Guerre Israël-Hamas : « Nous appelons le président Macron à réclamer sans délai le cessez-le-feu »

Alors que se tient une « conférence humanitaire » pour Gaza le jeudi 9 novembre à Paris, cinq grandes figures de la recherche française, dont Etienne Balibar et Edgar Morin, demandent, dans une tribune au « Monde », au gouvernement et au chef de l’Etat français d’agir pour la paix et pour le respect du droit international par l’Etat d’Israël.

Les atrocités que, le 7 octobre, les combattants du Hamas ont perpétrées contre des centaines de civils israéliens ont justement suscité l’indignation dans le monde et la solidarité avec les victimes et leurs proches. Elles ont révolté beaucoup de défenseurs de la cause palestinienne, qui ne leur trouvent aucune excuse. Ces sentiments sont toujours d’actualité.

Un mois après, cependant, la riposte d’Israël n’apparaît pas seulement disproportionnée, elle se déploie comme une vengeance barbare, écrasant la population sous les bombes, détruisant maisons, écoles et hôpitaux, ne chassant les habitants de leur quartier que pour mieux les transformer en cibles.

Parmi les victimes, des milliers d’enfants. Et tout ceci sans qu’aucun des objectifs proclamés ait la moindre chance d’être atteint, qu’il s’agisse de l’élimination du Hamas ou de la libération des otages. Il s’agit en réalité d’autre chose : tuer pour tuer, anéantir une fraction entière du peuple ennemi, faire monter la terreur d’un cran supplémentaire, au détriment de toute perspective de règlement du problème israélo-palestinien.

La seule instance en capacité de faire respecter le droit, l’Organisation des Nations unies, dont le secrétaire général, António Guterres, s’est exprimé très clairement sur l’inacceptabilité des méthodes de la guerre en cours, est paralysée par la rivalité et les calculs des grandes puissances – celles notamment qui siègent au Conseil de sécurité. Au moins faudrait-il que des Etats qui se targuent d’incarner la tradition des droits de l’homme et de défendre les droits des peuples s’efforcent de surmonter ce blocage avant que la catastrophe n’ait atteint des proportions comparables aux plus grands crimes contre l’humanité enregistrés dans l’histoire contemporaine.

Inquiétudes et scrupules

Mais le gouvernement français veut aujourd’hui une chose et son contraire. Après s’être empressé de déclarer une solidarité inconditionnelle avec le « droit de se défendre » réclamé par le gouvernement israélien, dont toute l’histoire récente aurait dû lui faire soupçonner les véritables implications, il est saisi d’inquiétudes et de scrupules : d’où l’envoi de bâtiments hospitaliers qui n’ont aucun accès au champ du carnage, l’appel à des trêves humanitaires qui ne remettent pas en question la punition collective des habitants de Gaza, la convocation d’une « conférence humanitaire » dont l’objectif n’est pas d’arrêter les bombardements, mais d’en limiter, par impossible, les conséquences sur la population civile, alors que c’est elle qui est d’abord visée.

Cette contradiction ne saurait perdurer sans conséquences désastreuses, y compris pour nous-mêmes. Il est clair que l’Etat d’Israël n’est pas, ou n’est plus, militairement en danger. En revanche des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants appartenant à la nation palestinienne sont immédiatement exposées à la mort, au deuil, à l’invalidité, au dénuement, à la déportation.

Nous appelons donc instamment le gouvernement français et le président de la République à réclamer sans délai le cessez-le-feu et l’imposition des normes du droit international à l’Etat d’Israël, en rassemblant pour cela tous les soutiens possibles dans le monde, et en se concertant avec le secrétariat général des Nations unies.

C’est la condition pour que subsiste une chance de résoudre un jour pacifiquement l’un des plus graves problèmes du monde actuel, hérité des tragédies du siècle dernier, dans lequel l’Europe n’est pas sans responsabilité, et qui affecte en sa vie et ses relations chaque citoyen de notre pays et de ses voisins.

Signataires de la tribune : Etienne Balibar, professeur honoraire à l’université de Paris-Ouest ; Sonia Dayan-Herzbrun, professeure émérite à l’université Paris-Diderot ; Jean-Marc Lévy-Leblond, professeur émérite à l’université de Nice ; Michael Löwy, directeur de recherches émérite au CNRS ; Edgar Morin, directeur de recherches émérite au CNRS.