Des personnalités de confession ou de culture juives dénoncent, dans une tribune au « Monde », la venue à Paris, le 13 novembre, du ministre des finances du gouvernement de Benyamin Nétanyahou, hostile au cessez-le-feu dans la guerre Israël-Hamas et défenseur de la colonisation illégale de la Cisjordanie occupée.
L’homme ne le cache pas. Il se qualifie volontiers de « fasciste » et d’« homophobe ». Il se veut raciste, arabophobe, suprémaciste, colonialiste, annexionniste, révisionniste. Il n’est autre que ministre des finances du gouvernement d’extrême droite israélien. Et gouverneur de la Cisjordanie occupée. Son nom : Bezalel Smotrich.
Il est invité à Paris, le 13 novembre, par l’organisation Israël Is Forever, pour un gala de mobilisation des « forces sionistes francophones au service de la puissance et de l’histoire d’Israël ». Une organisation proche des colons extrémistes israéliens, dirigée par l’avocate franco-israélienne Nili Kupfer-Naouri, laquelle affirme qu’il n’existe pas de population civile innocente à Gaza tout en prônant l’entrave de l’entrée de l’aide humanitaire dans l’enclave palestinienne bombardée et privée de tout.
Qualifié de « criminel de guerre »
Bezalel Smotrich, lui-même colon en Cisjordanie occupée, est celui qui, en 2017 déjà, indiquait trois options possibles pour les Palestiniens: vivre sans droits sous occupation, quitter leur terre, ou se révolter et être éliminés.
Bezalel Smotrich, c’est le ministre qualifié de « criminel de guerre » par le journal israélien Haaretz et qui, en février 2023, appelait à « anéantir » la ville palestinienne de Huwara, en Cisjordanie occupée, après que deux colons y furent tués et que des colons d’extrême droite eurent incendié la ville. Les mêmes colons qui multiplient les massacres notamment depuis 2023.
Bezalel Smotrich, c’est le ministre déjà invité à Paris en mars 2023 par la même organisation Israël Is Forever, pour rendre hommage au fondateur de l’organisation, Jacques Kupfer [1946-2021], ancien militant du Betar, qui fustigeait les accords d’Oslo et, après l’assassinat par un extrémiste juif israélien du premier ministre Yitzhak Rabin en 1995, qualifiait ce dernier de « traître ».
Bezalel Smotrich déclarait alors à Paris : « Le peuple palestinien est une invention de moins de cent ans. Est-ce qu’ils ont une histoire, une culture? Non, ils n’en ont pas », et son pupitre arborait une carte incluant non seulement Israël et la Palestine occupée, à l’instar de celle qui fut présentée à l’ONU par Benyamin Nétanyahou, mais aussi le territoire de l’actuelle Jordanie. Pour ce partisan du Grand Israël, l’annexion s’inscrit dans un projet qui transforme la Torah en nouveau document cadastral.
Amputés sans anesthésie
Bezalel Smotrich ne se contente pas de ses paroles de haine et de ses appels au meurtre. Il agit. En accélérant la colonisation illégale du point de vue du droit international pour empêcher toute hypothèse d’Etat palestinien. En armant les colons suprémacistes qui expulsent les Palestiniens et confisquent leurs terres et habitations. En détournant les finances de l’Autorité nationale palestinienne. Surtout, en refusant à Gaza tout cessez-le-feu, même si celui-ci permettrait la libération des otages israéliens retenus par les combattants du Hamas et de ses alliés depuis le 7 octobre 2023, et de prisonniers palestiniens.
En prônant au sein du gouvernement l’intensification de la guerre depuis ce 7 octobre et le massacre de plus de 1 200 Israéliens, dont 900 civils, par des commandos du Hamas et ses alliés. Une nouvelle guerre, inédite par son ampleur et sa violence, contre toute une population, qui a déjà tué plus de 43 000 Palestiniennes et Palestiniens, dont des milliers d’enfants, outre tous ceux encore sous les décombres.
Les bombardements israéliens incessants ont aussi blessé plus de 100 000 Palestiniens et Palestiniennes et contraint à des déplacements multiples d’un abri inexistant à l’autre plus de 2,3 millions d’habitants de l’enclave réduite en cendres et gravats. Plus de 17 000 enfants sont orphelins, ou isolés de leurs familles. Des centaines de gamins ont été amputés sans anesthésie, de même qu’ont eu lieu sans anesthésie des dizaines de césariennes, car le gouvernement israélien a ordonné la destruction des hôpitaux et empêche les médicaments de passer.
La famine et la soif organisées tuent, surtout des enfants. L’amoncellement des déchets, les eaux usées… propagent des maladies graves, dont la poliomyélite. Le nord de l’enclave est depuis plusieurs jours militairement privé de toute aide alimentaire, et les quelque 75 000 à 95 000 habitants, selon l’ONU, qui tentaient encore d’y survivre sont réduits à la mort plus ou moins lente par la famine totale. ONG et agences des Nations unies ne cessent d’alerter sur l’urgence absolue.
Torpillage des négociations
Au Liban, bombardé du sud au nord, plus de 1 500 personnes ont été assassinées depuis le 23 septembre, et plus de 1,2 million, dont des réfugiés palestiniens et syriens, ont dû de nouveau prendre la route de l’exode sans savoir si elles et ils survivraient.
Nous, citoyennes et citoyens français ou résidant en France, de confession ou d’histoire familiale ou de culture juives, n’acceptant ni le massacre en cours en Palestine et au Liban, ni le torpillage par le gouvernement israélien des négociations qui permettraient un cessez-le-feu immédiat et la libération des otages et de prisonniers palestiniens, ni le détournement et la souillure de la mémoire de nos familles par des criminels de guerre, nous demandons instamment au président de la République, au premier ministre, au ministre de l’Europe et des affaires étrangères :
– de refuser l’entrée sur le territoire français de Smotrich, coupable de crimes qui relèvent de la compétence de la Cour pénale internationale;
– d’interdire le gala organisé par Israël Is Forever au bénéfice d’une armée d’occupation, alors même que la Cour internationale de justice évoque le risque plausible de génocide commis par cette armée. Un tel gala serait non seulement un danger pour l’ordre public, mais aussi une insulte au droit international et à l’honneur de notre pays.
Premiers signataires : Isabelle Avran, journaliste; Sophie Bessis, historienne; Simone Bitton, cinéaste; Rony Brauman, ex-président de Médecins sans frontières; Alain Champaux, professeur agrégé ; Régine Dhoquois-Cohen, juriste; Georges Yoram Federmann, psychiatre gymnopédiste ; Véronique Hayem, militante associative; Pierre Khalfa, économiste, Fondation Copernic; Alain Lipietz, économiste, ancien député européen Vert; Danièle Lochak, juriste ; Véronique Nahoum-Grappe, chercheuse en sciences sociales; Annie Ohayon-Dekel, productrice; Jean-Claude Soufir, maître de conférences des universités, praticien hospitalier honoraire ; Claude Szatan, militant associatif; Pierre Tartakowsky, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme; Dominique Vidal, journaliste et historien; Michèle Zémor, ex-conseillère région Ile-de-France, vice-présidente de l’agglomération de Plaine Commune