Le Parlement israélien a adopté jeudi soir une loi autorisant le gouvernement à expulser les membres de la famille des personnes reconnues coupables d’infractions terroristes, y compris les citoyens israéliens, sur simple décision du ministre de l’Intérieur. Selon ces détracteurs, cette loi, inconstitutionnelle, vise les seuls Arabes israéliens.
Une nouvelle réforme controversée a été adoptée par le Parlement israélien jeudi matin, la Knesset. Proposée par deux membres du parti Likoud du Premier ministre Benyamin Netanyahou, un membre d’Otzma Yehudit (extrême droite anti-palestinienne) et un autre d’Yisrael Beytenu (extrême droite nationaliste), la loi a été adoptée par 61 voix contre 41 après une nuit d’obstruction parlementaire de l’opposition.
Elle accorde au ministre de l’Intérieur le pouvoir, après une simple audience, d’expulser vers Gaza ou un autre territoire les proches au premier degré, c’est-à-dire parents, frères, sœurs, conjoints ou enfants, de résidents ou de citoyens israéliens reconnus coupables d’avoir commis un acte terroriste, s’ils étaient au courant des desseins de leur proche et n’ont pas prévenu les forces de défense israéliennes. Une mesure, dénoncent ses détracteurs, destinée à réduire le nombre de citoyens palestiniens d’Israël, parfois appelés Arabes israéliens. Près de deux millions d’Arabes possèdent la nationalité israélienne.
Les proches de ceux qui ont publié « des éloges, de la sympathie ou des encouragements à l’égard d’un acte de terrorisme ou d’une organisation terroriste » pourraient également être expulsés. De nombreux Arabes israéliens ont été condamnés pour avoir publié sur les réseaux sociaux des messages de soutien ou de sympathie pour le Hamas depuis le 7 octobre 2023.
Les citoyens israéliens conserveraient leur citoyenneté même après avoir été expulsés du pays. Ils ne seraient pas autorisés à y revenir avant sept à quinze ans. Les résidents permanents pourraient être expulsés pour dix à vingt ans. La majorité de la population palestinienne de Jérusalem Est détient un permis de résidence permanente en Israël.
Les défenseurs du texte ont tenté de plaider que, selon des études menées par le Conseil de sécurité nationale et l’armée israélienne, la principale préoccupation des terroristes ayant la citoyenneté israélienne était l’impact que leurs actes pourraient avoir sur leur famille.
Lors de la longue nuit à la Knesset, des députés d’opposition ont ironisé sur le fait que la mesure ne serait pas utilisée contre des citoyens juifs israéliens, a rapporté le site Internet Times of Israel. « La famille d’Yigal Amir ne sera expulsée nulle part », a déclaré la députée de l’opposition Merav Michaeli, faisant référence à l’assassin de l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin, un extrémiste juif. Mickey Levy a demandé « si vous allez expulser la famille de Ben Gvir », une référence à la condamnation du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir dans sa jeunesse pour incitation à la violence et soutien à un groupe terroriste, le mouvement kahaniste, interdit dès 1994 par le gouvernement israélien et le Département d’État américain. À l’exception des militaires, les citoyens israéliens ne sont pas légalement autorisés à entrer à Gaza.
Des représentants du Shin Bet, la puissante agence de sécurité israélienne, auraient averti le mois dernier, lors de réunions de commissions parlementaires à huis clos, du risque d’aggravation des tensions sécuritaires si le texte passait. Ils auraient aussi conseillé aux députés du Likoud, pour éviter trop de recours devant la Cour suprême, de réserver l’expulsion aux personnes possédant une double nationalité. Les organisations israéliennes de défense des droits de l’homme affirment que la loi est inconstitutionnelle. Les conseillers juridiques de la Knesset avaient mis en garde contre le risque d’annulation par la Haute Cour de justice. Celle-ci, ont-ils avancé, pourrait considérer la sanction comme une forme de punition collective, alors que la peine d’expulsion est plus sévère que la peine d’incarcération appliquée à l’auteur de l’acte terroriste lui-même. Et les lois existantes traitent déjà des questions relatives à la complicité des membres de la famille dans un crime en ne le signalant pas, lois qu’il serait très simple d’étendre aux actes de terrorisme.
Dans la foulée de l’adoption de la loi, une ordonnance temporaire, valable cinq ans, a aussi été approuvée. Elle autorise à condamner à des peines de prison ferme les enfants de moins de 14 ans reconnus coupables de meurtre dans le cadre d’un acte de terrorisme ou des activités d’une organisation terroriste.