de Eisner a insisté sur le fait que la compagnie offrait des « postes bien payés » à des Palestiniens et ne « profitait pas de l’occupation ».
Mais HRW déclare que « les beaux sentiments ignorent le contexte profondément discriminatoire dans lequel fonctionne l’activité économique des colonies et la vulnérabilité des travailleurs palestiniens face aux abus ».
Retirez votre aide à Israël
Au nombre de ses recommandations, Human Rights Watch incite les États à « éviter d’équilibrer les dépenses du gouvernement israélien sur les colonies, en retirant les financements accordés au gouvernement israélien à hauteur de ses dépenses sur les colonies et sur les infrastructures qui leur sont liées en Cisjordanie ».
Vu l’estimation des milliards que coûtent les colonies, cela reviendrait à effacer toute aide à Israël.
Cet appel à couper l’aide n’est pas de nature à plaire à l’administration Obama, qui se vante généralement qu’aucune administration américaine n’a été plus généreuse envers Israël.
Avant qu’il ne quitte son poste en janvier prochain, le président Barack Obama espère conclure un accord qui pourrait voir les subventions militaires américaines à Israël s’élever de 50%.
Et tandis que l’Union Européenne a récemment fait le premier pas en demandant un étiquetage correct des produits des colonies, le bloc de 28 membres a continué à généreusement financer Israël, notamment la recherche militaire et les colonies.
Bien sûr, les fervents alliés d’Israël, dont le gouvernement de gauche de Syriza en Grèce, s’emploient activement à tenter de minorer cette politique d’étiquetage déjà faible.
Au milieu de cette complicité destructive, l’appel de Human Rights Watch à l’arrêt de toute activité économique avec les colonies est un geste bienvenu, même s’il est tardif, dans la bonne direction.
Il apporte un soutien clair et un élan à ceux qui travaillent depuis des années à exercer une pression efficace sur Israël et ses complices pour mettre fin à leurs crimes.