Au cours des derniers mois, le CEDCH a mené des recherches indépendantes et produit une analyse de la question de génocide, et il l’a comparée avec l’information disponible et les éléments de preuve concernant les actions d’Israël à Gaza (voir Question 6). Cette procédure nous a conduits à conclure qu’il existe une argumentation juridiquement solide montrant qu’Israël commet un génocide contre les Palestiniens de Gaza.
1 – Quels tribunaux ont juridiction dans le cas d’un crime de génocide ?
Les deux tribunaux internationaux principaux, le Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI), ont tous deux juridiction dans les cas de génocide présumé. Alors que la CIJ traite les affaires concernant la responsabilité d’un État dans un génocide, la CPI traite celles concernant la responsabilité pénale individuelle dans un génocide. Cependant, et c’est un point important, la définition d’un génocide est la même pour les deux cours, la CIJ et la CPI.
Selon le principe de juridiction universelle, les États peuvent poursuivre en justice un cas de génocide indépendamment de l’endroit où il est commis ou de la nationalité des coupables ou des victimes. Par exemple, le Code des crimes contre le droit international de l’Allemagne lui permet de poursuivre en justice le génocide même sans lien national direct.
2 – Quel est le sujet du cas Afrique du Sud vs Israël porté devant la CIJ, et quels sont les arguments principaux ?
L’Afrique du Sud a déposé une plainte devant la Cour internationale de justice (CIJ), qui allègue qu’Israël a manqué à ses obligations selon la Convention [pour la prévention et la répression du crime] de génocide, à cause de ses actions contre les Palestiniens de Gaza.
L’affirmation centrale est que les actions militaires et les politiques d’Israël vis-à-vis des Palestiniens — en particulier des actes comme les frappes aériennes, le blocage de l’aide humanitaire, et l’assassinat de civils — sont des actions visant à détruire les Palestiniens de Gaza, totalement ou partiellement. À cause de cela, l’Afrique du Sud affirme que ces actions d’Israël satisfont à la définition juridique d’un génocide (qui est expliquée à la Question 4). L’Afrique du Sud demande à la CIJ de tenir Israël pour responsable, à la fois de commettre un génocide et de ne pas empêcher qu’il soit commis. Elle a demandé à la CIJ d’ordonner certaines actions spécifiques, comme d’ordonner à Israël d’arrêter immédiatement ses opérations militaires à Gaza et d’aider à fournir de l’aide humanitaire aux Palestiniens de Gaza.
Israël a essentiellement répondu que ses actions sont une réponse militaire légitime à des menaces en cours contre sa sécurité et qu’il doit être autorisé à se défendre contre ces menaces.
3. Quelles décisions ont déjà été prises dans le cas Afrique du Sud vs Israël à la CIJ ?
Même si la CIJ n’a pas rendu public son jugement final, ce qui prendra probablement plusieurs années, elle a déjà adopté trois ensembles d’ordonnances contenant des mesures provisoires. Ces ordonnances donnent des instructions urgentes aux parties concernées pour garantir qu’elles ne causeront pas de dommages supplémentaires aux droits que l’affaire essaie de protéger.
Dans la première ordonnance, adoptée le 26 janvier 2024, la CIJ a considéré de manière préliminaire que la situation à Gaza était urgente, étant donné qu’il y avait un « risque réel et imminent » que les actes et les manquements d’Israël puissent violer de manière plausible les droits des Palestiniens selon la Convention de génocide. La CIJ a ordonné à Israël de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher que ces actes interdits soient commis et pour garantir que son armée ne les commette pas non plus. Étant donné les déclarations de plusieurs dirigeants et responsables de haut rang israéliens qui, a argué l’Afrique du Sud, étaient des incitations à commettre un génocide, la CIJ a aussi ordonné à Israël d’empêcher et de punir l’incitation au génocide et de faciliter la fourniture d’une aide humanitaire aux Palestiniens de Gaza.
La deuxième ordonnance, adoptée le 28 mars 2024, a réaffirmé le contenu de la première ordonnance et a fait plusieurs demandes additionnelles à Israël. La CIJ a ordonné à Israël de « garantir, sans délai », ni obstacle la fourniture de l’aide humanitaire aux Palestiniens de Gaza, en particulier en ouvrant plus de points d’entrée terrestres. Elle a aussi ordonné à Israël de garantir que son armée ne viole pas les droits des Palestiniens de Gaza selon la Convention de génocide.
