Auteurs Autrices : Sonia Dayan-Herzbrun

Gaza : anatomie d’un massacre

À la fin du mois de janvier 2024, alors que la Cour internationale de justice venait de reconnaître le risque plausible de génocide de la population palestinienne à Gaza, Agnès Callamard, la secrétaire générale d’Amnesty International, avait déclaré : « le monde ne regardera pas en silence Israël poursuivre sa campagne militaire visant à décimer la population de la bande de Gaza et déchaîner la mort, le chaos et la souffrance contre les Palestinien·ne·s à une échelle sans précédent ». C’est pourtant bien une injonction au silence qui s’est imposée depuis les lieux de pouvoir. Les quelques livres qui viennent de paraître, tous écrits à chaud, sont autant de refus de se taire devant la dévastation de Gaza où l’armée israélienne détruit jusqu’aux cimetières. Écrits chacun depuis un lieu différent, avec un questionnement propre, ils se recoupent et se complètent dans un engagement commun à faire que cette guerre cesse.

L’apartheid, et après ?

La violence extrême qui s’est abattue sur le Proche-Orient depuis le 7 octobre dernier a produit sur beaucoup un effet de sidération tant elle était inattendue. Elle s’inscrivait cependant dans une histoire de longue durée, celle de la transformation d’Israël en un État d’apartheid. La situation n’y est pas rigoureusement identique à celle de l’Afrique du Sud jusqu’en 1991, mais comme en Afrique du Sud elle est fondée « sur la séparation complète de deux groupes humains vivant l’un à côté de l’autre, voire l’un dans l’autre », écrit l’historien israélien Shlomo Sand dans son nouvel essai, Deux peuples pour un État ? Avec Nathan Thrall, tout autant anthropologue et historien que journaliste dans Une journée dans la vie d’Abed Salama, on découvre ce qu’est le quotidien douloureux des femmes, des hommes, mais aussi des enfants qui subissent les conséquences de cette séparation.

Guerre Israël-Hamas : « Nous appelons le président Macron à réclamer sans délai le cessez-le-feu »

Alors que se tient une « conférence humanitaire » pour Gaza le jeudi 9 novembre à Paris, cinq grandes figures de la recherche française, dont Etienne Balibar et Edgar Morin, demandent, dans une tribune au « Monde », au gouvernement et au chef de l’Etat français d’agir pour la paix et pour le respect du droit international par l’Etat d’Israël.

Les émotions d’une démocratie coloniale

Dans une tribune publiée dans Le Monde le 15 novembre dernier, la sociologue franco-israélienne Eva Illouz faisait le constat de l’importance croissante en Israël d’un « fascisme juif » incarné par le député Itamar Ben Gvir. Depuis, Ben Gvir, qui « affiche un mépris ouvert pour les normes et les institutions démocratiques », est devenu ministre de la Sécurité nationale. Le passage du « populisme nationaliste », par lequel les démocraties périssent de mort lente, au fascisme est donc consommé. Parmi les multiples facteurs qui ont abouti à cette déroute de la démocratie, Eva Illouz accorde dans son nouveau livre une place primordiale aux émotions et à leur manipulation par des forces politiques qui contrôlent également les médias. L’émotionnel prime alors sur le rationnel et même parfois sur les intérêts socio-économiques de l’électorat.