Dans sa troisième ordonnance, le 24 mai 2024, la CIJ a conclu que la situation des Palestiniens s’était aggravée énormément, la qualifiant de « désastreuse ». La CIJ a réaffirmé es précédentes ordonnances et a demandé de plus qu’Israël arrête immédiatement son offensive militaire et toutes les autres actions qui pouvaient s’apparenter à un génocide contre les Palestiniens de Gaza ; qu’il garde ouvert le point de passage de Rafah pour la livraison de l’aide humanitaire ; et qu’il garantisse que les enquêteurs, les organismes d’investigation et les commissions d’enquête des Nations Unies puissent entrer dans la Bande de Gaza.
Israël n’a pas respecté ces injonctions, ce qui conduit à des appels récurrents à ce qu’Israël exécute immédiatement toutes les ordonnances de mesures provisoires de la CIJ.
4. Quelle est la définition du génocide dans le droit international ?
La définition juridique du génocide est énoncé dans l’Article II de la Convention sur le génocide. Dans cette définition, il y a trois éléments clés à établir pour qu’il s’agisse d’un crime de génocide selon le droit international :
a. Il doit y avoir un groupe spécifique qui est ciblé en tant que tel, sur la base de leur nationalité, de leur ethnie, de leur race ou de leur religion.
b. Il doit y avoir certains actes commis contre ce groupe cible. Ces actes sont : le fait d’assassiner ou de causer de graves dommages corporels ou mentaux aux membres de ce groupe ; d’infliger délibérément aux membres du groupe des conditions de vie qui sont calculées pour détruire ce groupe, au moins en partie ; d’imposer des mesures qui visent à empêcher les naissances à l’intérieur de ce groupe ; ou de transférer par force les enfants du groupe cible à un autre groupe.
c. Les individus ou l’État qui commettent les actes ci-dessus doivent avoir l’intention de détruire le groupe cible, partiellement ou totalement. Cet élément est appelé « intention spécifique » ou « dolus specialis » et est généralement l’élément le plus difficile à prouver.
Cette intention spécifique peut être prouvée soit par des preuves directes (comme des déclarations officielles ou des documents produits par l’État), ou des preuves indirectes (comme un schéma de conduite). Les tribunaux internationaux, tels la CIJ, prennent en compte des facteurs comme l’étendue et la nature systématique des attaques ; le groupe ciblé par les attaques ; la répétition des actes destructeurs ; et le langage et la propagande déshumanisants.
La question du seuil pour établir l’intention spécifique est sujette à un débat récurrent, et quelques États ont mis en garde contre une interprétation étroite qui serait impossible à satisfaire. L’approche étroite exigerait que l’intention génocidaire soit la « seule déduction raisonnable » de la situation présente. Cependant, beaucoup d’États soutiennent l’interprétation plus large de la CIJ adoptée dans le cas de Croatie vs Serbie : celle-ci insiste sur l’importance de « raisonnable » dans l’argumentation du tribunal et souligne que le test de « seule déduction raisonnable » ne devrait être utilisé que si l’on tire cette déduction d’un schéma de conduite, et non quand d’autres méthodes de déduction sont aussi présentes.
Dans le cas de Gambie vs Myanmar, un groupe d’États (l’Allemagne, le Canada, le Danemark, les Pays-Bas, la France, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord) a argumenté en faveur d’une approche équilibrée, en cohérence avec l’interprétation de la CIJ dans l’affaire Croatie vs Serbie. Cela est cohérent avec la façon dont l’Afrique du Sud a argué de l’intention génocidaire d’Israël devant la CIJ. Cependant, l’Allemagne a maintenant indiqué qu’elle interviendra comme soutien d’Israël dans les procédures en cours à la CIJ. Il est difficile de voir comment l’Allemagne pourrait le faire sans opter pour une interprétation étroite de l’intention spécifique, ce qui voudrait dire qu’elle fait marche arrière par rapport à sa position précédente. Si la CIJ accepte et adopte la position du groupe d’États dans le cas Gambie vs Myanmar, elle deviendrait contraignante et empêcherait l’Allemagne d’arguer pour l’interprétation étroite.
5. Sur quelle base juridique un État peut-il être tenu pour responsable de génocide ?
Les États peuvent être responsables de génocide de plusieurs façons selon le droit international. Un État peut être tenu pour responsable quand il a commis le génocide lui-même, ou a essayé de le faire. Un État peut aussi être tenu pour responsable de conspirer à commettre un génocide. Cela peut se produire quand deux ou plusieurs individus, dont les actions sont attribuables à l’État, se mettent d’accord sur un plan commun pour commettre un génocide.
On peut aussi conclure à la responsabilité d’un État dans un génocide quand cet État a directement et publiquement incité au génocide. Par exemple, si un État ou ses agents font des déclarations ou mettent des posts sur les réseaux sociaux qui encouragent au génocide. Des États peuvent aussi être responsables de génocide quand ils n’ont pas empêché et puni le génocide, particulièrement quand ils ont le pouvoir et la capacité de lefaire. Ce type de responsabilité pourrait s’appliquer quand, par exemple, un État fournit des armes à un autre État que cet autre État utilise ensuite pour commettre un génocide, ou quand un État fournit des financements à un autre État pour soutenir ses actions militaires qui équivalent à un génocide. cette forme de responsabilité est appelée « complicité dans un génocide », et est l’une des formes de responsabilité que le Nicaragua a argumentée dans son affaire contre l’Allemagne portée devant la CIJ (discutée plus loin dans la question 7).
6. Quels sont les arguments juridiques qui soutiennent la conclusion qu’Israël commet un génocide à Gaza ?
Un grand nombre de rapports (par exemple, ici, ici et ici), de commentaires et de jugements soutiennent la conclusion qu’Israël commet un génocide à Gaza. Par exemple, beaucoup d’experts, de Comités et de Rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont alerté sur le risque qu’Israël commette un génocide, avec une urgence croissante au cours de l’an passé. Des chefs d’État, des fonctionnaires et des représentants de nombreux pays ont publiquement mentionné un génocide à Gaza, ou le risque qu’un génocide soit commis. De plus, des rapports ont été publiés par des personnes individuelles et par des organisations, internationales, palestiniennes et israéliennes, qui indiquaient qu’Israël commet un génocide à Gaza ou au moins risque de le faire.
La CIJ a déjà déterminé que les Palestiniens sont un groupe protégé selon la Convention de génocide et que les Palestiniens de Gaza forment une part substantielle de ce groupe. Cela correspond au premier élément formant le crime de génocide, ainsi qu’il est expliqué dans la question 4.
Il y a aussi des preuves indiquant que des actes génocidaires interdits ont été commis à Gaza, et continuent à l’être. Voici quelques éléments de preuve clés résumés ci-dessous :
a. Assassiner des membres du groupe : Selon le dernier décompte, plus de 44249 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre 2023. La majorité de ces victimes étaient des civils, dont au moins 7216 femmes, 13319 enfants et 3447 personnes âgées. De plus, on estime que plus de 10000 personnes sont portées disparues ou sont sous les décombres à Gaza.
b. Provoquer des dommages corporels ou mentaux aux membres du groupe : Selon le dernier décompte, plus de 104746 Palestiniens ont été blessés depuis le 7 octobre 2023, en plus de ceux qui ont été tués. Les Palestiniens ont aussi souffert d’intenses dommages psychologiques en conséquence des attaques israéliennes dont ils ont été témoins et de leur coût dévastateur sur la vie, les membres et l’infrastructure. Vivre dans une peur et une incertitude constantes, y compris sur la possibilité de trouver des produits de base nécessaires, a aussi causé une détresse psychologique. On estime que 90% des enfants de Gaza ont besoin d’aide pour leur santé mentale et leurs besoins psychosociaux.
c. Infliger délibérément au groupe des conditions de vie calculées pour amener sa destruction physique, en totalité ou en partie : Israël a évacué par la force et déplacé environ 90% des Palestiniens de Gaza, et simultanément il n’a pas fourni d’abri adéquat, de vêtements, de produits d’hygiène et d’équipement sanitaire, et a même délibérément restreint leur approvisionnement. Cela a provoqué une famine étendue, la déshydratation et la faim, dont l’effet a été augmenté par la destruction de l’infrastructure médicale et le manque d’accès à des médicaments à Gaza.
d. Imposer des mesures visant à empêcher les naissances à l’intérieur du groupe : Les frappes et les blocus d’Israël à Gaza ont eu pour conséquences une augmentation importante des fausses couches, des enfants morts-nés ou des naissances prématurées, ainsi que des décès qui auraient pu être évités à la fois chez les femmes et les bébés. Récemment, l’Organisation mondiale de la Santé estimait que 15% des femmes accouchant à Gaza subiraient probablement des complications.
Enfin, de nombreux organismes faisant autorité concluent des preuves disponibles que l’intention spéciale nécessaire (dolus specialis) est aussi établie. Une telle intention a été indiquée par l’utilisation répétée d’un langage déshumanisant dans les déclarations de responsables israéliens du gouvernement et de l’armée, qui peuvent être attribuées à l’État d’Israël selon les Articles sur la responsabilité des États pour les Actes internationalement illicites (ARSIWA). Par exemple, l’ancien ministre de la Défense israélien Yoav Gallant s’est référé aux Palestiniens comme à des « animaux humains » et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a appelé les forces armées israéliennes à « se souvenir de ce qu’Amalek vous a fait » — une référence à une histoire biblique sur la totale destruction du peuple d’Amalek par les Israélites. Ce langage déshumanisant démontre une peinture générale de tous les Palestiniens de Gaza comme des cibles légitimes à détruire, et un mépris flagrant d’Israël pour ses responsabilités en tant que puissance occupante. Il y a aussi des preuves que la rhétorique génocidaire s’est répandue dans une grande partie de la société israélienne et est utilisée par des soldats des Forces de défense israéliennes, par les médias israéliens et par les civils.
De plus, certains aspects des actions et des manquements d’Israël ont été désignés comme indiquant une intention génocidaire envers les Palestiniens de Gaza. Des experts ont souligné que les moyens et les méthodes de guerre d’Israël ont montré un mépris systématique pour les principes humanitaires de distinction, de proportionnalité et de précaution dans les attaques. Cela a eu pour conséquence un nombre disproportionné de victimes civiles, dont la majorité sont des femmes, des enfants et des personnes âgées. D’autres indicateurs d’intention génocidaire qui ont été mis en lumière sont le déplacement forcé et répété des Palestiniens de Gaza vers des zones désignées par Israël comme « zones sûres », qui ont ensuite été bombardées ; la privation intentionnelle des biens fondamentaux (dont la nourriture, l’eau, les soins, le carburant, les équipements sanitaires et les communications) et la destruction de l’infrastructure sociale (en particulier les maisons, les écoles, les mosquées, les églises et les hôpitaux).
7. Y-a-t-il des responsabilités pour des États tiers comme l’Allemagne selon la Convention de génocide ?
La Convention de génocide n’est pas la seule source d’obligations selon le droit international, en ce qui concerne le génocide. En plus des obligations à empêcher et à punir le génocide, les obligations selon la Convention de génocide sont aussi reconnues comme des droits et des obligations qui sont dus par tous les États envers tous les autres États (erga omnes) et l’interdiction de génocide constitue une norme impérative du droit international (jus cogens).
Selon la Convention de génocide, les États doivent garantir qu’Israël ne commet pas ou ne se prépare pas à commettre des violations à cette Convention. Les États doivent aussi empêcher ou punir le génocide. Les États qui sont impliqués dans un transfert à Israël ou un échange commercial avec lui qui contribuent à sa capacité militaire ont des obligations encore plus élevées de ce point de vue. Ainsi, la Commission indépendante internationale d’enquête des Nations Unies sur le Territoire palestinien occupé a recommandé que tout État impliqué dans un tel transfert ou échange commercial avec Israël doit cesser ce transfert ou échange commercial jusqu’à ce que l’État soit convaincu que les biens et la technologie qui sont les objets de ce transfert ou de cet échange commercial ne contribuent pas à commettre un génocide.
Ces obligations, en plus de la Convention de génocide, ont été utilisées par le Nicaragua pour déposer plainte contre l’Allemagne auprès de la CIJ. Le Nicaragua a affirmé que les actions de l’Allemagne, fournissant des armes à Israël et suspendant le financement de l’UNRWA, contribuaient à un risque de génocide contre les Palestiniens de Gaza. Il a été argué que ceci revenait à une complicité dans un génocide. Le Nicaragua a donc demandé à la CIJ de prendre des mesures provisoires ordonnant à l’Allemagne de suspendre l’aide et l’assistance militaire à Israël s’il y avait un risque que cela puisse être utilisé pour violer le droit international et de reprendre son financement de l’UNRWA.
Bien qu’elle n’ait pas immédiatement ordonné de mesures provisoires, soulignant expressément que les circonstances « présentes » n’exigeaient pas d’ordonner de telles mesures (principalement parce que l’Allemagne a plaidé qu’elle avait déjà cessé les exportations d’armes à Israël), la Cour a clairement indiqué qu’elle pourrait le faire dans le futur. Elle a effectivement averti l’Allemagne qu’elle envisagerait d’accorder une nouvelle requête du Nicaragua au cas où l’Allemagne reprendrait l’exportation d’armes de guerres ou d’autres équipements militaires à Israël, particulièrement si un tel équipement pouvait être utilisé pour commettre ou soutenir de graves violations de la Convention de génocide ou des Conventions de Genève. En d’autres termes, toute fourniture d’armes qui posent un risque potentiel d’être utilisés pour violer la Convention de génocide — essentiellement tout armement qui serait de manière probable déployé dans un combat actif à l’intérieur de la Bande de Gaza —serait incohérent avec les engagements internationaux de l’Allemagne. L’affaire est encore en cours.
8. La CPI est-elle aussi en train d’enquêter sur le crime de génocide en relation avec Gaza ?
Alors que la CIJ traite des cas de responsabilité étatique, le Cour pénale internationale (CPI) traite des cas de responsabilité pénale individuelle. Le Bureau du procureur de la CPI enquête et engage des poursuites sur les crimes de la juridiction de la CPI. Le 5 février 2021, la CPI a confirmé qu’elle avait juridiction sur les actions commises dans l’« État de Palestine », à savoir dans le « territoire palestinien occupé » dans les frontières de 1967, qui inclut la Bande de Gaza et la Cisjordanie, dont Jérusalem-Est. C’est une détermination de la juridiction pénale sur le territoire, basée sur la ratification du Statut de Rome par la Palestine en 2015. Le 3 mars 2021, le procureur de la CPI a annoncé qu’il ouvrait une enquête sur la Situation dans l’État de Palestine. Cette investigation couvre chacun des crimes sur lesquels la CPI a juridiction, à savoir les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le crime d’agression et le génocide. Bien que le cas de génocide n’ait pas été formellement porté devant la CPI, cela ne signifie pas qu’il ne le sera pas dans le futur. En fait, le communiqué de presse de la CPI lors de l’émission des mandats d’arrêt disait qu’il y a des motifs raisonnables de croire que certaines des actions d’Israël « ont créé des conditions de vie calculées pour provoquer la destruction d’une partie de la population civile de Gaza ». Cette formulation peut suggérer que la question de la responsabilité de génocide pourrait se poser aussi devant la CPI.
9. Qu’en est-il des récents mandats d’arrêt de la CPI ?
Le 21 novembre 2024, la Première Chambre préliminaire de la CPI a délivré des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant et le commandant en chef du Hamas Mohammed Diab Ibrahim al-Masri (Deif). Les mandats d’arrêt contre Netanyahou et Gallant allèguent qu’ils sont responsables des crimes de guerre d’affamement comme méthode de guerre et de direction intentionnelle d’attaques contre la population civile ; ainsi que des crimes contre l’humanité de meurtre, d’autres actions inhumaines et de persécution.
Le mandat d’arrêt pour Deif dit qu’il est responsable des crimes contre l’humanité de meurtre, d’extermination, de torture, de viol et d’autres formes de violence sexuelle ; ainsi que des crimes de guerre de meurtre, de traitement cruel, de torture, de prise d’otages, d’outrages à la dignité personnelle, de viol et d’autres formes de violence sexuelle.
La CPI peut seulement exercer sa juridiction si l’État concerné ne veut pas authentiquement enquêter et poursuivre les crimes sous investigation, ou est incapable de le faire. On évoque cela sous le nom de « principe de complémentarité ». Israël a argué que ses systèmes de justice civile et militaire enquêteront sur les individus et les poursuivront « quand ce sera nécessaire ». Si Israël peut mettre en cause la juridiction de la CPI sur la base du principe de complémentarité, il doit démontrer qu’il conduit une investigation indépendante et impartiale sur les allégations spécifiques faites par le procureur de la CPI contre Netanyahou et Gallant. Pour le moment, il ne l’a pas démontré.
La CPI requiert la coopération des États pour exécuter ses décisions, étant donné qu’il ne dispose pas d’un mécanisme d’exécution intégré, comme des forces de police. Cependant, bien qu’il y ait eu des réactions mixtes des États en réponse à l’émission des mandats, la question de savoir s’il faut arrêter les accusés et les remettre à la CPI n’est pas une question politique. Les obligations juridiques internationales des États parties sont claires. Il est maintenant essentiel que les États membres de la CPI satisfassent à leurs obligations juridiques internationales, en arrêtant les individus concernés s’ils entrent sur leur territoire et en les remettant à la CPI.
Statut : décembre 2024
Centre européen pour les droits constitutionnels et humains/ European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) e.V.
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